Intervention de François Marc

Réunion du 30 avril 2009 à 9h00
Communication sur les suites du sommet du g20 — Point de vue des groupes politiques

Photo de François MarcFrançois Marc, membre du groupe de travail :

Il y a également des non-dits lourds de sens sur des sujets majeurs. Pas un mot, par exemple, sur la réorganisation du système monétaire international et la remise en cause du dollar comme étalon.

Pas un mot non plus sur les moyens de s’attaquer aux gigantesques déséquilibres commerciaux, largement responsables de la crise.

Pas un mot, surtout, sur la façon dont les États comptent s’y prendre pour assainir un jour leurs finances publiques.

S’agit-il donc, en réalité, d’un changement profond ? Je crains que non. Certains observateurs notaient d’ailleurs qu’à Londres vingt dirigeants représentant 85 % du PIB mondial et 65 % de la population de la planète ont décidé d’unir leurs efforts comme jamais, ce qui est louable, et de mobiliser plusieurs milliers de milliards de dollars pour sauver le système, et non pour en changer. Il s’agit là pour nous d’un motif de déception majeur, car cela dénote un certain nombre de limites.

Il nous faut savoir tirer plusieurs enseignements de cette crise, qui est loin d’être terminée.

Premièrement, le krach accuse de façon indéniable les excès du capitalisme.

Deuxièmement, cette crise met en évidence la folie des crédits pervers, des hypothèques, des swaps, notamment. On peut craindre, comme l’ont dit certains tout à l’heure, les répercussions de ces crédits structurés sur les financements de nos collectivités dans les mois, voire les deux années à venir.

Troisièmement, il faut souligner l’irresponsabilité des acteurs de la chaîne financière, au nombre desquels figurent, parmi bien d’autres, les agences de notation.

Quatrièmement, la nationalisation des pertes s’est révélée nécessaire pour faire face à la crise, ce qui nous invite à poser la question des contreparties : qu’attendons-nous en retour de la part des acteurs – banques et entreprises – que nous avons aidés à se remettre à flot ? Il s’agit là, selon moi, d’une question essentielle.

Cinquièmement, la purge des systèmes financiers entraîne une décroissance, des ruptures et des pertes d’emplois considérables, ce qui aura pour conséquence une augmentation de la pauvreté. Ce constat appelle de notre part une action publique forte.

Sixièmement, enfin, on constate une absence de politique commune européenne véritablement efficace, ce qui conduit nécessairement à réfléchir, pour l’avenir, sur la consolidation de ces politiques.

Face à cette situation, quelles exigences devons-nous formuler, et quelles suites faut-il donner, pour l’heure, à ces différents constats ?

La première exigence tient, bien sûr, à la consolidation d’une économie en crise. Un certain nombre de pistes ont été tracées lors du G20 ; elles doivent entraîner une adaptation de nos politiques publiques. Telle est la réalité : nous n’avons pas le droit de pratiquer la politique du pire ; il faut bien essayer de consolider le système.

Mais la seconde exigence, que j’examinerai plus longuement, concerne nos capacités d’anticipation face aux risques aujourd’hui détectés.

D’abord, dans cette situation de crise, s’affirme la nécessité d’un véritable volontarisme politique pour accroître la régulation. De ce point de vue, et en ce qui concerne notre pays, nous avons quelques doutes sur la durabilité des engagements pris aujourd’hui par le Président de la République et par le Gouvernement.

Pour les besoins du moment, ils se sont ralliés à l’idée de la régulation politique, mais cela durera-t-il ? Nous en doutons, car, dans les valeurs qui sont aujourd’hui prônées au sommet de l’État, ne figure pas la solidarité qui doit, à nos yeux, guider les politiques publiques.

Un observateur attentif de la vie politique – François Bayrou, pour ne pas le citer –, dénonce, dans un ouvrage paru aujourd’hui même et dont la presse s’est déjà fait l’écho, l’affirmation en France d’une « idéologie de l’argent, présenté comme valeur » et d’une « idéologie de la généralisation de la loi du profit ».

Nous retrouvons dans ces analyses un certain nombre de thèses que nous défendons depuis de longues années. J’ai le sentiment que, dans notre pays, une large part de l’opinion publique se rallie à cette préoccupation pour une régulation accrue et une redynamisation des valeurs fondées sur la solidarité et non plus sur le « chacun pour soi ».

Au-delà du volontarisme politique, on peut également évoquer l’action de l’Europe. Il importe de refonder la surveillance financière et de consolider à tout prix les politiques européennes.

Enfin, et c’est à mes yeux l’essentiel, un autre partage des richesses doit être recherché dans notre pays. « Face à la crise, partager devient nécessaire », disait récemment un commentateur. Il s’agit bien là d’un sujet de préoccupation majeur, y compris d’ailleurs aux États-Unis, comme beaucoup l’ont noté. Mais c’est également particulièrement vrai en France et dans le reste de l’Europe : il nous faut rééquilibrer le partage de la valeur ajoutée en faveur des salaires, et surtout mieux répartir les revenus.

Certains ont cru possible une sorte de « keynésianisme des riches » : la hausse des inégalités aurait, selon eux, tiré l’économie par le biais des dépenses des plus aisés.

Il n’en a rien été, et ce pour une raison simple : le taux d’épargne s’élève avec le revenu. L’argent ainsi dégagé a largement alimenté le patrimoine financier des couches les plus aisées, participant au gonflement de la bulle spéculative.

À la place de la fuite des personnes, on a orchestré une fuite des capitaux, à la recherche de gains toujours plus spéculatifs. Nous payons aujourd’hui l’addition de ce vaste gaspillage : les baisses d’impôt n’ont eu pour résultat que d’enfoncer les comptes publics, sans avoir d’effet sur la croissance.

Il est impossible de répondre à la crise économique sans un effort de solidarité nationale, sauf à aggraver de façon vertigineuse le déficit public, qu’il faudra de toute façon payer un jour.

Cet effort ne saurait être réalisé sans tenir compte des gains obtenus dans les années récentes par les plus aisés. Selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la contribution commune doit être « répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. » C’est l’impôt sur le revenu, dont le taux augmente avec le niveau de vie, qui tient le mieux compte des « facultés » des uns et des autres.

Voilà, mes chers collègues, ce que je souhaitais dire au nom du groupe socialiste. L’effort de répartition des richesses sera encore, dans les années qui viennent, une condition nécessaire – quoique non suffisante – d’une amélioration durable de la situation économique et sociale dans notre pays.

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