Intervention de Luc Chatel

Réunion du 30 avril 2009 à 9h00
Communication sur les suites du sommet du g20 — Point de vue des groupes politiques

Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, porte-parole du Gouvernement :

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce G20 a marqué une étape historique du fait même de son existence, et vous avez été plusieurs, sur ces travées, à le rappeler dans vos propos.

En effet, pour la première fois, les vingt pays les plus importants de la planète, représentant 85 % de la population mondiale, étaient rassemblés dans un même lieu. Il convient de s’attarder sur ce point pour méditer les progrès que le monde a réalisés en quelques années. Songeons que, voilà vingt ans seulement, deux blocs s’affrontaient encore, scindant le monde en deux. Voilà vingt ans, la Chine jouait sa partition en dehors du concert des nations. Voilà vingt ans, l’Inde était plus source de désespoir que d’espérance en matière économique, avec une démographie galopante et une pauvreté qui semblait absolument endémique.

Le G20 a été une bonne nouvelle pour la démocratie. Il a marqué la primauté du politique face à l’économique. Et le retour du politique, c’est le retour du pouvoir légitime, c’est-à-dire celui qui est exercé par le peuple.

On peut noter avec satisfaction que, pour l’instant, cette crise, si violente soit-elle sur le plan économique mais aussi sur le plan social, n’a pas eu, sur le plan politique, les effets dévastateurs qu’avait eus la crise des années trente. Jusqu’à présent, aucun régime démocratique n’a été mis à bas par la crise.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le G20 a été une réunion historique par son contenu. Les pays présents ont su dégager des consensus forts sur quelques grands principes : tout d’abord, la réaffirmation de l’économie de marché comme seul système économique viable ; ensuite, la nécessité de mieux réguler l’économie financière, son corollaire, grâce à une approche internationale, collaborative et multilatérale ; enfin, le refus du protectionnisme, qui se traduira, pour résoudre la crise, par une plus grande solidarité et le rejet des égoïsmes nationaux.

La tenue du G20 démontre une véritable inflexion idéologique de certains pays. L’intervention des États n’est aujourd’hui plus taboue. Elle a d’ailleurs été massive depuis le début de la crise. À ce propos, je voudrais souligner que le directeur du Fonds monétaire international, M. Strauss-Kahn, rappelait récemment l’effort budgétaire, en 2009, des différents pays en matière de relance, indiquant qu’il était assez homogène selon les pays : aux alentours de 2 % du produit intérieur brut. Je rappelle que, pour la France, cet effort s’approchera de 2, 4 % du PIB en 2009.

Le G20 a aussi marqué le retour de l’Europe sur la scène politique internationale. Il faut se souvenir que le premier G20 organisé à Washington est né d’une initiative de notre Président de la République, alors président de l’Union européenne, à la suite de son discours aux Nations unies. L’Europe a, depuis, apporté un soutien constant à la démarche multilatérale et coopérative qui avait été prônée par la France.

Le dernier G20, à Londres, a été l’occasion de réaffirmer l’importance de l’axe franco-allemand. Christine Lagarde a travaillé en amont avec son homologue allemand, M. Steinbrück. Un certain nombre de propositions fortes ont été officialisées lors du conseil des ministres franco-allemand du 12 mars et soutenues par les membres de l’Union européenne le 2 avril, à Londres.

Le communiqué final du G20 a repris une grande partie de ces propositions. Ces dernières sont d’ailleurs, et l’on ne peut que s’en féliciter, extrêmement proches de celles qui ont été formulées par votre groupe de travail Assemblée nationale-Sénat sur la crise financière internationale, en matière tant de régulation que de redéfinition du rôle des institutions internationales chargées d’exercer cette régulation.

Les pays présents ont défini les modalités de refonte de la régulation du secteur financier, et le renforcement de cette régulation a fait l’objet d’une déclaration spécifique de près de six pages, avec un véritable plan d’action.

D’abord, la régulation nouvelle s’appuiera sur le contrôle de tous les acteurs : les territoires, les établissements financiers, les agences de notation, et même les particuliers. Il ne pourra plus y avoir de trou noir ou d’exception, comme c’était le cas jusqu’à présent.

En ce qui concerne le contrôle des territoires, on le sait, les centres non coopératifs en matière fiscale, les fameux paradis fiscaux, abritent deux tiers des fonds spéculatifs. Nous avons pu, au G20, obtenir que l’OCDE publie des listes, et ces dernières ont déjà produit leurs effets, puisque les quatre pays de la liste noire – le Costa-Rica, la Malaisie, les Philippines et l’Uruguay – se sont engagés à respecter les conventions internationales, ce qui les a donc fait passer de facto en liste grise, celle des pays ayant pris des engagements mais ne les respectant pas pleinement aujourd’hui. Ce sont ces pays que la communauté internationale doit aujourd’hui surveiller et accompagner dans leurs efforts.

La régulation nouvelle s’appuiera ensuite sur le contrôle des hedge funds, qui représentent 1 200 milliards de dollars de placements et, certains jours, plus de 50 % des volumes de transactions sur les marchés. À l’heure où les États sont appelés en soutien des banques, nous devons nous assurer que, demain, ces dernières ne seront pas fragilisées par des acteurs comptant parmi leurs plus importants clients et sur lesquels les autorités n’ont aujourd’hui aucune information. C’est pourquoi le G20 a décidé d’imposer une régulation spécifique : immatriculation obligatoire, transparence dans la gestion et contrôle des engagements des banques.

Est également prévu le contrôle des agences de notation, qui ont une lourde part de responsabilité dans cette crise, indiscutablement celle de la mauvaise appréciation des risques. Ces agences seront dorénavant enregistrées, et un code de bonne conduite permettra d’éviter les conflits d’intérêts. Elles devront mettre en place des notations différenciées, car il est impossible de noter de la même manière des entreprises, des États et des produits structurés.

Enfin, la régulation reposera aussi sur le contrôle des particuliers. Cette crise, c’est aussi celle de politiques de rémunérations qui ont failli. Ces politiques participent à la gouvernance économique. Quand la rémunération de traders ne dépend pas de la rentabilité finale des opérations qu’ils concluent, tout est réuni pour que des opérations qui n’auraient jamais dû voir le jour soient nouées. Cette question est centrale, et le G20 a fixé des principes forts pour que le versement des bonus soit directement lié à la performance réelle des transactions.

Notre défi, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est de mettre en place des dispositifs de coopération internationale entre superviseurs, qui permettent d’avoir une vision consolidée et de contrôler les groupes financiers internationaux ayant une importance systémique. Nous avons confié cette mission au forum de stabilité financière.

Cependant, ce G20 a également permis de consacrer un nouveau rôle pour les institutions financières internationales, au premier rang desquelles le FMI, qui doit jouer un double rôle, celui de suivi des risques financiers et celui de soutien aux pays émergents et en développement affectés par la crise.

Nous attendons du FMI qu’il joue un véritable rôle d’alerte précoce sur les risques financiers et sur les déséquilibres macroéconomiques. Il devra le faire en lien avec le nouveau Conseil de stabilité financière, sorte d’organisation mondiale de la finance, qui prend la place du forum de stabilité financière, dont le mandat est élargi.

Dès le mois d’avril, ces deux organisations vont présenter deux fois par an une carte des risques financiers, économiques et mondiaux. Avec le rôle d’alerte précoce confié au FMI et la constitution du Financial stability board, la communauté internationale dispose enfin d’une véritable capacité de contrôle de ces risques.

Les institutions seront plus fortes, mais elles seront aussi plus inclusives. Le nouveau forum de stabilité financière est en effet élargi aux membres du G20 ainsi qu’à l’Espagne et à la Commission européenne ; le FMI devrait, quant à lui, s’engager dans une revue des quotes-parts des États à son capital.

Enfin, le G20 a consacré des avancées certaines pour réformer les normes comptables et prudentielles, même si – je dois le reconnaître – nous aurions voulu aller encore plus loin.

La déclaration est claire sur la nécessité de revoir les principes comptables lorsque les références de marchés n’ont pas de sens et pour les placements à long terme.

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