Intervention de Philippe Marini

Réunion du 30 avril 2009 à 9h00
Communication sur les suites du sommet du g20 — Débat interactif et spontané

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, corapporteur du groupe de travail :

Je souhaite réunir au travers de cette question deux sujets évoqués lors de précédentes interventions, les paradis fiscaux et la politique commerciale, sur lesquels on ne peut s’en tenir aux bonnes intentions et aux principes généraux. Nous devons au contraire y être très attentifs.

J’évoquerai d’abord les paradis fiscaux.

Il est assez facile au gouvernement des États-Unis, quand il se rend compte de la perte de ressources fiscales liée au statut privilégié des paradis fiscaux, de faire pression politiquement sur ces territoires, en l’absence de quelque convention que ce soit, sachant que nombre d’entre eux sont très dépendants de ce pays.

Je pense que nous allons bientôt voir apparaître de tels comportements chez nous. C’est une bonne prise de conscience, mais cela ne suffit pas. Pour nous, Européens, des règles du jeu doivent prévaloir en matière d’assistance administrative et de transmission d’informations. Il nous faut obtenir que, dans toutes les procédures fiscales ou civiles, l’assistance soit aussi conséquente que dans le domaine pénal. Je considère qu’une telle symétrie est souhaitable, et j’aimerais connaître l’avis du Gouvernement à cet égard.

Il existe en Suisse une loi très bonne et extrêmement contraignante relative à l’entraide internationale en matière pénale. Il suffirait de la démarquer : elle serait tout aussi excellente et efficace en matière de procédure fiscale, et permettrait de poursuivre des infractions constatées dans un autre territoire que la Suisse. Je souhaite que le Gouvernement soit pugnace sur ces sujets et ne se contente pas de bonnes intentions. Même si celles-ci constituent un bon début, on doit pouvoir élargir la brèche.

En matière de politique commerciale et de spécialisation du travail, ce qui est en cause, c’est la division internationale du travail.

Nous avons rencontré à Washington, entre autres interlocuteurs, Olivier Blanchard, l’économiste en chef du FMI, grand conseiller de cette institution et homme éminemment brillant, qui nous a dit sans vergogne que l’économie des pays développés allait devoir se redéployer, car l’avenir était à l’économie de la connaissance. Et lorsque nous lui avons fait remarquer qu’il n’était pas évident d’adapter toutes les qualifications à cette évolution, il nous a répondu qu’il faudrait de toute façon en passer par là. Il s’agit là, je tiens à le souligner, d’une vision mécanique, inéluctable et idéologique !

Sur ces sujets, monsieur le secrétaire d’État, il nous faut sortir du politiquement convenable. Nous avons un véritable problème de définition de la stratégie européenne en matière de politique commerciale, un vrai problème d’équilibre européen qui concerne la zone euro, mais également, au-delà, les Vingt-sept ! Nous sommes à la veille d’un grand débat européen. Or, si l’Europe ne sait pas clarifier ses structures, ses fonctions et ses responsabilités, comment pourra-elle constituer un pôle de stabilité dans le monde ?

Si l’Europe est simplement une croyance dont on se sert pour raconter sans cesse aux électeurs des choses plus ou moins fausses, comment éviter qu’elle ne devienne, aujourd’hui même, et de plus en plus dans les années à venir, le bouc émissaire dans tous les débats, surtout si la crise s’aggrave ? En effet, s’il est possible de penser que, sur le plan des marchés et de la crise purement financière – même si on n’a pas fait l’inventaire complet de tous les actifs toxiques ! –, le processus de correction est bien en cours, la crise de l’économie réelle est encore devant nous. ! Nous ne devons nous faire aucune illusion à ce sujet, et de nombreux spécialistes nous en avertissent à juste titre.

Vous savez tout cela, monsieur le secrétaire d’État, vous qui êtes aux prises avec des problèmes sociaux et industriels très graves. Je tiens d’ailleurs à vous rendre hommage, car je suis concerné de près par un conflit que vous avez pris en charge, dès le départ, avec efficacité, franchise et pugnacité. Vous connaissez ces sujets tout particulièrement.

Nous savons que les annonces qui nous parviennent se concrétiseront dans trois mois, six mois ou un an, et que les statistiques du chômage, dans notre pays comme aux États-Unis et dans bien d’autres pays, continueront à s’aggraver de manière significative pendant une certaine période. Nous n’avons pas touché le fond ! Et cela alimentera des anticipations qui, elles-mêmes, seront défavorables. Le rééquilibrage s’opérera, bien sûr, mais il ne faut pas promettre la prospérité au coin de la rue !

Le vrai problème qui se pose est celui de la division internationale du travail et de la compétitivité de nos industries. Nous ne devons pas nous faire d’illusion : on ne tranchera pas le débat européen sans clarifier ce sujet. Je rejoins donc Jean Arthuis sur tous les points qu’il a abordés, sauf sur la taxe professionnelle !

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