Intervention de Michel Teston

Réunion du 30 avril 2009 à 15h00
Communication de la commission européenne sur sa stratégie politique annuelle pour 2009 — Adoption d'une proposition de résolution européenne modifiée

Photo de Michel TestonMichel Teston :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon intervention a pour objet d’illustrer la nécessité de l’élaboration et de l’adoption d’une législation-cadre pour les services d’intérêt général, législation qui traite de tous les services et qui réaffirme l’importance du principe de subsidiarité.

En effet, en l’absence d’une telle législation européenne, ce sont les règles de la concurrence ou de la libre circulation qui sont invoquées pour réglementer les services d’intérêt général.

Ainsi les autorités nationales, régionales et locales, sont de plus en plus confrontées à l’intervention de la Commission européenne qui évalue les activités de ces services sous le seul angle de vue des règles du marché intérieur.

Ce constat est particulièrement net pour les services sociaux d’intérêt général qui ne bénéficient d’aucun cadre juridique, Roland Ries l’a très bien dit.

Quant aux autres services d’intérêt économique général concernant les réseaux – transports, énergie, poste, télécommunications –, ils sont régis par des directives sectorielles d’ouverture du marché intérieur et d’ouverture à la concurrence, qui sont interprétées de manière de plus en plus libérale par la Commission.

Pourtant, la Cour de justice des Communautés européennes, dans les arrêts Corbeau du 19 mai 1993, commune d’Almelo du 27 avril 1994 et International Mail Spain du 15 novembre 2007, rappelle que les États membres peuvent conférer à des entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général des droits exclusifs, qui peuvent faire obstacle à l’application des règles du traité sur la concurrence dans la mesure où ces restrictions à la concurrence sont nécessaires à l’accomplissement de la mission particulière qui a été impartie aux entreprises titulaires des droits exclusifs.

Cette jurisprudence constante n’a pas empêché l’adoption de directives soumettant les services d’intérêt général à la loi du marché ainsi qu’une interprétation très libérale des directives sectorielles par la Commission.

Les services postaux sont une bonne illustration de l’intérêt d’une législation-cadre régissant l’ensemble des services d’intérêt général.

En 2004, les services publics postaux représentaient 1 % du produit intérieur brut communautaire et employaient directement, 1, 6 million de personnes.

Le service public postal, c’est-à-dire la levée, le tri et la distribution du courrier est régi par la directive 1997/67/CE et la directive 2008/6/CE qui prévoit la suppression, le 1er janvier 2011, du monopole résiduel des opérateurs historiques pour les plis de moins de 50 grammes, autrement appelé « secteur réservé ».

Ces textes définissent le service postal universel, conçu comme un droit d’accès des utilisateurs aux services postaux, et comprenant un éventail minimum de services de qualité déterminée dont tous les utilisateurs, quelle que soit leur situation géographique, doivent pouvoir disposer, dans tous les États membres, à des prix abordables. Cette définition est loin d’être aussi précise, par exemple, que la définition des obligations de service public imposées actuellement à la poste française.

L’existence d’une législation-cadre relative aux services d’intérêt général aurait probablement permis de maintenir le secteur réservé, qui ne représente plus que 30 % de l’ensemble de l’activité du courrier et du colis, mais qui assure encore aujourd’hui le financement du service universel.

Une législation-cadre interdirait aussi à la Commission d’interpréter de manière très libérale les directives sectorielles existantes.

Le rapport de la Commission de décembre 2008, relatif à l’application de la directive postale, est éclairant dans la mesure où il montre que, faute de cadre juridique encadrant tous les services d’intérêt général, la Commission tend à faire pression sur les États membres afin qu’ils aillent plus vite et plus loin que ne le prévoit la directive.

Comme pour la directive relative aux services, la Commission européenne s’est empressée de demander aux États membres d’achever au niveau national toutes les autres « réformes nécessaires » à l’application stricte de la libéralisation du secteur postal.

Selon le commissaire européen Charlie McCreevy, « les marchés ne vont pas s’ouvrir de manière automatique. Les réformes nécessaires au niveau national doivent être rigoureusement poursuivies ». Nous nous retrouvons donc dans le même cas de figure que celui de la directive « services ».

Non satisfaite des dispositions adoptées par les États membres et le Parlement européen, la Commission européenne veut orienter la transposition de la directive en proposant un manuel de transposition assorti de dispositions risquant de rendre plus difficiles les conditions d’exercice du service public, notamment pour ce qui concerne le maillage du territoire.

En outre, la Commission européenne n’hésite pas à relever tout ce qu’elle considère comme des problèmes connexes à la libéralisation postale. Des remarques ont été formulées à un certain nombre d’États membres ; à ma connaissance, huit d’entre eux sont concernés.

À titre d’exemple, je citerai le cas de l’Allemagne. Le gouvernement allemand a décidé, parallèlement à l’ouverture de son marché postal, d’instaurer un salaire minimum pour les postiers.

Si cette disposition semble être de bon sens, dans la mesure où elle permet d’éviter tout dumping social, la Commission européenne considère ce salaire minimum comme ayant un impact négatif inacceptable sur la concurrence. N’est-ce pas sidérant ?

Afin d’éviter des pressions en vue d’aboutir à des transpositions basées sur un moins-disant social, il est nécessaire de mettre en place un texte-cadre définissant clairement les services publics au niveau communautaire et établissant une liste des obligations communes en la matière, ainsi qu’une stricte répartition des compétences entre le niveau communautaire et le niveau national.

Par ailleurs, il faut savoir que les opérateurs postaux historiques de onze États membres ont accepté, conformément à la directive précitée, l’ouverture complète du secteur postal, en demandant la création de mécanismes de nature à garantir le financement des obligations de service universel et la mise en place de règles du jeu équitables. Là encore, cette prise de position, au demeurant compréhensible, a suscité le mécontentement de la Commission européenne dans son rapport de décembre 2008.

S’agissant du financement du service universel, l’adoption d’une législation-cadre devrait permettre de donner le choix à chaque État membre de retenir la solution qui lui paraît la plus adaptée. Cette position est défendue par les membres du parti socialiste européen. J’avais défendu la même position en janvier 2007 lors de l’examen de la proposition de résolution de notre collègue Pierre Hérisson sur l’ouverture des marchés postaux, proposition qui, je le rappelle, reconnaissait la légitimité juridique de la démarche d’ouverture des marchés postaux à la concurrence.

À cette occasion, j’avais proposé que soit maintenu le monopole résiduel. La résolution adoptée parle finalement de maintien de ce monopole tant qu’un mode de financement alternatif et équivalent n’est pas trouvé.

Si cette formulation montre bien la nécessité du maintien d’un secteur réservé, elle n’en est pas moins insuffisante. Le fonds de compensation du service universel postal prévu dans la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales ne constitue pas un moyen de financement équivalent, loin s’en faut ! En témoignent les difficultés constatées dans le fonctionnement du fonds de compensation pour le téléphone fixe.

Les services d’intérêt général ont donc des spécificités qui doivent être prises en compte. C’est ainsi que la Confédération européenne des syndicats estime que « des dispositions devraient être prises avant de décider de libéraliser des secteurs essentiels comme le secteur postal, afin de préserver la cohésion économique et sociale de l’Union européenne ». Le groupe socialiste est du même avis. C’est pourquoi nous demandons l’adoption d’une législation-cadre.

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