La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question de même que la ou le ministre, pour sa réponse, disposent chacun de deux minutes trente. Je suis sûr que tous auront à cœur de respecter cette règle.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
Alors que l’entreprise Caterpillar affichait un bénéfice de plus de 3, 5 milliards d’euros pour l’année 2008, ce groupe industriel a eu l’indécence d’annoncer la suppression de 20 000 emplois pour l’année 2009, dont 733 dans le département de l’Isère !
« Une année horrible », affirmait le PDG de Caterpillar France… Mais horrible pour qui ? Visiblement, seulement pour les salariés, car les actionnaires ont bénéficié, à travers ces suppressions, d’une augmentation de 17 % de leur dividende !
Horrible, oui, le choix de la direction d’accroître la fortune de quelques privilégiés au détriment des centaines de familles ! Horrible encore, le comportement insolent de cette direction qui assigne en justice le comité d’entreprise ! Fort heureusement, elle a été déboutée.
Passé la stupeur et l’émoi, c’est l’indignation et la colère qui se sont emparées des salariés de Caterpillar, Continental, Molex, Freescale et de bien d’autres entreprises. Chez Faurecia, les salariés viennent de vivre des événements dramatiques : agressés par des vigiles, trois d’entre eux sont aujourd’hui hospitalisés.
Or tous ces salariés luttent pour préserver leurs emplois et la pérennité des sites industriels. Et cette lutte porte un nom : la lutte des classes, qui a aujourd'hui toute sa pertinence face à la rengaine libérale du « chacun pour soi » !
Exclamations sur les travées de l ’ UMP.
Votre « dialogue social » est devenu une coquille vide, qui contraint les salariés à défendre leur emploi et leur dignité par leurs seuls moyens, car ils refusent d’être licenciés, ils refusent de disparaître en silence ou encore de plier devant le chantage du « travailler plus pour gagner plus », sachant qu’il s’agit en fait de travailler plus pour gagner moins ! Par leurs actions, c’est l’ensemble de la société qu’ils défendent contre les méfaits des patrons voyous !
La responsabilité du Gouvernement est grande dans la situation économique et sociale gravissime que nous connaissons.
L’heure n’est plus au bilan ou à l’analyse, mais à l’action ! Il faut enfin accorder des droits nouveaux aux salariés pour qu’ils soient impliqués dans les choix de gestion de l’entreprise et en finir avec les stocks-options, « retraites chapeaux », « parachutes dorés » et autres instruments de spéculation !
Il faut défendre l’emploi par la loi. C’est pourquoi, avec mon groupe, j’ai déposé une proposition de loi visant à modifier le code du travail pour imposer une mesure de justice sociale : l’interdiction des licenciements boursiers.
Le sacrifice des salariés au profit des actionnaires doit en effet cesser !
Ma question est la suivante : allez-vous enfin entendre l’exigence populaire et unitaire d’un changement de politique qui s’est exprimée le 29 janvier, le 19 mars et qui s’exprimera avec autant d’ampleur, si ce n’est plus, demain, 1er mai ? Allez-vous légiférer en ce sens, ou appeler les parlementaires de votre majorité à voter la proposition déposée par les sénateurs communistes et du Parti de gauche ?
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Madame le sénateur, il faut aborder sans idéologie les difficultés humaines que rencontrent aujourd’hui les salariés.
Rires et exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Je voudrais vous rappeler quelques vérités que vous n’avez pas évoquées.
Premièrement, la crise actuelle n’affecte pas spécialement la France : elle est mondiale. Dès lors, pointer du doigt, comme vous le faites, les responsabilités du Gouvernement me semble pour le moins outrancier.
Deuxièmement, dans cette crise que nous traversons comme tous les autres pays, les petites et moyennes entreprises sont aussi frappées. Or vous n’avez parlé que des grands groupes et des profits boursiers. Il faut penser aussi aux PME. Le Gouvernement, lui, ne les a pas oubliées, et la France a été le premier pays à lancer – dès le 4 octobre dernier – un plan de soutien en leur faveur ; vous ne l’avez pas mentionné.
Je voudrais également souligner, madame le sénateur, que l’action du Gouvernement dans ce domaine, sous l’impulsion du Président de la République, a été caractérisée par une extrême réactivité, au point que beaucoup de pays nous ont imités, qu’il s’agisse du plan de refinancement des banques, du plan de relance ou du Fonds d’investissement social.
M. Hervé Novelli, secrétaire d’État. Or vous n’avez pas fait état de ces mesures. Vous n’avez pas parlé non plus des mesures sociales qui ont été proposées et votées par notre majorité.
Protestations sur les travées du groupe CRC-SPG.
Permettez-moi de vous le dire, madame le sénateur, j’aimerais que votre groupe politique, lorsqu’il s’agit d’adopter des mesures sociales indiscutables, ne soit pas aux abonnés absents, comme c’est systématiquement le cas !
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, je tiens à m’exprimer aujourd’hui avec une particulière gravité sur un sujet qui angoisse bien des familles et désespère de nombreux étudiants : le blocage de certaines universités.
Cette situation devient catastrophique pour des milliers d’étudiants qui craignent de ne pouvoir passer leurs examens, de perdre une année et peut-être, singulièrement pour les moins favorisés, de devoir mettre un terme à leurs études.
Dans le moins grave des cas, les examens risquent d’être repoussés au mois de septembre.
Et que dire de la situation de nombreux étudiants étrangers ayant engagé des frais pour un séjour universitaire en France qui ne se conclura peut-être pas par l’obtention d’un diplôme ?
Ils avaient choisi la France. Ils avaient rêvé de faire leurs études à Paris, à la Sorbonne. Ils devaient devenir ensuite, dans leur pays, les témoins de l’excellence française. Croit-on qu’ils seront demain les ambassadeurs de la culture de notre pays, qui aura ainsi trahi leur confiance ?
Croit-on que ces blocages vont faire progresser nos universités dans le classement de Shangaï ?
Il est légitime que nous débattions et que, parfois, nous nous opposions vivement sur la politique universitaire à conduire. Mais est-il raisonnable, est-il légitime de porter un tel préjudice à l’enseignement supérieur français, pour lequel nous avons tous de grandes ambitions ?
On a justifié ce mouvement par la volonté d’obtenir des moyens supplémentaires : j’ai eu la curiosité d’examiner les moyens attribués aux universités lilloises, dans le département dont je suis l’élu.
Lille 1 voit les moyens qui lui sont alloués augmenter de 992 500 euros, soit trois fois plus qu’en 2008, tandis que triplent ses crédits de mise en sécurité. Et pourtant, on bloque l’université !
Lille 2 voit ses crédits de moyens augmenter de 25 %. Et pourtant, certains enseignants font de la rétention de notes !
Lille 3 voit son allocation de moyens majorée de 6, 5 %, soit nettement plus que l’an dernier. Et pourtant, là aussi, on appelle au blocage !
Pourquoi un tel acharnement, au risque de mettre en péril l’avenir des étudiants ?
Que penser des incidents qui se multiplient, au cours desquels les étudiants hostiles au blocage sont molestés, pris à partie ?
La question ! sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Madame la ministre, pouvez-vous nous dire quelles mesures vous entendez prendre pour sauver ce qui peut être sauvé de l’année universitaire, …
M. Jacques Legendre. … assurer aux étudiants la liberté d’étudier et poursuivre la politique de réformes qui a pour but de permettre au maximum d’étudiants de réussir leurs études et à notre pays de demeurer une des grandes nations de la société du savoir ?
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président Legendre, je suis entièrement mobilisée pour organiser les rattrapages de cours dans les universités qui, depuis deux mois, ont connu des perturbations. D’ores et déjà, une trentaine d’entre elles organisent des cours de rattrapage et certaines ont prévu de décaler de quelques semaines les examens ; ceux-ci auront donc bien lieu.
Ma responsabilité de ministre est double.
Je suis d’abord responsable vis-à-vis des étudiants et, plus particulièrement, des plus fragiles d’entre eux. C’est pourquoi j’ai saisi les recteurs et les directeurs des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires pour qu’ils aménagent les conditions de la vie étudiante de manière à permettre aux intéressés de ne pas souffrir de ces décalages de cours et d’examens, qu’il s’agisse du versement des bourses ou des conditions d’occupation des logements étudiants.
Je suis par ailleurs responsable de l’image de l’université française et de la qualité des diplômes nationaux. À cet égard, je vous le dis, nous serons intransigeants : il ne sera pas question de brader les diplômes délivrés cette année !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Aujourd’hui, après la réécriture du décret statutaire relatif aux enseignants-chercheurs, après l’annonce par le Premier ministre de la sanctuarisation des emplois universitaires, après l’ouverture d’une très large concertation sur la réforme de la formation des maîtres, …
… de plus en plus de voix, parmi les étudiants et les enseignants-chercheurs, s’expriment majoritairement en faveur de la reprise des cours !
Je souhaite que, dans ce mouvement, les motifs politiques ne prennent plus le pas sur les motifs universitaires !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Mme Valérie Pécresse, ministre. C’est pour cette raison que je ne comprends toujours pas le silence du parti socialiste sur les violences, …
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Mme Valérie Pécresse, ministre. … les blocages, les séquestrations de présidents d’université, les menaces et, pire encore, sur l’appel totalement irresponsable, lancé hier par la coordination nationale des universités, à bloquer et boycotter les examens !
Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP. –Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Le Gouvernement, sur l’injonction du Président de la République, a annoncé en grande pompe la baisse de la TVA dans la restauration à compter du 1er juillet prochain, date à partir de laquelle son taux sera ramené à 5, 5 %.
Cette mesure très attendue satisfait une demande ancienne des professionnels de la restauration. Mais elle répond surtout à un souhait tout à fait légitime, émanant d’un secteur économique très dépendant du pouvoir d’achat des Français, actuellement en baisse.
Ma question ne porte pas sur le fond de cette décision puisque mon groupe l’approuve, après avoir soutenu cette revendication des professionnels de la restauration, étant entendu que nous attendons beaucoup, en compensation du manque à gagner que cette baisse de la TVA induira pour les finances publiques, des engagements pris par ces professionnels, à savoir la baisse des prix pour le consommateur et la création nette de quelque 40 000 emplois dans les deux ans. Ma question porte sur la manière dont cette décision a été proclamée et sur ce qui est devenu une méthode de gouvernance : la recherche par l’exécutif d’effets d’annonce, au détriment du pouvoir législatif et de ses prérogatives les plus élémentaires, voire constitutionnelles.
Car, une fois de plus, après avoir annoncé prématurément la suppression de la publicité dans l’audiovisuel public ou encore la suppression de la taxe professionnelle, dont on attend toujours de savoir ce qu’il en est, en annonçant maintenant la TVA à 5, 5 % dans la restauration, vous ne tenez pas compte du Parlement. Vous faites des deux assemblées des chambres d’enregistrement de décisions prises ailleurs et qui pourtant relèvent d’elles.
Faut-il rappeler que, aux termes de l’article 34 de la Constitution, « la loi fixe les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures » ? Autrement dit, c’est au Parlement qu’il revient de déterminer le taux de la TVA, et non pas au Gouvernement !
Compte tenu de l’engorgement de l’ordre du jour des assemblées parlementaires, quand serons-nous amenés à décider du taux de la TVA dans la restauration, avec entrée en vigueur au 1er juillet ? Est-il au demeurant si sûr que cette mesure sera adoptée ?
Enfin, de façon plus générale, le Premier ministre compte-t-il mettre un terme à ce mode de gouvernance consistant à multiplier les effets d’annonce et respecter enfin les règles du jeu, à commencer par celles qui figurent dans la Constitution ? Ce serait une bonne façon de traduire en actes ses discours sur la revalorisation du rôle du Parlement.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
Monsieur le sénateur, je prends acte du soutien que vous apportez à cette mesure.
Du reste, je le rappelle, bon nombre de sénateurs de tous les groupes défendent depuis des années une telle mesure et il revient au Président de la République, Nicolas Sarkozy, et au Gouvernement le mérite de l’avoir obtenue.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Vous m’interrogez sur l’annonce de la baisse du taux de TVA et sur la date à laquelle elle sera effectivement décidée. Il n’est pas du tout dans les intentions du Gouvernement de nier la réalité constitutionnelle.
C’est le Parlement qui décidera de la fixation de ce taux de TVA, mais je vous rappelle que tout le monde dans cette assemblée s’étant déclaré favorable à cette mesure, …
… celle-ci devrait être effectivement adoptée.
Pour vous rassurer complètement, je souligne que la disposition en question sera introduite, selon toute vraisemblance, dans le projet de loi de développement et de modernisation des services touristiques, que la Haute Assemblée a adopté en première lecture à l’unanimité et qui sera discutée à l’Assemblée nationale dans les jours prochains.
Enfin, je tiens à dire que la mesure elle-même a suscité un vif espoir dans l’ensemble du secteur de la restauration.
Elle permettra de soutenir le pouvoir d’achat, car les baisses de prix seront effectives et les engagements pris par les restaurateurs seront tenus.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. C’est tout le sens du contrat d’avenir.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé et des sports et concerne la grippe dite « mexicaine ».
L’Organisation mondiale de la santé, l’OMS, a aujourd’hui relevé son seuil d’alerte pandémique de 4 à 5 sur une échelle qui compte six niveaux.
Il y a désormais plusieurs foyers avérés de grippe mexicaine et non plus seulement des infections importées. Ces foyers sont situés actuellement au Mexique, aux États-Unis mais également en Espagne.
Les ministres de la santé des Vingt-sept se réunissent aujourd’hui à Luxembourg pour décider d’une éventuelle interruption des liaisons aériennes avec le Mexique. Mais, du fait de la multiplication des foyers, cette mesure, même si elle est nécessaire, n’est certainement pas suffisante. Quelles mesures le Gouvernement français compte-t-il donc mettre en œuvre ?
Nous avons préparé, voilà plusieurs années, un plan national de prévention et de lutte « Pandémie grippale », qui a fait l’objet de nombreuses simulations. Il prévoit différentes phases suivant le niveau d’alerte OMS. Les dispositions prévues pour la phase 5, correspondant au risque actuel, ont-elles été activées ? Qu’en est-il, notamment, de la mobilisation de la réserve sanitaire et du renforcement des centres d’appel 15 ?
On sait qu’il existe trois moyens de lutte avérés contre la maladie : les masques et les vaccins pour la prévention et les médicaments, comme le Tamiflu, pour guérir les malades.
Il semble que la France ait stocké suffisamment de masques et de doses de Tamiflu pour répondre à une épidémie de grande ampleur. Je souhaite savoir si la répartition de ces doses et de ces masques sur l’ensemble du territoire a débuté.
Nos concitoyens, légitimement inquiets, utilisent actuellement le Tamiflu de façon préventive, ce qui, semble-t-il, est absolument sans effet. J’aimerais savoir si un vaccin pour le stéréotype H1N1 sera bientôt disponible ?
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste.
ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Madame Dini, Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Roselyne Bachelot, …
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
… qui, vous le savez, est en ce moment même à Luxembourg pour une réunion du Conseil des ministres européens de la santé consacrée à ce sujet.
La situation est préoccupante.
Vous avez rappelé que l’OMS avait élevé le seuil d’alerte à l’indice 5, qui correspond à un risque de contamination géographique.
Dès vendredi dernier, le Premier ministre a réuni l’ensemble des ministères et des professionnels concernés ; depuis, une réunion quotidienne a lieu ; il y en aura une à dix-huit heures, après le Conseil des ministres européens ; elle sera présidée par François Fillon et y participeront Roselyne Bachelot ainsi que l’ensemble des ministres intéressés.
La France souhaite que l’arrêt provisoire des vols vers le Mexique soit décidé à l’échelon européen. La question sera tranchée cet après-midi. Il est difficile d’apprécier la pertinence de cette mesure, compte tenu de l’existence aujourd’hui de plusieurs foyers.
Un autre aspect concerne la nécessité de l’information et d’une forme d’étanchéité. Dominique Bussereau a effectué ce matin une visite dans les aéroports afin de s’assurer que les Français avaient été bien informés par nos autorités consulaires, qu’ils avaient été rapatriés dans de bonnes conditions et qu’avaient été distribués les moyens nécessaires. Je crois qu’il a été satisfait des réponses que lui ont données les ressortissants français et européens. (
À l’extérieur du pays, les capacités en termes de vaccins et de masques vont être renforcées par nos postes diplomatiques.
En ce qui concerne la situation en France, le dispositif prévu par le plan de santé publique, particulièrement efficace dans ce genre de pandémie, a été renforcé. Il appartiendra au Premier ministre, à dix-huit heures, de décider s’il doit être amplifié ou non ; je pense notamment à la procédure d’alerte.
En ce qui concerne nos capacités de vaccination, l’organisation hospitalière, le processus d’information, le dispositif d’urgence français, jugé exemplaire par l’OMS, tout est en place. Je peux vous garantir que François Fillon est entièrement mobilisé sur ce sujet et qu’il aura l’occasion de s’exprimer publiquement tout à l’heure.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Ma question s’adresse à Mme la ministre de la santé et, bien sûr, à Mme la secrétaire d’État chargé de la solidarité, qui est présente aujourd’hui.
Mardi, devant les grilles du Sénat, la communauté hospitalière tout entière était dans la rue.
À Paris, certains services comptaient même 100 % de grévistes.
À la télévision, des médecins déclaraient manifester pour la première fois de leur vie.
Sur le terrain, dans les départements, l’intégralité des établissements s’élève aujourd’hui contre le projet de loi « Hôpital, patients, santé, territoires ».
De l’agent de service hospitalier au professeur de renommée mondiale, plus personne, au sein de l’hôpital public, n’accepte ce que vous êtes en train de faire.
L’hôpital est inquiet : inquiet pour son financement, inquiet pour ses filières de formation, inquiet pour la qualité des soins qu’il prodigue.
Mais hélas, la seule réponse qu’on lui apporte consiste en un texte technocratique, lourd, rigide, qui vise à centraliser le pouvoir, comme si l’administratif devait prendre le pas sur le médical.
Pourquoi cet attachement à une gouvernance caporaliste de l’hôpital ? Pourquoi ce durcissement de votre part ? Veut-on confier le système à des hommes ou à des femmes mandatés pour procéder à des coupes sévères dans les budgets et les effectifs ?
Nous attendons d’autres orientations, un autre message de la part du Gouvernement.
Avec au moins 18 milliards d’euros de déficit annoncé pour 2009, 120 milliards d’euros de dette cumulée des régimes sociaux, nous attendions des annonces fortes, des choix décisifs, visant à rassurer les Français quant à l’avenir du système de santé.
En lieu et place, on nous présente un texte d’organisation dont l’intransigeance cache mal le fait qu’il n’apporte aucune solution.
II est encore temps de réagir, madame la secrétaire d’État, et d’éviter qu’un mauvais pas législatif ne se transforme en un bourbier politique ! Renoncez à passer en force !
Ma question est la suivante : allez-vous abandonner la procédure d’urgence sur ce texte et ouvrir de véritables négociations avec la communauté hospitalière !
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur Cazeau, comme vous l’avez rappelé, le projet de loi « Hôpital, patient, santé, territoires » a été voté à l’issue de la première lecture à l’Assemblée nationale le 18 mars dernier et il est, en ce moment même, examiné par votre commission des affaires sociales.
Ce texte prévoit une réforme du système de santé afin de l’adapter aux nouveaux besoins de la population…
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. … et aux projets technologiques et scientifiques qui modifient les modes de prise en charge.
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
C’est un texte ambitieux, qui traite de l’organisation des soins à l’hôpital et en libéral, des mesures de santé publique et des mesures relatives au secteur médico-social qui, jusque-là, faisait l’objet de prises en charge cloisonnées.
On entend souvent dire que nos hôpitaux souffrent de lenteur dans les décisions, ...
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. … que les relations entre médecine libérale et hôpital sont insuffisantes, que les médecins hospitaliers ont besoin de plus de liberté d’organisation, qu’il faut déléguer plus de compétences aux pôles pour que les médecins disposent de moyens correspondant à leurs projets. C’est ce que prévoit le projet de loi.
Nouvelles protestations sur les mêmes travées.
L’objectif, c’est une gouvernance renouvelée, associant davantage les médecins, qui pourront désormais, au sein des pôles médico-techniques, décider de l’organisation de leurs équipes, créer des services, recruter des médecins, gérer les investissements courants et développer leurs activités dans le cadre du projet de pôles.
Le président de la commission médicale d’établissement, la CME, est associé à toutes les décisions et c’est bien un pilotage médicalisé qui est proposé.
Bien entendu, ce texte peut encore être amélioré.
Ah ! sur les travées du groupe socialiste.
Le Gouvernement a déjà accepté 500 amendements lors du débat à l’Assemblée nationale, signe qu’il veut travailler avec les parlementaires, …
… et, comme l’a annoncé le Président de la République, il est prêt à préciser encore le rôle du président de la CME, mais il faut laisser au directeur la capacité d’exercer un rôle de synthèse.
Ce rôle, qui est d’ailleurs peu contesté, n’est pas contradictoire avec le rôle d’expert, d’autorité morale médicale du président de la CME, élu par ses pairs.
Certains médecins sont inquiets…
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. … et le Gouvernement entend leurs préoccupations. Il partage leur volonté de défendre l’hôpital public.
Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.
Le texte, dans son ensemble, confirme d’ailleurs le caractère public des hôpitaux, qu’il s’agisse de leur statut, de leur financement ou des contrats qu’ils passent.
En ce qui concerne le mouvement de grève de mardi dernier, les manifestants se sont exprimés aussi sur des sujets qui débordent le cadre de ce projet de loi, tels que la tarification à l’activité ou les moyens de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
Sur la gouvernance hospitalière, le Gouvernement constate qu’il est difficile de traduire la nature et la richesse des relations qui unissent le président de la CME et le directeur.
Le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont essayé de définir ce subtil équilibre. La discussion au Sénat permettra de progresser encore dans cette coproduction parce que, encore une fois, notre souci, c’est bien le travail parlementaire, qui prendra le temps qu’il faudra, …
Mme Valérie Létard, secrétaire d'État. … comme nous l’avons souhaité à l’Assemblée nationale, pour que toutes les demandes puissent être entendues et que les débats puissent se dérouler dans les meilleures conditions.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Ma question s'adresse à M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse.
Monsieur le haut-commissaire, la crise économique à laquelle nous sommes confrontés touche directement les jeunes de notre pays qui, par leur manque d’expérience professionnelle et de maîtrise du monde du travail, sont, vous le savez, plus vulnérables que d’autres publics.
Des mesures spécifiques, immédiates et concrètes sont apparues comme un véritable impératif.
En présentant vendredi dernier le plan d’urgence contre le chômage des jeunes, le Président de la République a voulu apporter une réponse forte à cette préoccupation qui affecte l’ensemble des familles françaises.
Il a rappelé dans son discours que « les jeunes sont plus touchés que leurs aînés », en soulignant que, « aujourd’hui, outre les plans sociaux et les suppressions d’emplois, beaucoup d’entreprises gèlent leurs embauches, en particulier au détriment des jeunes ». Il a ajouté : « De surcroît, depuis le début de l’année, les entrées en alternance, qu’il s’agisse de l’apprentissage ou des contrats de professionnalisation, ont diminué de 20 % à 30 %. »
Le Président de la République a aussi rappelé que le taux d’emploi des jeunes est, en France, et ce depuis des décennies, l’un des plus faibles de l’OCDE.
Dans le contexte de la crise, la hausse du nombre de chômeurs les concerne principalement, puisque le chômage des jeunes a augmenté de plus de 30 % en un an.
Monsieur le haut-commissaire, vous avez vous-même dit qu’il y aurait « entre 150 000 et 250 000 jeunes au chômage de plus cette année ». Au total, 435 000 jeunes de moins de vingt-cinq ans pointeront désormais au chômage.
Avant-hier, j’étais avec les membres de la Fédération française du bâtiment du Gard. Certains entrepreneurs sont prêts à s’engager sur un plan concret, axé sur l’apprentissage et la formation, et donc incitatif pour les entreprises. Cependant, il importe qu’il soit mis en œuvre rapidement.
Ce plan pour l’emploi des jeunes, doté de 1, 3 milliard d’euros, devrait permettre à 500 000 jeunes de trouver un emploi ou une formation d’ici au mois de juin 2010.
Monsieur le haut-commissaire, pouvez-vous nous préciser le calendrier de mise en œuvre et surtout le contenu de ce plan destiné à une jeunesse, qui tient une place particulière, nous le savons, dans la réflexion de ce gouvernement et dans votre propre action ?
La parole est à M. le haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté et à la jeunesse.
Monsieur le sénateur, les mesures annoncées vendredi par le Président de la République ont été conçues après des discussions avec les syndicats, les employeurs et les jeunes. Elles sont très concrètes, pragmatiques et d’application immédiate.
Dans le cadre de ces discussions, les jeunes nous ont signalé leur refus d’un statut spécifique, de tout « sous-statut ».
Quant aux employeurs, ils ne veulent pas d’une « usine à gaz »…
…et souhaitent une mesure directement opérationnelle.
Tous, y compris les syndicats, nous ont indiqué que l’alternance et les contrats de professionnalisation constituaient un bon outil et qu’il n’était pas nécessaire d’inventer un nouveau dispositif.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Nous avons donc essayé de concevoir des mesures simples, avec le plus de bon sens possible.
Notre plan est rapidement opérationnel. Il ne prévoit pas de sous-statut, …
…les jeunes nous ayant signalé qu’on leur proposait plus des stages que des contrats de travail.
Ainsi, la rémunération des stagiaires sera effective dès la fin du deuxième mois de stage, et non plus à la fin du troisième, dans la fonction publique comme dans le privé. La possibilité d’offrir à des stagiaires des contrats à durée indéterminée est ouverte : l’employeur touchera alors une prime de 1 500 euros immédiatement, et la même somme six mois plus tard. Qu’il s’agisse de l’apprentissage ou de l’alternance, toutes les entreprises bénéficieront d’un dispositif « zéro charge ». Pour les petites entreprises de moins de cinquante salariés, qui sont le plus en difficulté, la prime sera de 1 800 euros.
Ces engagements quantitatifs devraient inciter les grandes entreprises à se mobiliser davantage ; c’est d’ailleurs déjà le cas : Veolia doublera le nombre de ses apprentis cette année et Carrefour a pris l’engagement de recruter 3 000 jeunes.
Les employeurs qui embaucheront un jeune en contrat de professionnalisation toucheront une prime de 1 000 euros, qui sera portée à 2 000 euros lorsque ces contrats permettront le recrutement de jeunes faiblement qualifiés.
Oui, monsieur Fournier, les entreprises sont prêtes à s’engager !
La Fédération française du bâtiment est prête à prendre des engagements quantitatifs qui seront ensuite déclinés fédération par fédération, entreprise par entreprise.
M. Martin Hirsch, haut-commissaire. J’en suis persuadé, chacun se mobilisera de façon tout à fait pragmatique pour répondre à une urgence qui n’échappe à personne !
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.
Ma question était destinée au Premier ministre, dont je regrette bien évidemment l’absence, car il s’agit d’une question relevant de sa responsabilité directe, l’une de celles qu’entraînent les choix politiques dont tout Premier ministre décide à la tête du gouvernement qu’il dirige.
Permettez-moi de revenir cent quarante ans en arrière. Voici ce qu’écrivait alors Jean-Baptiste André Godin, ancien député du département dont j’ai l’honneur d’être l’un des élus au Sénat : « Pour inaugurer le règne de la justice et de la liberté que doit réaliser l’association du capital et du travail, pour remplacer l’arbitraire du salaire par un droit de participation proportionnel au concours que le travail apporte dans l’œuvre de la production, il faut découvrir le principe et les règles de la répartition équitable des fruits du travail. » Et j’insiste sur l’expression « répartition équitable des fruits du travail ».
Au mois de mars, on comptait 77 000 demandeurs d’emploi supplémentaires. En un an, la hausse du chômage a été de 13, 3 % et a atteint 35, 8 % pour les jeunes.
Face à la crise économique qui frappe plus durement les plus fragiles et les plus pauvres, face au désarroi de tous ceux qui ont perdu leur travail ou qui sont en voie de le perdre, face au sentiment d’injustice partout répandu, en cette veille d’un 1er mai qui s’annonce historique car unitaire, n’est-il pas plus que temps de restaurer un État de droit, et de droit juste ? N’est-il pas temps d’en finir avec les insupportables discours et lois qui font du « deux poids, deux mesures » ?
Ce sont, d’un côté, Caterpillar, Continental, Faurecia, Sony, 3M, Scapa, toutes entreprises qui annoncent les unes après les autres des mises au chômage et des plans sociaux, signifiant pour beaucoup une situation terriblement dégradées, des vies brisées.
Exclamations sur plusieurs travées de l ’ UMP.
Les dirigeants de ces entreprises refusent de dialoguer et menacent d’engager des procédures judiciaires. Le Gouvernement, quant à lui, répond par des discours fermes et un rappel à la loi pénale…
Ce sont, de l’autre côté, primes outrancières et distributions de dividendes, face auxquelles le Gouvernement se contente, dans des discours tempérés, d’en appeler à l’éthique et au code moral. Cette approche a pourtant été considérée par certains comme excessive puisqu’un quotidien titrait il y a deux jours : « Le patronat peine à mettre en place un comité des sages sur les rémunérations ». Où en est d’ailleurs la mise en place du Fonds d’investissement social annoncé depuis le mois de février ?
Les Français jugent, à 60 %, que la politique économique du Gouvernement est mauvaise. Le fossé que creuse le Gouvernement devient abyssal !
Je veux croire que ni le dogme ni le cynisme n’aveuglent à ce point le Premier ministre. Entend-il enfin procéder concrètement à cette indispensable « répartition équitable des fruits du travail » à laquelle l’exhortent les salariés, et à la définition d’un nouveau contrat social susceptible de rétablir la justice et la cohésion dont il est le garant ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
Monsieur le sénateur, pointer du doigt la responsabilité du Gouvernement n’est pas une explication suffisante !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Ce serait feindre de croire que la crise est circonscrite à notre pays.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Jackie Pierre applaudit.
Or, vous le savez, ce n’est pas la réalité. Cette crise affecte tous les pays développés, dont le nôtre, même s’il l’est beaucoup moins que d’autres.
Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Vous le voyez, monsieur le sénateur, certains pays sont plus durement frappés que le nôtre ; c’est donc un mauvais procédé que de viser uniquement la situation de la France.
Protestations sur les mêmes travées.
Vous aimeriez connaître l’état de la mise en œuvre du Fonds d’investissement social qui a été annoncé par le Président de la République le 18 février dernier.
Effectivement, vous avez raison de la noter.
C’est d’ailleurs une preuve de responsabilité de la part de ces derniers que d’avoir proposé des actions qui ont été immédiatement reprises par le Président de la République et par le Gouvernement et qui représentent un investissement de l’ordre de 2 à 3 milliards d’euros.
Monsieur le sénateur, je vais vous donner quelques exemples des actions à effet immédiat décidées par le Gouvernement et que vous n’avez pas cru bon de mentionner : la prime de solidarité active de 200 euros versée, depuis le 6 avril, à 3, 8 millions de foyers, pour un coût total de 700 millions d’euros ; les allégements de l’impôt sur le revenu pour les tranches les plus basses, qui permettent de redistribuer aux Français un milliard d’euros ; la prime à la casse automobile, qui a profité bien évidemment aux Français, mais également à nos constructeurs automobiles ; enfin, l’aide à l’embauche pour les très petites entreprises, qui s’est soldée par 110 000 embauches supplémentaires.
Vous le voyez, le Gouvernement est très réactif, en prenant à la fois des mesures de relance et de soutien du crédit.
Bref, il n’est pas possible de pointer du doigt, comme vous l’avez fait, un Gouvernement qui n’agit pas. C’est tout le contraire !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Au reste, nous aurions souhaité que d’autres parlementaires que ceux de la majorité – heureusement, elle ne nous fait pas défaut – nous accompagnent dans cette action !
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
Tout un secteur économique de notre pays voit aujourd’hui que l’un des engagements de campagne du Président de la République est honoré : quelque 112 000 restaurants, 24 000 hôtels-cafés-restaurants et 41 000 cafés vont en effet bénéficier de la TVA au taux réduit de 5, 5 %, …
…ce qu’ils attendaient depuis plus de treize ans, pour, entre autres, lutter à armes égales avec la restauration à emporter.
Monsieur le secrétaire d’État, chacun ne peut que se féliciter du succès de l’action du Gouvernement…
… auprès de Bruxelles, succès qui prouve que tout est mis en œuvre pour affronter la période difficile traversée par notre pays, contrairement aux affirmations de ceux qui stigmatisent, par principe, l’action de notre majorité.
Dans le cadre des états généraux de la restauration que vous avez organisés mardi dernier, vous avez reçu, en contrepartie de l’effort consenti par le budget de l’État, des engagements des organisations professionnelles, matérialisés dans un « contrat d’avenir ».
Pouvez-vous détailler les objectifs définis dans ce contrat et les dispositifs prévus pour assurer la bonne exécution de ces engagements ?
Pouvez-vous également nous préciser le calendrier de mise en œuvre de la baisse de la TVA pour ce secteur d’activité qui, soulignons-le, est l’un des premiers pourvoyeurs d’emplois de France ?
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Madame la sénatrice, vous avez eu raison de commencer votre propos en soulignant notre fierté d’avoir tenu un engagement pris par le candidat Nicolas Sarkozy.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Sourires sur les mêmes travées
Beaucoup d’autres, de sensibilité politique différente, avaient pris le même engagement, mais force est de reconnaître que c’est le Président de la République, le Gouvernement et la majorité qui l’ont tenu.
Vous m’interrogez fort légitimement sur les engagements que nous avons obtenus des organisations professionnelles de la restauration, notamment sur le contrat d’avenir. Ils sont au nombre de trois.
Le premier est de répercuter intégralement, dès le 1er juillet prochain, la baisse du taux de TVA sur un certain nombre de produits. J’en suis convaincu, cet engagement fort sera tenu.
Le deuxième porte sur la création d’emplois, le recrutement d’apprentis et la signature de contrats de professionnalisation, ce qui devrait représenter au total 40 000 embauches.
Le troisième est relatif à la modernisation du secteur de la restauration. Les organisations professionnelles se sont engagées à créer un fonds qui devrait permettre de moderniser cette branche essentielle pour l’attractivité touristique de notre pays.
Comment allons-nous nous assurer que ces engagements seront tenus ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. D’abord, on l’oublie trop souvent, un contrat est fait pour être respecté.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Je m’étonne que vous fassiez fi de celui qui a été signé par l’ensemble des organisations professionnelles de ce secteur, qui représentent près de la moitié des restaurateurs de ce pays.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Ensuite, dans les jours qui viennent, j’entamerai un tour de France durant lequel nous proposerons d’apposer sur les vitrines des restaurants français une affichette : « Ici, la TVA baisse, les prix aussi ».
Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Je fais confiance aux restaurateurs pour tenir leur engagement. Je compte surtout sur l’opinion publique et les consommateurs pour choisir les restaurants qui pratiqueront une baisse des prix.
Enfin, un comité de suivi a été mis en place. Celui-ci publiera chaque semestre les chiffres de l’évolution des prix, de l’emploi et du nombre d’apprentis. C’est ainsi que nous prendrons à témoin l’opinion publique.
Pour ma part, je préfère m’en remettre à l’opinion publique plutôt que de recourir à un contrôle coercitif, que nous mettrions de toute façon en œuvre si d’aventure ce contrat avait du mal à être respecté.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Ma question s'adresse à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.
Le ministre chargé de la mise en œuvre du plan de relance a récemment remis un rapport d’étape au Parlement. Sans attendre les premières conclusions des parlementaires en mission chargés de cette question, je souhaite connaître l’état d’avancement des mesures qui composent ce plan.
En particulier, pouvez-vous nous renseigner, monsieur le ministre, sur le nombre de conventions signées par les collectivités au titre du mécanisme de remboursement anticipé du FCTVA, le Fonds de compensation pour la TVA. Il serait en effet intéressant de savoir dans quelle mesure les collectivités ont répondu aux attentes du législateur en augmentant leur effort d’investissement.
Par ailleurs, constatez-vous des blocages ou des obstacles de nature administrative qui empêcheraient les 1 000 projets de connaître un démarrage effectif et, le cas échéant, lesquels ?
Enfin, le Gouvernement ayant indiqué que de nouveaux projets pourraient être présentés en cas de blocages persistants, pouvez-vous nous dire quelles échéances vous vous êtes fixées pour apprécier ces situations et permettre aux collectivités de présenter de nouveaux projets en tant que de besoin ?
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Cela fait maintenant moins de trois mois que le collectif de 2009, qui a fini de mettre en place le plan de relance, a été adopté. Force est de constater que ce plan de relance est aujourd’hui une réalité sur le terrain, chacun peut en juger dans son département.
Comme vous l’avez dit, monsieur le sénateur, plus de 1 000 projets ont été identifiés – Patrick Devedjian a d’ailleurs récemment remis un rapport au Parlement à ce sujet – et 260 chantiers ont d’ores et déjà débuté. Une centaine de projets, notamment routiers, seront lancés dans les semaines à venir. Les choses vont donc bon train.
Si jamais des retards sont constatés, le Gouvernement respectera les engagements qu’il a pris devant votre Haute Assemblée : des projets déjà prêts, mais qui n’avaient pas été retenus dans un premier temps, seront lancés. Nous ferons le point avant l’été, afin que tout cela soit possible au cours du deuxième semestre.
Je crois pouvoir dire que les administrations de l’État, quel que soit le ministère auquel elles sont rattachées, jouent vraiment le jeu, et je suis sûr que chacun d’entre vous le constate dans son département. Tous les ministres ont donné des instructions pour que leur administration suive.
Si je parle de l’État, c’est parce que c’est lui qui rembourse le FCTVA. Mais les collectivités tiennent évidemment tous leurs engagements.
Au cas, improbable, où elles rencontreraient des problèmes avec telle ou telle administration, n’hésitez pas, mesdames, messieurs les sénateurs, à en informer le Gouvernement, qui s’empressera d’intervenir.
Concernant le FCTVA, à l’heure où je vous parle, près de 15 000 conventions ont été signées, soit 2 000 de plus que la semaine dernière et 6 000 de plus qu’il y a quinze jours : le rythme s’est donc accéléré. Des conventions pourront encore être signées jusqu’au 15 mai, date butoir souhaitée par le Sénat et finalement retenue. Ces 15 000 conventions représentent 42 milliards d’euros d’investissements des collectivités. C’est une somme considérable, mais c’est aussi 50 % de plus que la moyenne de référence des années 2004-2007, période qui avait également été retenue par le Sénat.
Mesdames, messieurs les sénateurs, Patrick Devedjian et moi-même vous tiendrons régulièrement informés de l’évolution du plan de relance, qui est d’ailleurs l’un des premiers en Europe à se mettre en place. Je pense que cette célérité mérite d’être soulignée.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville et concerne la situation de milliers de retraités.
Ma question ne vous étonnera pas, monsieur le ministre, puisque cela fait cinq mois que je ne cesse d’alerter le Gouvernement sur ce thème.
En effet, depuis le 1er janvier 2009, les salariés ayant totalisé 160 trimestres de cotisation et ayant moins de soixante ans ne peuvent plus prétendre à l’allocation équivalent retraite, ou AER. Cette allocation, de 950 euros par mois environ, permettait à des personnes ayant commencé à travailler très tôt de terminer dans la dignité une longue carrière, souvent effectuée dans des conditions pénibles et parfois avec des conséquences physiques sur l’organisme.
En maintenant la suppression de cette allocation, vous jetez ces salariés dans la plus injuste et incompréhensible précarité.
La situation de ces jeunes retraités affectés par la mesure est en effet loin d’être reluisante.
Alors que l’AER est effectivement supprimée, des entreprises continuent à proposer à ces salariés en fin de carrière des départs volontaires, évitant ainsi le recours à de coûteux plans sociaux, en leur laissant croire qu’ils vont toucher l’AER à la fin de leurs trente-six mois d’indemnisation ASSEDIC. Personne ne les a dissuadés, personne ne les a alertés : ni les entreprises, ni les ASSEDIC, ni les directions de l’emploi, qui étaient au fait des propositions de départs volontaires.
Aujourd’hui, ils sont 65 000 dans toute la France à découvrir qu’ils vont toucher au mieux 500 euros en moins de revenus par mois. Certains risquent même de se retrouver au RSA !
Ils sont 65 000 à être priés de trouver du travail. Soyons réalistes : pour les plus de cinquante-cinq ans, trouver du travail aujourd’hui est impossible ! Est-ce une manière digne de terminer sa carrière ? Est-ce une manière digne de remercier des personnes qui ont travaillé toute leur vie dans des conditions parfois difficiles ?
Je vais donc aller droit au but, monsieur le ministre. Comptez-vous réparer cette grave erreur et rétablir l’AER sans attendre ? En d’autres temps, vous n’avez pas hésité à agir par décret, sans date butoir. Car rien ne sera réglé à la fin de 2009 ! Ces salariés vont perdre leur argent dans les semaines qui viennent.
Comptez-vous faire de même pour l’allocation veuvage, menacée de disparition en 2011 ?
Comptez-vous engager une vraie réflexion sur la pénibilité du travail dans le calcul des retraites ?
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, les petits retraités n’en peuvent plus d’entendre chaque jour la litanie des retraites chapeaux aux montants exorbitants. Ils ne réclament pas 730 000 euros, comme quelqu’un qui vient de démissionner récemment. Ils veulent simplement vivre dans la dignité après une très longue carrière.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
La parole est à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur la situation des retraités. Sachez-le, votre préoccupation est juste et elle est partagée sur toutes les travées du Sénat ainsi que par le Gouvernement.
C’est la raison pour laquelle nous mettons tout en œuvre pour respecter l’engagement du Président de la République de revaloriser de 25 % les petites pensions d’ici à 2012.
Il ne s’agit pas de simples paroles puisque, depuis le 1er avril, le minimum vieillesse a augmenté de 6, 9 %.
Il faut naturellement mettre ce chiffre en rapport avec l’inflation – je parle sous le contrôle du ministre du budget –, qui devrait être à peine supérieure à 0 %.
Vous m’interrogez aussi sur la situation particulière des personnes âgées de moins de soixante ans totalisant 160 trimestres de cotisation. S’agissant de personnes de cinquante-cinq à soixante ans, elles n’ont en réalité guère l’espoir de retrouver un travail.
Il s’agit d’un sujet majeur, que j’ai d’ailleurs abordé avec les partenaires sociaux lors du sommet social, à l’Élysée. Évoqué tout d’abord par Force ouvrière, ce problème a ensuite été relayé par les autres syndicats et par toutes les formations politiques qui sont représentées au sein de la Haute Assemblée.
La loi prévoyant l’extinction du dispositif de l’allocation équivalent retraite au 1er janvier 2009 visait à encourager l’emploi des seniors.
M. Brice Hortefeux, ministre. Malheureusement, la crise, d’abord financière, puis économique, est arrivée.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG.
M. Brice Hortefeux, ministre. Si vous, vous l’aviez prévue, vous êtes très forts. Et d’ailleurs, au cours de l’histoire, vous vous êtes trompés plus souvent que vous n’avez eu raison !
Rires et applaudissementssur les travées de l’UMP.
M. Brice Hortefeux, ministre. Soit, admettons que nos torts soient partagés.
Sourires
Je disais donc que la crise est arrivée et que nous devons en tenir compte.
La marque du Gouvernement et de la majorité, c’est la réactivité. Prenant en compte ce que vous venez de dire et à la demande de tous les groupes de la Haute Assemblée et de l’Assemblée nationale, ….
M. Brice Hortefeux, ministre. … nous allons reporter d’un an, au 1er janvier 2010, ce dispositif.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.
M. Brice Hortefeux, ministre. Cette allocation sera donc prolongée à titre exceptionnel. C’est une réponse à la crise.
Très bien ! sur plusieurs travées de l’UMP.
Je vous indique simultanément, afin qu’il n’y ait pas d’ambiguïté, que nous restons déterminés à faciliter l’emploi des seniors.
M. Brice Hortefeux, ministre. Vous le voyez, le Gouvernement est tout à la fois à l’écoute des plus modestes et des plus faibles et totalement déterminé à les accompagner pour surmonter cette crise en ayant au cœur et à l’esprit non une préoccupation, mais une obsession, celle de l’emploi.
Applaudissementssur les travées de l’UMP.
La commission des affaires économiques a fait connaître ce jour qu’elle retirait le texte qu’elle avait déposé le 28 avril 2009 sur la proposition de résolution européenne sur la communication de la Commission européenne sur sa stratégie politique annuelle pour 2009 (n° 370, 2008-2009).
Acte est donné de ce retrait.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Roland du Luart.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution européenne sur la communication de la Commission européenne sur sa stratégie politique annuelle pour 2009, présentée par Mme Catherine Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 57 rectifié).
La discussion de cette proposition de résolution, qui a été demandée par le groupe socialiste dans le cadre de la journée mensuelle réservée, a été avancée à aujourd'hui pour des raisons d’agenda.
Je vous rappelle que, conformément à un accord conclu entre les présidents de groupe et de commission, les propositions de loi ou de résolution inscrites à l’ordre du jour réservé sont discutées sur la base du texte initial, sauf souhait contraire du groupe politique intéressé.
Je donne d’abord la parole à M. le président de la commission des affaires européennes, afin qu’il nous présente la philosophie des deux débats européens qui vont se dérouler cet après-midi.
Monsieur le président, mes chers collègues, nous appliquons en effet aujourd'hui pour la première fois aux questions européennes les nouvelles possibilités de contrôle issues de la révision constitutionnelle.
Le contrôle du Parlement en matière européenne a deux facettes, que nous allons toutes deux utiliser cet après-midi.
La première facette, c’est l’adoption de résolutions dans lesquelles le Sénat fait connaître au Gouvernement ses positions sur des sujets d’actualité européens.
Aujourd’hui, l’initiative revient à une sénatrice, la présidente Catherine Tasca, qui a déposé une proposition de résolution sur un sujet particulièrement important : les services d’intérêt général. Mme Tasca – je tiens à l’en remercier ici – avait fait un rapport sur ce sujet devant la commission des affaires européennes. Il était donc tout naturel qu’elle poursuive sa démarche, ce qui permettra au Sénat dans son ensemble, grâce également aux travaux de la commission des affaires économiques, de se prononcer sur cette question qui préoccupe nos concitoyens.
La deuxième facette du contrôle parlementaire, c’est le suivi des résolutions.
Jusqu’ici, on ne savait pas très bien ce que devenaient les prises de position du Sénat. On avait l’impression de travailler pour le roi de Prusse…
MM. Jean-Pierre Fourcade et Robert del Picchia s’exclament.
Désormais, grâce aux débats de contrôle, le Gouvernement sera tenu de nous dire en quoi il a donné suite à nos prises de position ou, le cas échéant, pourquoi il n’a pas pu ou pas souhaité les suivre.
Aujourd’hui, nous allons débattre des suites données à des prises de position du Sénat sur quatre sujets : l’évolution du système d’information Schengen, l’association des parlements nationaux au contrôle d’Europol, la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement et les droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers.
Ce sont des questions sur lesquelles nous avons pris position à plusieurs reprises, mes chers collègues. Or, pour la première fois, le Gouvernement va devoir répondre publiquement à nos questions sur ces points. Cette nouvelle formule ne peut qu’inciter le Sénat à intervenir de plus en plus en amont sur les questions européennes qui concernent la vie quotidienne de nos concitoyens.
Applaudissements
Mes chers collègues, il se trouve que M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, bloqué dans un embarras de la circulation, n’a pas encore rejoint le palais du Luxembourg. Ne pouvant évidemment donner la parole à Mme Tasca, auteur de la proposition de résolution, en son absence, je vais suspendre la séance en attendant son arrivée.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente.
La séance est reprise.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous souhaite la bienvenue dans l’hémicycle, heureux que les difficultés de la circulation parisienne ne vous aient pas retenu plus longtemps.
Dans la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Tasca.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de résolution que j’ai l’honneur de présenter au nom de notre groupe répond à la volonté, toujours réaffirmée par les parlementaires socialistes français et européens, de promouvoir et de garantir les services d’intérêt général en Europe.
La discussion de cette proposition de résolution survient quatre mois après la clôture de la présidence française du Conseil de l’Union européenne et à cinq semaines du renouvellement du Parlement européen. Il offre au groupe socialiste l’occasion de présenter l’orientation nouvelle qu’il souhaite pour l’Europe et ses citoyens.
Au cours de la présidence française, à l’automne 2008, nous avions déposé une proposition de résolution par laquelle nous demandions à la Commission européenne de prendre toutes les initiatives permettant de conforter le statut des services d’intérêt général, notamment d’inscrire dans sa stratégie politique annuelle pour 2009 l’élaboration d’une législation cadre.
Parallèlement, nous demandions au chef de l’État, dans l’exercice de sa présidence du Conseil de l’Union, d’impulser l’adoption d’un agenda européen pour l’élaboration d’un outil juridique. Cette présidence offrait à la France une occasion politique d’agir en ce sens.
Une telle démarche bénéficiait également d’une légitimité juridique puisque le traité de Lisbonne, par son nouvel article 14 et le protocole additionnel sur les services d’intérêt général, conforte la base juridique qui permet l’élaboration d’un cadre législatif général.
Le Président de la République s’est souvent déclaré favorable à une application par anticipation du nouveau traité. L’élaboration d’une législation cadre sur les services d’intérêt général pouvait permettre de concrétiser cet aspect du traité de Lisbonne et de donner un contenu au souhait de la France de faire de 2008 l’année du « redémarrage social de l’Europe ».
Notre proposition de résolution constituait un rappel de ces objectifs et une invitation à agir.
Au sein de la Haute Assemblée, la commission des affaires économiques, qui est compétente pour l’examen de cette proposition de résolution, avait alors préféré ne pas s’en saisir. Au niveau européen, la présidence française s’est achevée sans qu’aucune initiative ait été prise en faveur des services d’intérêt général. C’est pourquoi nous présentons aujourd’hui une proposition de résolution rectifiée.
Les raisons de notre engagement sont claires. Les services d’intérêt général constituent un des piliers du modèle social européen. Ils sont un élément essentiel dans la qualité de vie des Européens et sont un gage d’égalité entre les citoyens.
Ils ont aussi un rôle clé à jouer dans la bataille que veut livrer l’Union pour créer l’économie la plus dynamique et durable du monde. De bons services publics peuvent aider à surmonter la crise économique, à renforcer la cohésion sociale et territoriale et à améliorer le fonctionnement du marché intérieur de l’Europe et sa compétitivité extérieure. Les forces du marché ne peuvent pas, à elles seules, garantir les services publics dont nous avons besoin pour bâtir une Europe qui soit non pas exclusivement un marché, mais une société conforme à ce que nous souhaitons.
Aujourd’hui, les services d’intérêt général et les services d’intérêt économique général n’ont pas leur juste place dans l’ordre juridique communautaire. La législation européenne actuelle est confuse et source d’incertitudes. Le traité de Lisbonne pose les principes généraux régissant les services publics et constitue une avancée importante en leur faveur. Mais, pour être effectif, cet apport doit bénéficier d’une traduction législative. À défaut, reste la législation actuelle, sectorielle. Mon collègue Michel Teston traitera du cas particulier du service postal.
Cette législation sectorielle ne permet pas de dire clairement si les services d’intérêt général relèvent du droit de la concurrence, de la législation du marché intérieur ou des règles conçues pour réglementer les subventions ou les marchés publics. Cette confusion fait le lit d’un double déséquilibre.
Le premier est d’ordre juridique. En l’absence d’un cadre législatif propre aux services publics, ce sont, dans bien des cas, les règles de la concurrence et du marché intérieur qui régissent les services d’intérêt général, lesquels se trouvent alors détournés de leurs missions. En outre, les enjeux sociaux, environnementaux et d’aménagement du territoire que portent les services d’intérêt général sont oubliés.
Le second déséquilibre est institutionnel. En l’absence d’un cadre juridique pour les services d’intérêt général, leur définition, leur financement et leur gestion sont aujourd’hui tributaires de la jurisprudence. Plusieurs arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes ont mis en cause les modes d’organisation et de financement choisis par des collectivités ; ce fut notamment le cas pour une desserte de bus dans un canton allemand, des services d’énergie ou encore de chauffage municipal dans des communes italiennes. De son côté, la Commission a lancé des procédures à l’encontre de plusieurs États membres pour contester la gestion par leur administration ou leurs collectivités de services locaux aussi différents que des musées en Allemagne, des services d’ambulance en Toscane ou de traitement des eaux à Hambourg.
Au fil de sa jurisprudence, dans le vide laissé par le législateur européen, la Cour de justice fixe ainsi les règles de financement et de délégation des services publics, de partenariat public-privé, d’organisation des sociétés d’économie mixte, et ce au détriment des choix effectués par des autorités locales élues.
Ce phénomène de dépossession des autorités nationales ou locales est la négation du projet d’Europe politique que nous portons, et pour lequel le Gouvernement dit plaider. Il a pour effet de contredire le principe de subsidiarité et l’autonomie des autorités locales. Celles-ci considèrent que l’exercice de leur mission est menacé et que c’est le devenir des services publics locaux qui est désormais en jeu. Ces autorités sont, à tous les niveaux, profondément impliquées dans l’organisation et le financement des services d’intérêt général.
Dans la pratique, elles sont de plus en plus confrontées à l’intervention de la Commission européenne ou de la Cour de justice, qui évaluent leurs activités à la seule lumière des règles du marché intérieur.
Les élus locaux le savent, pour que leur autonomie soit préservée de manière effective, il faut que l’application du principe de subsidiarité s’inscrive dans un cadre légal de niveau européen garantissant une réelle sécurité juridique.
S’en tenir au simple rappel d’un principe de subsidiarité déjà mis à mal, comme semble vouloir le faire l’UMP dans sa campagne pour les élections européennes, témoigne d’une volonté de freiner toute consolidation juridique qui permettrait de mettre un terme au recul des services publics en Europe. On cherche la cohérence avec les discours du chef de l’État sur la régulation et la nécessité d’édifier une Europe politique.
La construction européenne s’est accélérée sous l’impulsion de Jacques Delors, alors président de la Commission européenne, en s’appuyant sur trois piliers : le marché intérieur, la solidarité et la coopération.
La droite européenne a fait le choix de bâtir l’Europe sur le seul pilier du marché intérieur, abandonnant ainsi les objectifs de solidarité et de coopération. Face à la crise, cela n’est plus défendable.
À nos yeux, la sécurisation des services publics est un impératif majeur pour l’avenir de l’Union. L’objectif est clair : permettre une prise en compte des services d’intérêt général qui équivaille à celle des autres politiques de l’Union et mettre un terme à la primauté du droit de la concurrence, qui est, au niveau communautaire, en passe de déterminer tous les autres.
C’est pourquoi le nouveau cadre juridique devra définir les relations entre les règles du marché unique et la poursuite des objectifs d’intérêt général. Il devra introduire des critères distinguant les services à caractère économique des services non économiques, les uns et les autres étant régis par des dispositions légales distinctes.
C’est à un réel exercice de rééquilibrage entre les politiques de l’Union que nous vous appelons.
Cette base juridique protectrice des services d’intérêt général devra permettre de préserver le principe de subsidiarité et clairement délimiter les responsabilités des États membres, d’une part, et de l’Union européenne, d’autre part.
Enfin, nous souhaitons compléter cette évolution juridique par une garantie institutionnelle. Dans la perspective du renouvellement de la Commission européenne à l’automne prochain, nous proposons l’institution d’un Commissaire européen en charge des services publics. Il aurait pour mission d’assurer la prise en compte des services publics dans toutes les politiques communautaires, leur niveau de qualité et leur bon fonctionnement.
Alors que la Commission européenne confirme que les services régaliens de police et de justice restent exclus des règles du marché intérieur, elle n’accorde pas la même garantie aux services sociaux et de santé, qui sont considérés pour 80 % d’entre eux comme des services économiques et peuvent donc être régis par les règles de la concurrence et du contrôle des aides d’État. Une protection s’impose. Mon collègue Roland Ries reviendra sur ce sujet.
La Commission européenne n’a pas rempli son rôle. Elle s’est toujours évertuée à bloquer toutes les demandes qui lui ont été faites d’évolutions législatives sur les services d’intérêt général, jusqu’à sa communication du 22 novembre 2007 sur le marché intérieur, dans laquelle elle indique explicitement qu’elle renonce à l’élaboration d’une législation qu’elle ne juge pas « utile ».
Dans cette logique, sa stratégie politique annuelle pour 2009 ne prévoit aucun projet permettant d’endiguer la remise en cause dont les services publics européens sont victimes.
L’agenda social 2010-2015 est tout aussi discret sur les services d’intérêt général.
La Commission affirmait par le passé que le sujet était trop compliqué et qu’un cadre juridique général ne pouvait pas aborder les nombreux problèmes qui se posent aux services publics. En même temps, elle soulignait l’urgence de les faire bénéficier d’une garantie légale.
Une réponse à la remise en cause des services d’intérêt général est non seulement utile, mais possible, pour peu que l’on veuille bien sortir du carcan idéologique libéral imposé par la Commission.
Nous en avons dressé les lignes de force : clarification de la définition et du statut des services d’intérêt général, consolidation du principe de subsidiarité et de l’autonomie des autorités locales dans l’exercice de leur mission, volonté de mettre un terme à la primauté du droit de la concurrence et reconquête du politique.
Les parlementaires socialistes européens, décidés à démontrer qu’il est possible d’élaborer un instrument juridique cohérent ont rédigé le projet de législation-cadre que la Commission refuse aux États et aux citoyens.
Le travail de formulation juridique est réalisé. Il importe désormais de le mettre en œuvre. Cela demande une volonté politique. C’est l’un des enjeux des élections européennes.
Au moment de donner de bonnes raisons aux citoyens de voter et de se déterminer sur un choix européen, la mise en route de l’élaboration d’un instrument juridique propre aux services d’intérêt général serait un gage supplémentaire vers l’Europe sociale.
Enfin, cette proposition de résolution vise à donner une perspective pour l’Europe politique de demain. Un examen attentif du bilan de la Présidence française de l’Union européenne et des votes des eurodéputés de l’UMP et du Parti populaire européen, le PPE, permet de dire que la droite française et européenne s’est toujours opposée à offrir aux services publics le cadre juridique protecteur qui leur fait défaut.
La Présidence française s’est réduite, sur le terrain des services d’intérêt général, à la tenue d’un forum auquel il ne fut d’ailleurs jamais donné aucune suite.
Au Parlement européen, au cours de ces cinq années de mandat, les eurodéputés de droite ont voté contre l’exclusion des services sociaux et des services d’intérêt économique général de la directive sur les services. Ils se sont opposés, chaque fois qu’ils l’ont pu, à l’élaboration d’une législation-cadre.
Soutenir aujourd’hui la reconduction de José Manuel Barroso à la tête de la Commission européenne, c’est, de fait, soutenir la reconduction d’une Commission européenne qui, par son opposition systématique à toute action favorable aux services publics, use de son droit d’initiative comme d’une force de blocage quant à l’édification d’une Europe politique et sociale.
Si les Européens font le choix d’une majorité nouvelle de gauche pour le Parlement européen au soir du 7 juin, ce Parlement renouvelé sera en capacité de pousser la Commission européenne renouvelée, non seulement à inscrire le dossier des services d’intérêt général au rang de ses priorités, mais à le faire avancer concrètement.
La crise économique et financière actuelle, qui submerge le monde, rend la protection des services d’intérêt général encore plus nécessaire.
Face à cette crise, les pays européens, y compris les plus marqués par l’idéologie libérale, ont reconnu le rôle stabilisateur des services publics à la fois par le maintien de l’emploi et par l’offre égalitaire de services aux citoyens.
Comment les peuples européens pourraient-ils comprendre que, pour contrer les effets désastreux de la crise, l’Europe ne se donne pas les moyens de conforter leurs services publics ?
Sur le fond, cette analyse fait largement consensus et les travaux de la commission des affaires économiques s’inscrivent dans cette approche. Mais il reste à franchir un pas supplémentaire pour la traduire dans une législation-cadre contraignante si l’on veut vraiment protéger les services d’intérêt général.
En adoptant cette résolution, notre assemblée apporterait une réelle contribution en ce sens.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de résolution sur la communication de la Commission européenne sur sa stratégie politique annuelle pour 2009, déposée par Mme Catherine Tasca et plusieurs de ses collègues, a été examinée par la commission des affaires économiques en application de l’article 73 bis du règlement.
La commission, réunie ce matin, n’a pas présenté de texte, ce qui permet au Sénat de discuter de celui qui a été élaboré par les auteurs de la proposition. Elle a toutefois approuvé certains amendements qui visent à y apporter quelques améliorations, tout en s’associant à l’objectif de soutien des services publics.
Il faut voir dans l’examen de ce texte en séance publique une occasion opportune pour le Sénat d’exprimer une position sur le sujet des services d’intérêt général, dont nul ne saurait nier l’importance particulière en temps de crise économique.
Tout d’abord, je dirai un mot sur cette « stratégie politique de la Commission pour 2009 » qui fait l’objet de la proposition de résolution que nous examinons.
Il s’agit d’une simple communication de la Commission européenne, sans valeur législative. Elle indique les priorités de la Commission présidée par M. Barroso pour sa dernière année de mandat, l’entrée en fonction de la nouvelle Commission étant prévue pour le 1er novembre prochain.
Ce document est surtout un point d’appui commode pour souligner l’insuffisance de l’action de la Commission sur un sujet qui a pourtant fait l’objet de demandes répétées depuis des années : les services d’intérêt général.
La notion de service d’intérêt général n’est pas toujours bien comprise dans notre pays, où nous sommes plus habitués à celle de service public. L’objectif est pourtant le même : certaines missions présentent un caractère d’intérêt général qui légitime une intervention des autorités publiques.
Ces dernières peuvent fournir le service elles-mêmes ou le faire fournir par un tiers. Dans ce dernier cas, elles peuvent apporter une subvention correspondant aux charges particulières qui résultent pour l’opérateur de l’exécution de la mission assignée : c’est la compensation pour obligation de service public.
Au-delà des différences de vocabulaire, le soutien aux services d’intérêt général est donc une manière de préserver et de conforter les services publics – ou faut-il dire les services « au » public ? – auxquels nous sommes tous très attachés.
Et cet attachement est légitime, car cette proposition de résolution tombe à point nommé. L’effondrement du système financier, la récession qui touche de nombreux pays, notamment les États membres de l’Union européenne, ont mis fin à un certain nombre de dogmes économiques professés tant par les instituts économiques que par les institutions européennes.
À la volonté de laisser les marchés décider seuls de l’allocation des biens et des ressources entre les acteurs économiques s’est substitué le constat qu’une intervention des acteurs publics par la régulation, mais aussi par les aides directes, est nécessaire pour assurer la continuité du tissu économique et la cohésion sociale et territoriale.
Les services publics réduisent les inégalités de fait en apportant à chacun la possibilité d’obtenir des soins, d’éduquer ses enfants, de se déplacer pour un coût raisonnable. Une société pourvue de services publics efficaces bénéficie d’un point d’accroche lors des crises économiques.
J’ajouterai – j’y suis particulièrement sensible en tant que président de l’Observatoire national de la présence postale – que seule l’intervention des pouvoirs publics, notamment la péréquation, peut assurer à chacun un accès aux services de poste et de télécommunications, même pour celui qui est situé dans un territoire isolé ou socialement défavorisé, sans jamais dissocier les deux.
La présente proposition de résolution demande donc à la Commission européenne de prendre des initiatives en vue de conforter le statut des services d’intérêt général.
Rappelons que les services d’intérêt général sont couverts par des règles comme celles du « paquet Monti-Kroes » de 2005. Toutefois, les bilans effectués, notamment un rapport remis récemment par le Gouvernement à la Commission, montrent que ces règles sont insuffisantes et demeurent mal appréhendées par les acteurs locaux, qui craignent pour la sécurité juridique des services qu’ils fournissent ou subventionnent.
Les grands services de réseau – poste et télécommunications, énergie, transports – ont déjà fait l’objet, pour leur part, de directives sectorielles. Le problème se pose d’une manière plus aiguë pour les services sociaux d’intérêt général, c’est-à-dire pour tous les services qui répondent aux objectifs de santé, d’éducation, d’aide aux personnes vulnérables, d’insertion économique, de logement social, entre autres.
Dans ces secteurs, qui couvrent un public plus important en période de crise, les opérateurs sont souvent de petite taille et s’interrogent sur la possibilité de bénéficier d’un soutien public : quelle activité peut-elle être qualifiée de marchande ou de non marchande ? Comment calculer et mettre en œuvre la compensation pour service public ? Or on est ici au cœur de la notion d’intérêt général, dans un domaine où le marché ne peut, à lui seul, satisfaire les besoins de la collectivité.
À ce sujet, je souhaite souligner que la Présidence française de l’Union européenne, au deuxième semestre de 2008, a été marquée par de nombreuses initiatives, telles que le deuxième forum sur les services sociaux d’intérêt général, ou encore la constitution du groupe de travail, conduit par M. Michel Thierry, sur la sécurisation juridique des services d’intérêt économique général.
Pour cette raison, la commission des affaires économiques a adopté des amendements qui visent à retirer, dans la présente proposition de résolution, les alinéas qui remettent en cause le bilan de la Présidence française dans un texte qui concerne, d’abord et avant tout, – rappelons-le, mes chers collègues – la stratégie politique de la Commission européenne !
L’outil juridique proposé est celui de la directive-cadre. Pourquoi se limiter à ce seul outil ? D’autres instruments juridiques sont possibles, par exemple, le règlement prévu par le traité de Lisbonne, traité qui, soulignons-le, marque une avancée importante en faveur des services d’intérêt général, comme l’a remarqué l’an dernier Mme Tasca dans un rapport réalisé au nom de la délégation à l’Union européenne.
Une directive sur les services sociaux serait également la bienvenue, s’agissant du secteur qui suscite aujourd’hui le plus d’interrogations, pour ne pas dire d’inquiétudes.
C’est pourquoi la commission des affaires économiques a adopté un amendement qui reprend la formulation plus large d’« instrument juridique communautaire », déjà présente dans une résolution adoptée par le Sénat le 23 mars 2005.
Je crois surtout que, au-delà de la forme juridique, le contenu sera primordial. Les positions des États membres varient fortement – faut-il le rappeler ? – sur la question des services publics.
Certains craignent un État Léviathan, qui prendrait le contrôle de l’économie et briderait les initiatives individuelles. Seuls un effort de réflexion à l’échelon national et un effort de concertation à l’échelon européen permettront de dégager un modèle de service d’intérêt général pour l’Europe d’aujourd’hui et de demain.
L’heure actuelle se prête à un tel débat en raison de la crise, mais aussi en prévision des élections européennes de juin et du renouvellement de la Commission européenne qui aura lieu à l’automne.
Cela m’amène au dernier point de la proposition de résolution. Il s’agit de demander qu’un commissaire européen soit explicitement chargé de garantir la prise en compte des services publics dans la politique communautaire.
L’intérêt de cette proposition est de donner une force symbolique importante aux services publics et d’améliorer leur mise en œuvre en les intégrant dans les missions confiées explicitement aux commissaires au même titre que, par exemple, la construction du marché intérieur et l’application des règles de concurrence.
On peut discuter des modalités précises, mais il m’est apparu plus efficace de donner cette compétence à un commissaire déjà existant, par exemple à celui qui est chargé du marché intérieur, d’autant que les règles du traité de Nice, qui s’appliqueront si le traité de Lisbonne n’entre pas en vigueur, impliquent une réduction du nombre des commissaires.
La commission des affaires économiques s’est également accordée sur ce point.
Au final, je serais heureux que le Sénat trouve un accord le plus large possible pour affirmer l’importance des services d’intérêt général et la nécessité de les conforter à l’échelon européen où une action efficace pourra être menée sur l’ensemble des secteurs concernés.
Je vous propose donc, mes chers collègues, de voter en faveur de cette proposition de résolution assortie des amendements adoptés par la commission des affaires économiques.
En conclusion, qu’il me soit permis de remercier le président de la commission des affaires économiques de l’action qu’il a conduite dans cette affaire.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Annie David.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la tenue de ce débat, au-delà d’un questionnement sur le statut des services d’intérêt général, devrait nous amener à nous interroger sur la pertinence des objectifs de la construction européenne.
Depuis maintenant plus de cinquante ans, celle-ci s’est essentiellement construite autour d’un espace de libre-échange où seules comptent les règles de la concurrence, où toute aide d’État est par principe prohibée mettant ainsi directement en péril les services publics, où la meilleure des politiques est l’absence même d’intervention publique et où, finalement, l’initiative privée est supposée répondre à tous les besoins des citoyennes et des citoyens de l’Union, ce qui légitime la marchandisation de l’ensemble des secteurs de notre société.
Dans cette Europe que vous construisez, le rôle du politique se résume au mieux à encadrer le jeu du marché, voire à le soutenir lorsqu’il est en difficulté ! Je ne reviendrai pas sur le plan de relance voté par l’Union européenne en faveur des banques.
Ce prisme politique a créé les conditions de la mise en concurrence des femmes et des hommes, des entreprises et des territoires, et trouve son incarnation dans la directive Bolkestein et le fameux principe du pays d’origine.
À ce titre, nous sommes stupéfaits et en colère de constater que ce principe est réintroduit au détour du règlement sur les sociétés privées européennes et que son esprit inspire profondément le projet de directive sur les soins transfrontaliers !
Le texte de Mme Bachelot-Narquin sur l’hôpital en est lui-même empreint dans son article 1er, qui permet d’ouvrir au secteur médical privé notre système de santé public pourtant envié par tant de peuples européens ! Nous le déplorons et le dénonçons avec force. Le gouvernement français doit s’opposer à cette législation au sein du Conseil et y renoncer dans notre droit national.
Les services d’intérêt général n’ont jamais été totalement exclus des législations européennes, il est vrai, mais ils existent uniquement de manière sporadique, comme une simple exception à la règle principale – celle de la plénitude du marché –, ce en quoi nous sommes en complet désaccord.
Nos grands services publics en réseaux que sont l’électricité, la poste, les télécommunications et les transports ont été les premiers à être reconnus par les traités. Les concernant, des directives sectorielles, tout en reconnaissant qu’ils participent à la cohésion sociale et territoriale de l’Union en tant que services économiques d’intérêt général, en ont pourtant organisé leur mise en concurrence.
Ainsi, la notion de « service universel », sorte de service public au rabais, a été créée pour définir les droits minimums auxquels pouvaient prétendre les peuples européens. Cela a abouti partout en Europe à une réduction du niveau d’ambition de développement des services publics et dans notre pays à des reculs historiques importants.
En effet, si l’Union n’impose pas la privatisation des entreprises publiques, l’application des règles de la concurrence a conduit à leur changement de statut puisqu’elles sont désormais soumises aux modèles de gestion des entreprises privées. La recherche d’une haute profitabilité au détriment des objectifs d’intérêt général va à l’encontre des objectifs affichés et conduit à une augmentation des tarifs ainsi qu’à une détérioration du service.
Je citerai pour exemple les tarifs de l’énergie, qui ont augmenté de manière considérable sur le marché libre. Par ailleurs, trois opérateurs publics de transport de voyageurs – RATP, Keolis et Transdev – se livrent en France à une concurrence effrénée au détriment de la qualité du service. Le service public postal, quant à lui, est largement remis en cause partout en Europe.
En France, le passage de bureaux de poste de plein exercice à des agences postales communales ou à de simples « points poste » a conduit à une détérioration majeure du service postal, notamment dans sa fonction bancaire.
À ce titre, nous demandons depuis de nombreuses années, en vain, qu’un bilan des politiques de libéralisation soit réalisé.
Ce bref rappel vous démontre que si les législations communautaires reconnaissent « l’intérêt pour la cohésion sociale et territoriale » de certains domaines d’activités économiques, cela n’a pas suffi, loin s’en faut, à garantir aux citoyennes et aux citoyens la présence de services publics modernes et efficaces.
Au contraire, la notion même de service d’intérêt général a été l’outil de démantèlement et de casse de nos services publics en les soumettant à une concurrence inutile pour les usagers.
Le constat est donc indiscutable. Libéralisme et garantie des services publics sont fondamentalement antinomiques, tout simplement parce que les objectifs visés sont contradictoires : intérêt des usagers contre celui des actionnaires.
Aujourd’hui, la Commission souhaite classifier les services d’intérêt général en deux catégories, les uns économiques, et donc soumis aux règles du marché et à la directive « services », les autres non économiques, exemptés de l’application de ces règles.
Or nous voyons bien que cette tentative est vaine puisque l’ensemble des services publics, sauf les services dits « régaliens », peuvent s’apparenter à des services d’intérêt économique, y compris les services sociaux comme en témoignent la communication de la Commission du 20 novembre 2007 et celle de 2006.
À ce titre, la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes est claire : elle considère comme activité économique toute activité fournissant biens et services sur un marché donné, y compris lorsque le paiement de la prestation n’est pas effectué directement par l’usager.
Cela signifie, dans la droite ligne de l’esprit de l’accord général sur le commerce des services, l’AGCS, que toute activité humaine peut être considérée comme économique et donc soumise aux règles de concurrence, qu’il s’agisse de l’éducation, de la culture, de la santé, du logement. On retrouve là le texte portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires de Mme Bachelot-Narquin.
Ainsi, l’adoption d’une directive-cadre sur les services d’intérêt général n’est souvent considérée que comme un pendant de la fameuse directive « services ».
Pourtant, les sénateurs de mon groupe considèrent qu’il n’y a pas, d’un côté, un espace de service d’intérêt général, qui devrait être préservé, exclu de la directive « services », et, de l’autre, le marché libéralisé qui pourrait être soumis au dumping social, à la loi de l’argent.
La définition des services publics et de leur protection ne peut se poser indépendamment d’une remise en cause globale du modèle libéral imposé par l’Union européenne et les organisations internationales telles que l’OMC ou le FMI.
Nous ne pouvons imaginer définir un objectif ambitieux en termes de modernisation des services publics, de satisfaction des besoins des citoyennes et des citoyens, tout en acceptant les principes posés par le pacte de stabilité, par le traité de Lisbonne, qui prône la libre circulation des capitaux et l’indépendance de la BCE.
Ce système, nous le constatons aujourd’hui au travers de la crise financière et économique, conduit à la déconnexion entre économie réelle et marchés financiers. Il déséquilibre dangereusement les revenus du travail et les revenus du capital.
Les peuples d’Europe ont besoin de services publics ; ils ont également besoin que l’Europe soit synonyme de protection et de progrès social !
L’annulation par le Conseil européen des chefs d’États du sommet sur l’emploi qui devait se tenir le 7 mai prochain constitue, à cet égard, un signe très négatif quant à la volonté du Conseil européen de faire de l’Europe sociale une priorité.
Pour notre part, nous continuons de penser que l’Europe doit permettre de porter un projet politique fondé sur les besoins des peuples afin de garantir, non de manière dérogatoire, mais de manière principale, l’accès de tous aux droits fondamentaux.
Il faut, pour ce faire, en finir une fois pour toutes avec l’Europe de la concurrence et penser une Europe des coopérations et de la solidarité, une Europe des peuples !
Le traité de Lisbonne, à ce jour non ratifié par tous les États membres, ne constitue en rien un pas décisif vers l’adoption d’une législation-cadre sur les services publics.
En effet, selon l’auteur du TCE, le traité de Lisbonne n’est que le fruit de changements « cosmétiques » par rapport à la version originale qui faisait de la concurrence libre et non faussée le fondement même de la construction européenne. Rien ne permet d’affirmer que ce traité permettrait la reconnaissance des services publics puisqu’il confirme la primauté du marché.
Depuis cinquante ans, cette primauté du marché a conduit à dévoyer la notion de service d’intérêt général pour en faire le plus sûr instrument de démantèlement des services publics nationaux soumis à la concurrence.
Nous ne pouvons donc souscrire à cette affirmation contenue dans la proposition de résolution.
Pour conclure, nous estimons que les amendements proposés par la commission des affaires économiques affaiblissent tellement et rendent si peu contraignante la résolution qui sera soumise au vote que cette dernière s’apparentera à une déclaration de bonnes intentions et n’empêchera pas le Gouvernement ni les institutions européennes de mener une politique antisociale tout en recommandant un statut des services d’intérêt général.
Nous avons, pour notre part, une autre exigence pour les services publics, une autre exigence pour l’Europe, et nous ne pouvons nous satisfaire de cette proposition.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de résolution présentée par Mme Catherine Tasca n’ouvre pas un débat d’une grande nouveauté.
Cela fait plus de dix ans que nous parlons de la place et du rôle des services publics en Europe, sans pour autant réussir …
… à aboutir à une solution satisfaisante. C’est certainement la raison pour laquelle nous en discutons de nouveau aujourd'hui.
Pourtant, il s’agit d’une question majeure et éminemment politique. Il devient urgent de traiter le problème du cadre juridique des services d’intérêt économique général en Europe.
Cette question présente des enjeux majeurs de solidarité, de cohésion et d’efficacité économique pour ce secteur qui se situe au cœur de notre modèle de société.
Je ne reviendrai pas sur la genèse du débat qui nous occupe aujourd'hui ni sur les divergences doctrinales qui bloquent encore à l’heure actuelle toutes avancées juridiques et politiques.
Une conclusion s’impose toutefois à nous : le manque de consensus politique en Europe est patent et la position de la France, malgré son bien-fondé, est isolée.
Si un large consensus est apparu sur la nécessité de clarifier le cadre juridique applicable aux services d’intérêt général, en revanche, il n’y a pas de convergences de vues sur la manière d’y parvenir.
Mes chers collègues, je souhaite simplement apporter quelques réflexions dans ce débat.
La France a vraiment « découvert » l’expression de « services d’intérêt général » entre 2004 et 2006, lors des discussions nées de la transposition en droit français de la directive sur la libéralisation des services.
Depuis, notre pays essaie de définir une doctrine européenne visant à garantir que les services publics français correspondent aux critères des services d’intérêt général définis par l’Union européenne.
À titre d’exemple, en droit communautaire, pour qu’une mission de service public déléguée à un opérateur public ou privé soit reconnue comme telles, il faut qu’elle ait fait l’objet d’un « mandatement ». Or cette notion n’existe pas encore en droit interne. Il faut donc que la France adapte sa législation.
À notre avis, les représentants français auprès des instances communautaires doivent militer afin que d’autres règles communes soient adoptées et qu’un statut juridique des services publics s’affirme au niveau de l’Union européenne.
Le traité de Lisbonne, mes chers collègues, contient d’ailleurs de nouvelles dispositions sur les services d’intérêt général dont des règles communes devront être tirées.
En effet, un très grand nombre de services publics, dont les services publics sociaux d’intérêt général, sont locaux : le logement social, les services à la petite enfance, le ramassage des ordures, etc.
Les collectivités locales ont un rôle central à jouer. Il y a une vraie marge de manœuvre, à condition d’accepter d’adapter notre système de service public aux règles européennes. Ce sera un grand chantier, espérons-le non pour les années à venir, mais pour les prochains mois !
Le gouvernement français doit donc travailler avec les collectivités locales sur la définition des statuts des services publics, et ce dans le respect du cadre européen.
L’échec du projet de Constitution européenne, projet généralement taxé d’ultralibéralisme par ses détracteurs français, et les difficultés que rencontre actuellement le traité de Lisbonne pourraient bien, paradoxalement, venir sonner le glas de l’élaboration d’un statut unifié du service public au niveau communautaire.
Reconnaissons que le traité de Lisbonne instaure une nouvelle donne puisqu’il consacre les services d’intérêt économique général dans un protocole qui leur est dédié et qui leur confère légitimité et base légale. Sur ce point, le traité de Lisbonne améliore le traité instituant l’Union européenne. Ainsi, il confie au Parlement européen et au Conseil le soin de définir les principes qui régissent les services d’intérêt économique général.
En outre, le protocole additionnel relatif à ces mêmes services, d’une part, prévoit une disposition précisant les valeurs communes qui fondent leur fonctionnement et, d’autre part, pose le principe de subsidiarité en confirmant que les États membres disposent d’une marge d’appréciation pour définir les services d’intérêt économique général ainsi que leurs missions. Cette marge d’appréciation, au demeurant, n’est pas forcément discrétionnaire, puisqu’elle reste soumise au respect du droit positif issu du traité de Rome. Elle devrait cependant permettre que soit dissipée l’insécurité juridique dans laquelle, actuellement, sont placés les États membres. Ceux-ci doivent en effet attendre les arrêts de la Cour de justice, qui – comme dans le droit anglo-saxon, d’ailleurs – statue au cas par cas.
Aujourd’hui, du fait de l’absence de législation européenne unifiée, les États membres, les entreprises et les citoyens se voient privés de toute visibilité et de toute certitude. En tout état de cause, cette situation, véritable manteau d’Arlequin, est contraire aux vœux de la France et à l’intérêt général européen.
Nous pensons, mes chers collègues, que la question des services publics appelle une réponse politique et non uniquement des solutions juridiques établies au cas par cas par la Cour de justice.
On est donc loin, bien loin du postulat de départ selon lequel le droit communautaire n’envisagerait les services publics que comme une exception au marché. Bien au contraire, s’est dégagé peu à peu un véritable corpus législatif et jurisprudentiel du « service public européen ».
Dans ce contexte, qu’attendre d’une directive horizontale sur les services d’intérêt économique général dans l’Union européenne telle que la réclame Mme Tasca dans sa proposition de résolution ?
Il semble tout d’abord que, sans modifier les principes existants, un tel instrument revêtirait une portée politique forte et dissiperait une bonne fois pour toutes les malentendus sur la place du service public dans la construction communautaire. Par ailleurs, du point de vue juridique, un tel texte aurait le mérite de la clarté, dans un environnement qui souffre, de par l’éparpillement de ses règles, d’une relative insécurité juridique.
Les avantages de cette proposition sont donc évidents ; mais ses inconvénients le sont tout autant. Une directive-cadre générale « cristalliserait », à la date de son adoption, le consensus minimal existant entre les États membres sur la question des services d’intérêt général et gommerait les différences naturelles entre les différents secteurs : elle risque, finalement, de priver les gestionnaires de services publics de la souplesse d’adaptation nécessaire à l’exécution de leurs missions.
Une démarche raisonnable consisterait, à notre avis, à concilier les contraires, de manière empirique et quotidienne. Dans ce cadre, la définition de grands principes communs précisant les lignes directrices fixées par le protocole n° 9 annexé au traité de Lisbonne prend tout son intérêt. Ces principes seraient ensuite déclinés plus précisément par le biais de trois ou quatre directives sectorielles aménageant les équilibres nécessaires et possibles selon les domaines d’activité.
Une telle vision nous semble plus réaliste et efficace ; elle permettrait d’éviter que l’on ne se contente du plus petit dénominateur commun, qui, paradoxalement, entraînerait un nivellement par le bas au regard de l’avancée de nos acquis nationaux.
L’opportunité de l’action ne fait évidemment pas débat : seule la question de la détermination de l’instrument juridique adéquat n’est pas réglée. Le débat reste ouvert, ce qui ne doit pas nous empêcher d’avancer. La solution envisagée par la commission des affaires économiques nous paraît être un bon compromis, car elle respecte les positions de chacun tout en affirmant la nécessité de l’action.
La place des services publics en Europe constitue un enjeu éminemment politique dans la perspective des prochaines élections européennes. Il est essentiel que la solidarité, la cohésion sociale, le modèle social européen, l’équilibre entre les exigences d’une économie compétitive et l’intérêt général protecteur soient au centre du débat européen. C’est une manière d’y inclure les questions relatives aux valeurs de l’Europe, à son équilibre institutionnel et à sa réalité vécue. Si elle assure aux services d’intérêt général les moyens de fonctionner, l’Union européenne sera perçue positivement. L’évolution des esprits, qui s’est notamment manifestée à l’occasion de la négociation du traité de Lisbonne, confirme que la période est favorable à de telles initiatives.
La France a, à mon avis, un rôle très particulier à jouer dans ce contexte. Notre pays, à travers l’action de ses gouvernements successifs constamment soutenus par son Parlement, est peut-être l’État membre le plus soucieux de promouvoir les services publics en Europe. Car il ne s’agit plus désormais de se contenter de les « défendre » : notre pays a dans ce domaine une tradition juridique solide et plus variée que ne le laisse paraître une certaine focalisation du débat sur les services publics nationaux à statut. Les Français peuvent aussi légitimement s’enorgueillir des succès rencontrés par leurs entreprises assumant des services publics sur le marché européen, succès que l’on constate tous les jours. Ces entreprises ont su, pour la plupart, s’adapter à la nouvelle donne communautaire afin de devenir plus performantes.
Toutefois, mes chers collègues, je pense qu’il est indispensable pour la France d’éviter toute morgue. Le service public « à la française » a sans doute ses qualités propres, mais il ne peut prétendre à l’exemplarité sur tous les points. Au contraire, il faut reconnaître que les contraintes communautaires ont permis aux services publics français de beaucoup s’améliorer et admettre qu’eux aussi peuvent apprendre des pratiques de leurs homologues.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous sommes évidemment favorables à la possibilité de mettre en place un cadre juridique stable et cohérent, capable de fournir aux services publics la pérennité nécessaire. Si les choses demeurent figées, nos services publics resteront sous le feu de la « guérilla » déterminée de la Commission et de la Cour de justice, sans aucune perspective solide de visibilité à long terme.
La position traditionnelle, qui estimait préférable en la matière de faire confiance aux seules « préférences collectives nationales », n’est plus rentable et n’est plus tenable, car l’absence de règles européennes conduit à une insécurité permanente des services publics nationaux et à une incertitude irrésolue sur les formes qu’ils peuvent revêtir à l’avenir. L’urgence est donc de donner un contenu au « marché intérieur social » en s’inspirant des principes de loyauté, de transparence, d’universalité et d’égalité qui forment l’essence de nos services publics.
Sous les réserves que j’ai exprimées, mes collègues du groupe UMP et moi-même voterons cette proposition de résolution modifiée par les amendements proposés par le rapporteur de la commission des affaires économiques, parce que nous partageons son objectif et son ambition.
Applaudissements sur les travées de l’UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la crise financière sans précédent que nous traversons nous oblige à porter un regard différent sur les services publics et sur l’action des pouvoirs publics dans notre économie.
Ni le marché ni la concurrence ne peuvent répondre en toutes circonstances aux besoins d’intérêt général. Cela vaut pour notre pays, bien sûr, mais cela vaut également pour nos partenaires de l’Union européenne.
Même les plus libéraux d’entre eux sont en train de redécouvrir les vertus de la régulation. Le dernier G20, à Londres, a mis en évidence ce retour de l’intervention de l’État au niveau national et international pour faire face à l’effondrement du système financier mondial. Les interrogations sur les services publics doivent donc à nouveau se placer au cœur de la construction européenne.
L’Europe a trop souvent été présentée en France comme une menace pour ces services publics, et nombreux sont les Français aux yeux de qui l’Europe est celle de technocrates ouvrant les services publics aux vents de la mondialisation. Ils n’ont pas totalement tort.
Le débat est toujours vif sur l’équilibre qu’il faut trouver entre une certaine déréglementation, qui serait l’œuvre de l’Union européenne, et la persistance d’une spécificité française attachée à un grand secteur public constitué de monopoles trop conservateurs.
Toute redéfinition des missions de service public par l’Union européenne est le plus souvent perçue, chez nous, comme une politique visant à contester le rôle social du secteur public plus que son efficacité économique.
L’ouverture à la libre concurrence à travers le marché unique, qui constitue la raison d’être originelle et historique de l’Europe, est donc devenue le vecteur d’une autre évolution, sans doute imprécise et floue, mais touchant à la racine même du modèle politique français.
Même si la question du service public ne se pose pas en France comme elle a pu se poser en Grande-Bretagne, où il a dû faire face depuis 1979 à une vague de privatisations sans précédent, ou encore en Italie, où sa critique s’est appuyée sur une crise plus générale de la classe politique, il existe un très large consensus sur la nécessité d’assurer la fourniture de services d’intérêt général de qualité pour tous les citoyens et toutes les entreprises de l’Union européenne.
Il existe une conception commune des services d’intérêt général qui se fonde sur un ensemble d’éléments, dont le service universel, sa continuité et sa qualité, son accessibilité financière ainsi que la protection des usagers et des consommateurs.
L’ambition de la construction européenne ne s’est jamais limitée à la seule réalisation d’un grand marché. Le droit communautaire a peu à peu reconnu la spécificité des entreprises chargées de la gestion de « services d’intérêt économique général » ainsi que la compatibilité entre les objectifs d’un marché intérieur ouvert et concurrentiel, d’une part, et le développement de services d’intérêt général de qualité et abordables, d’autre part.
Il ne faut pas oublier que l’Europe a une réelle vocation sociale, affirmée et assumée comme telle. Les services d’intérêt général sont reconnus par les institutions européennes, notamment depuis le Livre blanc de la Commission de 2004, comme une composante essentielle du modèle européen de société.
Mais, jusqu’à présent, c’est une approche sectorielle concernant surtout les grandes industries de réseau qui était développée prioritairement, et c’est regrettable.
La Commission, dans sa « Stratégie annuelle pour 2009 », n’a pas choisi de proposer d’instrument juridique communautaire relatif aux services d’intérêt général. Sa communication sur sa « Stratégie annuelle pour 2010 » ne laisse pas supposer non plus une telle proposition, alors même qu’elle souligne un objectif particulièrement important : l’utilisation des leviers dont dispose l’Union européenne pour soutenir les États membres dans leur lutte contre le chômage et pour la préservation de la cohésion sociale dans un contexte d’extension de la crise.
Il est évident que, pour réconcilier les peuples européens avec l’Europe, il est indispensable de ne pas négliger la vocation sociale de l’Europe, notamment tout ce qui concerne les services publics. Cela doit passer par un renforcement du statut général des services d’intérêt général. Il est impératif que l’Europe se dote d’un cadre juridique permettant la promotion de la notion de service d’intérêt général et de sa nécessité.
Nous devons faire en sorte que les rapports entre acteurs concurrentiels et services publics soient équilibrés, dans une économie européenne soucieuse à la fois d’efficacité et de justice sociale.
Le groupe du RDSE partage la même préoccupation que les auteurs de la proposition de résolution dont nous débattons. Comme eux, il regrette que les services publics d’intérêt général ne soient pas mieux pris en compte dans la stratégie de la Commission européenne pour 2009. Ses membres soutiendront donc la proposition de résolution présentée par Mme Tasca et modifiée par la commission des affaires économiques.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’Union européenne « combat l’exclusion sociale et les discriminations, et promeut la justice et la protection sociales, l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant.
« Elle promeut la cohésion économique, sociale et territoriale, et la solidarité entre les États membres ».
Ainsi est énoncée, dans l’article I-3 du traité de Lisbonne, une partie des objectifs de l’Union européenne.
Faire en sorte que de tels principes – de bons principes – ne soient pas de simples mots précieusement conservés dans un écrin, mais au contraire un véritable guide pour la conduite de la politique sociale de l’Union suppose donc une volonté de leur donner un sens concret, effectif et surtout efficace.
Chacun sait que les services d’intérêt général constituent les instruments essentiels de la cohésion sociale, économique et territoriale de l’Union européenne. Avec la crise économique et financière, ils le deviennent chaque jour davantage.
Or, s’il est un domaine où la Commission européenne a fait preuve d’une très grande timidité, c’est bien celui-là. Certes, du traité d’Amsterdam au traité de Lisbonne – pas encore ratifié – le cadre juridique a peu à peu été posé. Mais en dehors de ces quelques articles et de quelques déclarations de bonnes intentions rarement suivies d’effets, le moins que l’on puisse dire est que, en matière de services publics, la Commission européenne, qui a le monopole de l’initiative législative, s’est toujours contentée du minimum minimorum !
Pour illustrer mon propos, je prendrai l’exemple des services sociaux d’intérêt général, les fameux SSIG.
Faute d’une initiative législative de la part de la Commission, c’est à la seule jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes que nous devons une définition des SSIG, avec toutes les lacunes que l’on peut imaginer.
Pour la Cour de justice, en effet, 80 % des services sociaux sont considérés comme des services sociaux d’intérêt économique général, les SSIEG. La Cour a considéré cette activité comme « économique » dans la mesure où elle s’exerce dans le cadre d’un marché organisé moyennant rémunération du service rendu, par exemple le logement social, la protection sociale non obligatoire ou encore les soins de santé.
En soi, cette notion « d’activité économique » suscite des interrogations.
Premièrement, doit-on parler de « marché » quand il s’agit de venir en aide aux personnes les plus vulnérables ? En outre, dans nos collectivités locales, nous avons affaire le plus souvent à des petits prestataires qui interviennent souvent seuls sur un secteur donné. Dans ces conditions, le principe de concurrence n’est d’aucune portée.
Deuxièmement, les acteurs des SSIEG sont considérés au regard du droit européen comme des « entreprises », et ce quel que soit le statut ou la forme juridique, le caractère privé ou public de ces organismes. Là encore, peut-on vraiment penser que le droit de la concurrence et du marché intérieur soit le plus adapté aux prestataires de services sociaux ?
Plutôt que de protéger juridiquement les services sociaux, la Commission a même un moment envisagé de les assimiler à des services marchands en les intégrant dans la désormais célèbre directive « services ». Il aura fallu à l’époque la pugnacité des eurodéputés, notamment socialistes, …
… pour exclure de cette directive certains services sociaux sous certaines conditions et faire ainsi reculer la Commission européenne sur ce point.
Parmi ces conditions, mes chers collègues, la plus essentielle impose au prestataire gérant un SSIEG d’être « mandaté » par la puissance publique.
Pour les services sociaux, cette obligation de mandatement pose des problèmes considérables.
Soulignons tout d’abord qu’une approche exclusivement fondée sur la commande publique méconnaît le fait que, le plus souvent, la puissance publique n’est pas à l’origine d’une « demande » : ce sont les associations qui la créent, ce sont elles qui proposent un service, lequel est ensuite éventuellement repris par l’État ou les collectivités locales ; je pense notamment aux soins aux SDF, à la petite enfance, aux services ou aux soins apportés aux personnes âgées.
Dans la notion de mandatement, l’initiative est inversée, à rebours de la réalité sociale. Au fond, l’initiative publique n’est pas l’alpha et l’oméga en matière de services sociaux, on le sait bien. L’initiative associative soutenue par les pouvoirs publics est souvent tout aussi efficace, si ce n’est davantage.
L’épineuse question du mandatement pose aussi la question du contrôle du financement des fonds publics engagés. En effet, au vu des règles extrêmement complexes, pour ne pas dire déroutantes, à la fois de la Cour – arrêt Altmark de 2003 – et de la Commission – paquet Monti-Kroes –, il semble impossible pour un prestataire de service social normalement constitué de les comprendre, de les appliquer et donc, en définitive, d’être exempté de l’obligation de notification pour aide d’État à la Commission européenne.
Permettez-moi de prendre un exemple afin d’illustrer le caractère « kafkaïen » des preuves que doit apporter le prestataire. Celui-ci doit démontrer que la compensation de service public reçue n’affecte en rien le bon équilibre du « marché » au sein duquel il intervient et que cette compensation correspond strictement au coût moyen de ce service, ce que la Cour a si poétiquement appelé « une entreprise moyenne bien gérée et adéquatement équipée ».
On peut s’interroger sur le sens d’une telle formule. Qu’est-ce qu’une entreprise moyenne bien gérée et adéquatement équipée ? Les interprétations les plus diverses peuvent être avancées.
Dans ces conditions, on ne comprend que trop la difficulté que rencontrent les acteurs sociaux, qui sont souvent de petites entités, pour appréhender des règles de financement d’une telle complexité.
En définitive, mes chers collègues, nous avons, d’un côté, des tentatives récurrentes de libéraliser globalement par la législation le secteur des services ; de l’autre, une volonté jamais démentie de maintenir le secteur des services sociaux dans une situation de flou juridique préjudiciable à son bon fonctionnement. Il y a donc bien de la part de la Commission européenne une grande réticence à donner aux services publics le statut juridique dérogatoire dont ils ont pourtant le plus grand besoin.
Il est vrai que depuis bientôt cinq ans, José Manuel Barroso, le président de la Commission européenne, a abîmé l’idée européenne en l’associant systématiquement à la dérégulation économique et sociale, dont la directive Bolkestein a été le symbole, tout comme le projet, fort heureusement avorté, de directive « temps de travail » qui ouvrait la possibilité d’étendre la durée de travail hebdomadaire jusqu’à soixante-cinq heures par semaine.
C’est donc en toute logique qu’en novembre 2007, M. Barroso a décidé de ne pas présenter de directive sur la question des services publics. Mais c’est aussi en toute logique que nous socialistes condamnons très fermement cette position.
Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me dois également de souligner que la présidence française n’a guère apporté d’avancée significative sur ce dossier. Celle-ci n’a en effet pas donné l’impulsion décisive que beaucoup attendaient. Jacques Toubon lui-même avait estimé que la présidence française constituait « une fenêtre de tir à ne pas manquer » et qu’« il fallait aboutir à un cadre juridique pour les services sociaux d’intérêt général ». On attend toujours !
Vous l’aurez compris, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, fort de ce que je viens de rappeler, on ne comprend que trop la nécessité pour la future Commission, qu’on espère renouvelée, de se saisir d’urgence du dossier des services publics et de légiférer.
Comme le rappelle le parti socialiste européen dans son « manifesto » pour les élections européennes de juin, un instrument législatif européen est devenu une condition sine qua non pour l’avenir des services sociaux et des services publics en général.
Le renouvellement du Parlement européen dans quelques semaines devrait permettre, je l’espère, de débloquer cette situation et de conférer enfin aux services publics en France et en Europe un cadre juridique spécifique pour assurer la pérennité de leurs missions d’intérêt public.
Monsieur le secrétaire d’État, en ce sens, nous ne pouvons bien évidemment que souscrire à la sage proposition de résolution qui nous est présentée par Mme Catherine Tasca. Il y va en effet de l’impérieuse nécessité de sécuriser celles et ceux qui sont les victimes de la crise que nous traversons actuellement, et qui ne peut être résolue uniquement dans le cadre aujourd’hui trop étroit des différentes nations constituant l’Union européenne.
C’est bien une autre logique politique dans le domaine des services que nous préconisons de mettre en œuvre. C’est une décision urgente, une décision politique que doivent prendre sans plus attendre les autorités compétentes de l’Union.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon intervention a pour objet d’illustrer la nécessité de l’élaboration et de l’adoption d’une législation-cadre pour les services d’intérêt général, législation qui traite de tous les services et qui réaffirme l’importance du principe de subsidiarité.
En effet, en l’absence d’une telle législation européenne, ce sont les règles de la concurrence ou de la libre circulation qui sont invoquées pour réglementer les services d’intérêt général.
Ainsi les autorités nationales, régionales et locales, sont de plus en plus confrontées à l’intervention de la Commission européenne qui évalue les activités de ces services sous le seul angle de vue des règles du marché intérieur.
Ce constat est particulièrement net pour les services sociaux d’intérêt général qui ne bénéficient d’aucun cadre juridique, Roland Ries l’a très bien dit.
Quant aux autres services d’intérêt économique général concernant les réseaux – transports, énergie, poste, télécommunications –, ils sont régis par des directives sectorielles d’ouverture du marché intérieur et d’ouverture à la concurrence, qui sont interprétées de manière de plus en plus libérale par la Commission.
Pourtant, la Cour de justice des Communautés européennes, dans les arrêts Corbeau du 19 mai 1993, commune d’Almelo du 27 avril 1994 et International Mail Spain du 15 novembre 2007, rappelle que les États membres peuvent conférer à des entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général des droits exclusifs, qui peuvent faire obstacle à l’application des règles du traité sur la concurrence dans la mesure où ces restrictions à la concurrence sont nécessaires à l’accomplissement de la mission particulière qui a été impartie aux entreprises titulaires des droits exclusifs.
Cette jurisprudence constante n’a pas empêché l’adoption de directives soumettant les services d’intérêt général à la loi du marché ainsi qu’une interprétation très libérale des directives sectorielles par la Commission.
Les services postaux sont une bonne illustration de l’intérêt d’une législation-cadre régissant l’ensemble des services d’intérêt général.
En 2004, les services publics postaux représentaient 1 % du produit intérieur brut communautaire et employaient directement, 1, 6 million de personnes.
Le service public postal, c’est-à-dire la levée, le tri et la distribution du courrier est régi par la directive 1997/67/CE et la directive 2008/6/CE qui prévoit la suppression, le 1er janvier 2011, du monopole résiduel des opérateurs historiques pour les plis de moins de 50 grammes, autrement appelé « secteur réservé ».
Ces textes définissent le service postal universel, conçu comme un droit d’accès des utilisateurs aux services postaux, et comprenant un éventail minimum de services de qualité déterminée dont tous les utilisateurs, quelle que soit leur situation géographique, doivent pouvoir disposer, dans tous les États membres, à des prix abordables. Cette définition est loin d’être aussi précise, par exemple, que la définition des obligations de service public imposées actuellement à la poste française.
L’existence d’une législation-cadre relative aux services d’intérêt général aurait probablement permis de maintenir le secteur réservé, qui ne représente plus que 30 % de l’ensemble de l’activité du courrier et du colis, mais qui assure encore aujourd’hui le financement du service universel.
Une législation-cadre interdirait aussi à la Commission d’interpréter de manière très libérale les directives sectorielles existantes.
Le rapport de la Commission de décembre 2008, relatif à l’application de la directive postale, est éclairant dans la mesure où il montre que, faute de cadre juridique encadrant tous les services d’intérêt général, la Commission tend à faire pression sur les États membres afin qu’ils aillent plus vite et plus loin que ne le prévoit la directive.
Comme pour la directive relative aux services, la Commission européenne s’est empressée de demander aux États membres d’achever au niveau national toutes les autres « réformes nécessaires » à l’application stricte de la libéralisation du secteur postal.
Selon le commissaire européen Charlie McCreevy, « les marchés ne vont pas s’ouvrir de manière automatique. Les réformes nécessaires au niveau national doivent être rigoureusement poursuivies ». Nous nous retrouvons donc dans le même cas de figure que celui de la directive « services ».
Non satisfaite des dispositions adoptées par les États membres et le Parlement européen, la Commission européenne veut orienter la transposition de la directive en proposant un manuel de transposition assorti de dispositions risquant de rendre plus difficiles les conditions d’exercice du service public, notamment pour ce qui concerne le maillage du territoire.
En outre, la Commission européenne n’hésite pas à relever tout ce qu’elle considère comme des problèmes connexes à la libéralisation postale. Des remarques ont été formulées à un certain nombre d’États membres ; à ma connaissance, huit d’entre eux sont concernés.
À titre d’exemple, je citerai le cas de l’Allemagne. Le gouvernement allemand a décidé, parallèlement à l’ouverture de son marché postal, d’instaurer un salaire minimum pour les postiers.
Si cette disposition semble être de bon sens, dans la mesure où elle permet d’éviter tout dumping social, la Commission européenne considère ce salaire minimum comme ayant un impact négatif inacceptable sur la concurrence. N’est-ce pas sidérant ?
Afin d’éviter des pressions en vue d’aboutir à des transpositions basées sur un moins-disant social, il est nécessaire de mettre en place un texte-cadre définissant clairement les services publics au niveau communautaire et établissant une liste des obligations communes en la matière, ainsi qu’une stricte répartition des compétences entre le niveau communautaire et le niveau national.
Par ailleurs, il faut savoir que les opérateurs postaux historiques de onze États membres ont accepté, conformément à la directive précitée, l’ouverture complète du secteur postal, en demandant la création de mécanismes de nature à garantir le financement des obligations de service universel et la mise en place de règles du jeu équitables. Là encore, cette prise de position, au demeurant compréhensible, a suscité le mécontentement de la Commission européenne dans son rapport de décembre 2008.
S’agissant du financement du service universel, l’adoption d’une législation-cadre devrait permettre de donner le choix à chaque État membre de retenir la solution qui lui paraît la plus adaptée. Cette position est défendue par les membres du parti socialiste européen. J’avais défendu la même position en janvier 2007 lors de l’examen de la proposition de résolution de notre collègue Pierre Hérisson sur l’ouverture des marchés postaux, proposition qui, je le rappelle, reconnaissait la légitimité juridique de la démarche d’ouverture des marchés postaux à la concurrence.
À cette occasion, j’avais proposé que soit maintenu le monopole résiduel. La résolution adoptée parle finalement de maintien de ce monopole tant qu’un mode de financement alternatif et équivalent n’est pas trouvé.
Si cette formulation montre bien la nécessité du maintien d’un secteur réservé, elle n’en est pas moins insuffisante. Le fonds de compensation du service universel postal prévu dans la loi du 20 mai 2005 relative à la régulation des activités postales ne constitue pas un moyen de financement équivalent, loin s’en faut ! En témoignent les difficultés constatées dans le fonctionnement du fonds de compensation pour le téléphone fixe.
Les services d’intérêt général ont donc des spécificités qui doivent être prises en compte. C’est ainsi que la Confédération européenne des syndicats estime que « des dispositions devraient être prises avant de décider de libéraliser des secteurs essentiels comme le secteur postal, afin de préserver la cohésion économique et sociale de l’Union européenne ». Le groupe socialiste est du même avis. C’est pourquoi nous demandons l’adoption d’une législation-cadre.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vos interventions semblent prouver qu’un consensus, auquel s’associe le Gouvernement, se dégage au sein de cette assemblée pour défendre l’importance des services d’intérêt général et le modèle de service public à la française dans le cadre du projet politique européen que nous portons.
Nous en sommes tous convaincus ici, un certain nombre de services doivent échapper à la logique de stricte concurrence pour répondre à l’intérêt général, qu’il soit national ou européen, et pour aider la majorité des populations. C’est d’ailleurs, je le précise, ce qui est prévu dans la transposition de la directive « services », et ce, je le rappelle d’ailleurs, grâce à l’intervention du Parlement européen.
À cet égard, je tiens à indiquer à l’intention des personnes qui estiment que les élections européennes du 7 juin prochain n’ont pas d’importance – mais je sais que vous êtes tous ici persuadés du contraire ! – que la transposition de la directive « services » est l’illustration directe du poids que représentent aujourd'hui les parlementaires européens et du rôle essentiel qu’ils jouent dans la vie politique nationale.
Dans le fond, la vraie question est non pas de savoir si nous sommes d’accord sur l’importance des services d’intérêt général, mais plutôt de s’interroger sur la démarche la plus efficace à engager pour faire en sorte qu’ils jouent pleinement leur rôle dans notre vie quotidienne. À ce propos, deux démarches se font concurrence.
La première démarche proposée par Mme Tasca s’inscrit dans un cadre législatif général. Certes, je comprends bien la motivation qui la sous-tend et l’intérêt qu’elle présente, mais elle se heurte, à mon sens, à deux difficultés, qui ont d’ailleurs été rappelées tout à l'heure par Robert del Picchia.
La première difficulté est relative au risque de couvrir des secteurs qui n’en ont pas nécessairement besoin. À cet égard, je recommande à tous ceux qui ne l’auraient pas encore lu le rapport Thierry, qui précise les secteurs dans lesquels une intervention serait utile et ceux dans lesquels elle le serait moins.
La seconde difficulté, qui est, à mon sens, la seule à revêtir un caractère dirimant, est liée – et je vous parle là en tant que responsable des affaires européennes – à l’accord des autres États membres et aux résistances que nous ne manquerons pas de rencontrer si nous nous engageons dans cette voie. La résistance risque d’être tellement forte que notre démarche sera finalement contreproductive dans la mesure où elle reportera la définition d’un cadre juridique solide à une échéance extrêmement lointaine.
La seconde démarche, qu’il serait à mon sens plus raisonnable d’adopter, devrait être une démarche pragmatique ; c’est ce à quoi tendent les différentes modifications apportées par M. le rapporteur, au nom de la commission des affaires économiques, à votre proposition de résolution européenne, madame la sénatrice, proposition, dont, je le répète, nous partageons l’esprit.
Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de formuler quelques remarques rapides sur cette démarche pragmatique.
Tout d’abord, je tiens à dire, même si l’on considère qu’un responsable politique n’en fait jamais assez, que la feuille de route négociée par Xavier Bertrand sous la présidence française de l’Union européenne comprenait un certain nombre d’éléments positifs tels qu’on ne peut nous reprocher de ne pas avoir veillé à ce que la question des services d’intérêt général soit traitée.
Ensuite, le travail d’évaluation répertorié dans le rapport Thierry mériterait d’être encore amélioré.
Par ailleurs, si nous sommes favorables à une législation européenne, car nous avons besoin de ce cadre juridique, la démarche qui nous semble la plus opportune est celle d’une législation européenne par voie réglementaire, tel que le prévoit l’article 14 du traité de Lisbonne, qui traiterait au cas par cas les différents sujets et nous permettrait de progresser sur les sujets sur lesquels cet encadrement juridique est le plus nécessaire. Je pense, par exemple, au logement social, car il y a urgence à définir un cadre juridique plus précis dans ce secteur.
Enfin, également pour des raisons pragmatiques et dans le souci d’avancer le plus rapidement possible, nous n’avons pas intérêt à demander la création d’un poste de commissaire européen chargé des services publics, car nous risquerions de nous heurter à une fin de non-recevoir. Il serait, à mon avis, plus salutaire de recourir au commissaire pour le marché intérieur et services, en lui confiant spécifiquement une mission sur ce sujet. J’ai d’ailleurs recommandé, en tant que secrétaire d’État chargé des affaires européennes, que celui-ci fasse une déclaration de politique générale, à l’occasion de l’investiture de la nouvelle Commission européenne et de son nouveau président, pour présenter ses objectifs dans le cadre de la prochaine législature, afin que ceux-ci puissent être validés par le Parlement européen. Nous pouvons parfaitement concevoir qu’y figurent précisément la défense des services d’intérêt général et la mise en place, au cas par cas, du cadre juridique nécessaire, conformément à l’article 14 du traité de Lisbonne.
Je terminerai mon propos de manière plus générale en posant une question qui rejoint mon introduction : quelle Europe voulons-nous ?
Je tiens à le redire ici, car j’ai senti quelques ambiguïtés ici ou là, notre choix est clair : nous ne voulons pas d’un libéralisme absolu. Les décisions prises par le Gouvernement notamment en matière de régulation financière, et avec le soutien du gouvernement allemand, montrent bien que nous ne voulons pas d’une Europe du libéralisme absolu. Nous voulons d’une Europe de la règle et de la liberté. La meilleure façon de garantir cette liberté, c’est d’avoir des règles claires, les mêmes pour tous, permettant de définir un intérêt général et d’assurer à nos concitoyens le meilleur avenir possible dans le cadre de l’Union européenne.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la proposition de résolution européenne, dont je donne lecture :
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu l'article 2 du Traité sur l'Union européenne sur les objectifs de cohésion économique et sociale,
Vu l'article 16 du Traité sur l'Union européenne,
Vu les deuxième et troisième alinéas de l'article 86 du Traité sur l'Union européenne,
Vu l'article 14 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
Vu le protocole n° 9 du Traité de Lisbonne,
Vu l'article 36 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne,
Vu la résolution européenne du Sénat n° 89 (2004-2005) sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur (E 2520) adoptée le 23 mars 2005,
Vu la Communication de la Commission européenne du 20 novembre 2007 « Un marché unique pour l'Europe du 21e siècle » accompagnant la communication intitulée « Les services d'intérêt général, y compris les services sociaux d'intérêt général : un nouvel engagement européen » (COM(2007) 725 final),
Vu la Communication de la Commission européenne du 23 octobre 2007 « Programme législatif et de travail de la Commission pour 2008 » (COM (2007) 640 final - E 3692),
Vu la Communication de la Commission européenne du 13 février 2008 « Stratégie annuelle pour 2009 » (COM (2008) 72 final),
Considérant que l'article 16 du Traité sur l'Union européenne souligne le rôle joué par les services d'intérêt économique général dans la « promotion de la cohésion sociale et territoriale de l'Union » et invite la Communauté et les États membres à veiller « à ce que ces services fonctionnent sur la base des principes et dans des conditions qui leur permettent d'accomplir leurs missions »,
Considérant que selon la déclaration du Conseil « Marché intérieur » du 28 septembre 2000, « l'application des règles du marché intérieur et de la concurrence doit permettre aux services d'intérêt économique général d'exercer leurs missions dans des conditions de sécurité juridique et de viabilité économique qui assurent entre autres les principes d'égalité de traitement, de qualité et de continuité des services »,
Considérant que l'Union européenne, par l'article 36 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, reconnaît et respecte l'accès aux services d'intérêt économique général pour promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l'Union,
Considérant les conclusions des Conseils européens de Barcelone et de Laeken par lesquels les États membres de l'Union européenne se sont engagés à adopter une directive-cadre sur les services d'intérêt général,
Considérant que ces conclusions constituent une base légale suffisante pour mener à bien ce projet essentiel qui participe pleinement à la réalisation des objectifs de solidarité mais aussi de cohésion économique et sociale,
Considérant que l'article 14 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et le protocole n° 9 du Traité de Lisbonne sur les services publics offrent désormais une base juridique claire pour l'adoption d'une législation cadre,
Considérant que le Sénat par sa résolution n° 89 (2004-2005), adoptée le 23 mars 2005, sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative aux services dans le marché intérieur, a appelé la Commission européenne « à formuler une proposition d'instrument juridique communautaire relatif aux services d'intérêt économique général »,
Considérant que le rapport du Conseil économique et social du 17 avril 2008 insiste sur la nécessité de préserver les spécificités des services sociaux d'intérêt général,
Considérant que la Présidence française n'a pas retenu cette initiative comme un élément essentiel pour la défense d'une Europe sociale dont elle avait pourtant affirmé qu'elle devait être la priorité de l'année 2008,
Considérant l'insuffisance des mesures proposées par les États membres au nom de l'Union européenne pour répondre aux conséquences des crises économique et sociale qui frappent aujourd'hui de plein fouet les citoyens européens,
Considérant qu'une garantie accrue des services d'intérêt général contribuerait à renforcer la solidarité et la cohésion sociale dont les citoyens européens ont aujourd'hui besoin,
Considérant que toutes les incertitudes juridiques européennes concernant les services d'intérêt général doivent être levées,
Regrette l'absence de proposition de directive-cadre sur les services d'intérêt général :
- dans la stratégie politique de la Commission européenne pour l'année 2009 ;
- dans l' « Agenda social renouvelé » 2010-2015 ;
- dans le bilan de la Présidence française,
Demande à la Commission européenne de prendre des initiatives en vue de conforter le statut des services d'intérêt général ;
Demande l'inscription dans la stratégie politique la Commission européenne pour l'année 2009 de l'examen d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général ;
Demande que, dans la perspective du renouvellement de la Commission européenne au 1er novembre 2009, soit créé un poste de Commissaire européen chargé des services publics qui serait le garant de leur prise en compte dans toutes les politiques communautaires, de leur niveau de qualité et de leur bon fonctionnement.
L'amendement n° 2, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Aux quatrième, cinquième et treizième alinéas de la proposition de résolution, remplacer les mots :
Traité sur l'Union européenne
par les mots :
Traité instituant la Communauté européenne
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1, présenté par M. Billout, Mme David et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer les septième et dix-huitième alinéas de la proposition de résolution.
La parole est à Mme Annie David.
pas décisif pour la reconnaissance des services publics.
Premièrement, ce
Deuxièmement, le traité de Lisbonne, dans la continuité
En effet, selon les termes même d’un rapport d’information de
Or, nous connaissons pertinemment la position de la
Ainsi, dans une communication de la Commission
Cette interprétation a été confirmée par la Cour de justice
Dès lors, les services publics sont non plus considérés
Nous ne pouvons souscrire à une telle conception du rôle de la puissance publique et de l’intérêt général, celui-ci étant cantonné à la gestion des externalités négatives d’un système économique sur lequel il n’a pas prise et qui se veut omnipotent.
Nous continuons donc de combattre ce traité et les principes libéraux qu’il contient. Ces principes, notamment celui de la libre circulation des capitaux, ont précipité l’Europe dans l’une des crises les plus graves de ce siècle en déconnectant le marché financier de l’économie réelle.
Le présent amendement se justifie également par le fait que ce traité, que d’aucuns voudraient voir déjà en vigueur, n’a toujours pas été adopté par l’ensemble des pays membres.
L'amendement n° 4, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
À la fin du dix-huitième alinéa de la proposition de résolution, remplacer les mots :
législation cadre
par le mot :
législation
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement tend à supprimer les références au traité de Lisbonne, alors que celui-ci consacre la défense des services d’intérêt général. Le traité aborde en effet, dans son protocole n° 9, la question des « services d’intérêt général », auxquels il donne, pour la première fois, un fondement au niveau des traités européens. Rappelons qu’auparavant seuls les « services d’intérêt économique général » étaient mentionnés dans les traités.
J’ai donc du mal à comprendre pourquoi les auteurs de l’amendement, qui affirment leur attachement à la défense de ces services, souhaitent retirer cette mention. D’autant qu’il conviendrait au contraire, au moment où un vote du Sénat de la République tchèque va peut-être permettre la poursuite du processus de ratification, de réaffirmer notre attachement à ce traité.
Sur l’amendement n° 4, je m’en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
En ce qui concerne l’amendement n° 1, je voudrais faire deux remarques.
D’une part – et il s’agit là d’une différence considérable – nous sommes favorables au traité de Lisbonne. Je pense profondément que le fait de refuser ce traité est une erreur politique grave.
En effet, à mon sens, cela revient à refuser l’Europe politique.
D’autre part, techniquement, l’appréciation que vous portez est inexacte, car vous ne citez qu’une partie du protocole n° 9 – son premier article, qui renvoie aux « services d’intérêt économique général » –, alors qu’il comporte aussi dans son article 2, comme l’a très bien dit le rapporteur, pour la première fois dans l’histoire des traités européens, une référence à des « services non économiques d’intérêt général ». De ce point de vue, ce texte constitue un progrès.
Quant à l’article 14 du traité, il est utile, puisqu’il autorise justement à faire ce que demande Mme Tasca. Or, une fois encore, je suis d’accord, sur le principe, avec ce qu’elle demande, autrement dit un encadrement juridique des services d’intérêt général, parce que nous pensons que cela est bénéfique pour l’Europe.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote sur l'amendement n° 4.
Je commencerai par remercier M. le rapporteur, ainsi que la commission, de l’attention qu’ils ont portée à notre texte.
Toutefois, nous ne sommes pas d’accord sur la rédaction proposée, en particulier par l’amendement n° 4, qui vise à supprimer la référence explicite à une législation-cadre.
Nous estimons qu’il n’y a rien d’anodin dans cette modification. En effet, si on ne parle que d’une simple législation, celle-ci peut être, par exemple, d’ordre sectoriel, alors que nous demandons une législation générale qui définisse et encadre les services publics et qui remette de l’ordre dans le monstre communautaire qui a été créé.
Nous souhaitons une législation-cadre qui permette justement de mettre fin aux différences d’interprétation sur le rôle, la marge de manœuvre et le champ d’action des services publics dans un marché fortement concurrentiel, qui n’a cessé de se développer et qui semble constituer le seul horizon de la Commission européenne présidée par M. Barroso.
Nous voulons que cette législation-cadre permette de mettre un terme à l’étouffement des services publics, malmenés par la superposition des directives sectorielles, comme l’a rappelé mon collègue Michel Teston.
Pour nous, un texte sectoriel ne serait pas une solution, car cet instrument n’a été, jusqu’à présent, que le jouet d’une libéralisation agressive.
J’entends bien l’objection formulée par certains orateurs et par M. le secrétaire d’État quant à la diversité des points de vue des Vingt-Sept sur une législation-cadre en la matière. Mais pourquoi renoncerait-on à tenter de les convaincre par une prise de position claire de la France ?
J’ai envie de vous demander, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, puisque vous faites la même analyse que nous sur le rôle des services d’intérêt général – M. le secrétaire d’État a d’ailleurs dit qu’il partageait cette analyse, et ce d’autant plus en cette période de crise – de faire encore un petit effort : rejoignez-nous et acceptez la notion de législation-cadre, faute de quoi nous ne pourrons voter la rédaction qui résultera de nos débats.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 3, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le seizième alinéa de la proposition de résolution :
Considérant les conclusions du Conseil européen de Barcelone par lesquelles les États membres de l'Union européenne ont demandé à la Commission de proposer une directive-cadre sur les principes relatifs aux services d'intérêt économique général,
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de précision.
D’une part, il tend à supprimer la mention au Conseil européen de Laeken dans le cadre du présent considérant, car c'est au seul Conseil européen de Barcelone qu'a été formulée la demande d'une proposition d'une directive-cadre.
D’autre part, il convient d'être précis en notant que les États, selon les conclusions de la présidence du Conseil européen de Barcelone, ont « demandé à la Commission » de proposer une directive-cadre, mais ne se sont pas « engagés à adopter » une telle directive, même si, je vous l’accorde, la différence peut sembler ténue.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 5, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Remplacer le vingt-et-unième, le vingt-deuxième et le vingt-troisième alinéas de la proposition de résolution par un alinéa ainsi rédigé :
Considérant qu'une garantie accrue des services d'intérêt général contribuerait à renforcer la solidarité et la cohésion sociale dont les citoyens européens ont aujourd'hui besoin, notamment pour répondre aux conséquences des crises économique et sociale qui frappent aujourd'hui de plein fouet les citoyens européens,
La parole est à M. le rapporteur.
Le présent amendement tend à retirer les mentions faites de la présidence française de l'Union européenne et de la supposée « insuffisance des mesures proposées par les États membres au nom de l'Union européenne ». Ces mots paraissent en effet injustes et ne correspondent pas exactement à l'objet de la présente proposition de résolution.
Il faut en effet rappeler les nombreuses actions menées par la présidence française en faveur d’une sécurisation des services sociaux d’intérêt général et noter que la présente proposition de résolution porte sur un document émanant de la Commission européenne.
Il paraît donc préférable, dans le cadre du texte que nous examinons aujourd’hui, de s’en tenir à des observations et des demandes relatives à la politique menée par cette institution.
J’ai toutefois estimé que la nécessité d’une réponse « aux conséquences des crises économique et sociale » méritait d’être conservée et je vous propose donc de déplacer cette formulation dans le considérant suivant, qui appelle à une garantie accrue des services d’intérêt général.
J’évoquerai successivement les deux objets principaux de cet amendement.
Le premier est de supprimer la référence au bilan de la présidence française. Pourquoi tenons-nous à souligner le manque de volonté de cette présidence en faveur de l’élaboration d’un texte-cadre législatif sur les services publics ?
D’abord, parce que la présidence française s’est targuée de faire de l’année 2008 celle de l’Europe sociale. Il nous semblait donc tout naturel que les six mois passés à la tête de l’Union soient l’occasion de progresser dans le sens du renforcement du modèle social européen.
À ce titre, une initiative législative en faveur des services publics, ou même, tout simplement, de l’adoption d’un calendrier pour l’élaboration d’un texte, aurait été tout à fait opportune pour illustrer cette ambition.
Certes, la crise a bousculé le programme de la présidence française, mais ce projet, voire la simple perspective de l’engager, auraient pu tout à fait entrer dans le cadre d’un plan de relance européen, comme instrument indispensable au maintien de la cohésion économique et sociale des territoires touchés par la crise.
Ensuite, le Président de la République a demandé, me semble-t-il, de faire du bilan de la présidence française la ligne centrale de la campagne de l’UMP pour les élections européennes.
Or – excusez-moi de le dire –, dans le programme de cette formation politique, pas une seule ligne n’est consacrée à une meilleure protection des services publics, alors qu’elle revendique une « Europe qui protège », selon le slogan de la présidence française de l’Union, ou encore une « Europe rempart ».
Le respect du principe de subsidiarité semble suffire à certains, alors qu’il a été malmené et distendu par toutes les dispositions libérales qui ont été prises, de même que par l’absence de toute législation-cadre précisant le rôle et l’importance des services publics.
Contrairement à ce qui est affirmé dans le rapport de la commission sur notre proposition de résolution, la présidence en exercice de l’Union européenne dispose d’une grande latitude pour faire adopter ou progresser un texte législatif en en prenant l’initiative et en l’inscrivant dans son programme. Il revient ensuite à la Commission de le faire adopter.
Il en a bien été ainsi, à ma connaissance, s’agissant des premières réponses données à la crise ; la Commission a dû préparer les textes correspondants.
Cela aurait donc pu être le cas pour un texte législatif relatif aux services d’intérêt général. La défense des services publics aurait pourtant mérité un engagement très fort !
Une « Europe qui protège », c’est aussi une Europe qui protège ses services publics. Le rapport nous donne à penser qu’aucune leçon n’a été tirée en ce qui concerne le rôle des services publics dans la gestion de la crise, et, par conséquent, la nécessité de leur accorder toutes les garanties pour l’exercice de leurs missions.
Le groupe socialiste ne voit donc pas pourquoi il approuverait ce premier objet de l’amendement n° 5, présenté au nom de la commission des affaires économiques.
J’en viens au second objet de cet amendement, qui est de supprimer la référence à l’insuffisance de la réponse apportée par les États membres à la crise.
Le début du rapport nous offre une analyse sur l’importance de la sécurisation des services publics pour aider les citoyens à affronter la crise.
Il aura donc fallu que notre proposition de résolution soit examinée par la commission des affaires économiques pour que la majorité sénatoriale découvre l’importance des services publics en période de profonde crise économique et sociale !
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
Mieux vaut tard que jamais ! Toutefois, je le répète, le programme de l’UMP pour les élections européennes ne comporte pas une seule ligne sur ce sujet.
Oui, nous maintenons que les plans de relance européens sont insuffisants, parce qu’ils ne prévoient aucune action pour protéger et valoriser les services publics, alors même que des bassins d’emplois entiers sont touchés et déstabilisés par des licenciements massifs et des fermetures d’entreprises.
Nous considérons que, face à l’ampleur de la crise, les États membres doivent s’entendre pour une action commune visant à valoriser les services publics, en particulier ceux qui contribuent à renforcer la cohésion sociale.
Faut-il rappeler que ce sont les entreprises publiques, chargées de missions de service public, qui, en France, ont été largement mises à contribution pour financer le plan de relance ?
Il suffit de relire le rapport n° 162 de notre collègue Philippe Marini sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009. Le Gouvernement n’a pas hésité à leur demander d’investir 4 milliards d’euros : 2, 5 milliards pour EDF, 500 millions pour la RATP, 300 millions pour la SNCF et 600 millions pour La Poste.
Heureusement – aurais-je tendance à dire – que nous avons des entreprises publiques qui n’ont pas encore été privatisées !
Pourtant peu avare en déclarations, le Président de la République est resté muet, au cours de la présidence française de l’Union européenne comme maintenant, sur l’importance des grandes entreprises publiques et des services publics dans la gestion de la crise économique et sociale.
Il nous paraît aujourd’hui indispensable que le futur Parlement européen et la nouvelle Commission européenne s’engagent à élaborer à court terme une proposition de législation-cadre visant à mieux protéger les services publics qui, comme le reconnaît le rapporteur de la commission des affaires économiques, deviennent aujourd’hui garants du maintien d’une certaine cohésion économique, sociale et territoriale dans une Europe dont les régions sont profondément touchées par la crise.
Monsieur le rapporteur, …
… dans votre rapport, nous ne percevons aucune proposition de nature à garantir la préservation des services publics que vous défendez pourtant sur le papier. En conséquence, nous voterons contre l’amendement n° 5 que vous nous proposez d’adopter.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 6, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Au vingt-cinquième alinéa de la proposition de résolution, remplacer les mots :
Regrette l'absence de proposition de directive cadre
par les mots :
Regrette l'insuffisance des propositions faites
La parole est à M. le rapporteur.
Je vous propose de modifier le présent alinéa, en considérant que la directive-cadre n’est pas le seul outil juridique à la disposition de la Commission et des institutions européennes.
Il s’agit donc de regretter, dans leur ensemble, l’insuffisance des propositions faites par la Commission, aussi bien dans sa stratégie politique pour 2009 que dans son agenda social 2010-2015.
Avis favorable, monsieur le président.
Je ne vais pas vous étonner en vous disant que notre groupe n’approuve pas cet amendement n° 6 de la commission.
La raison est simple : cette rédaction gomme l’absence de texte législatif juridiquement contraignant et de toute initiative de la Commission pour rééquilibrer le corpus juridique communautaire en faveur des services publics.
La Commission a décidé, à la fin de 2007, qu’il n’était pas utile de légiférer plus avant. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir été incitée à le faire, et ce à de multiples reprises.
La nécessité d’une législation-cadre a été reconnue par les États membres réunis en Conseil européen, au moins à deux reprises.
D’abord au Conseil européen de Nice, au mois de décembre 2000. Les États membres ont pris « note de la communication de la Commission sur les services d’intérêt général, et approuve la déclaration adoptée par le Conseil. Il invite le Conseil et la Commission à poursuivre leurs travaux dans le cadre de ces orientations et des dispositions de l’article 16 du traité. Le Conseil européen prend note de l’intention de la Commission de considérer, en coopération étroite avec les États membres, les moyens d’assurer une plus grande prévisibilité et une sécurité juridique accrue dans l’application du droit de concurrence relatif aux services d’intérêt général. Le Conseil et la Commission lui feront rapport sur la mise en œuvre de ces orientations pour le Conseil européen de décembre 2001 ».
À la demande de la France, le Conseil européen des 15 et 16 mars 2002 a reconnu explicitement la nécessité d’une directive-cadre précisant « les principes relatifs aux services d’intérêt économique général qui sous-tendent l’article 16 du traité dans le respect des spécificités des différents secteurs concernés et compte tenu des dispositions de l’article 86 du traité ». La base juridique pour l’adoption d’un tel texte était ainsi créée.
Même la démonstration apportée en mai 2006 par les socialistes européens qu’il était possible d’élaborer un projet cohérent de directive-cadre pour les services publics n’a pas plus incité la Commission européenne à relever le défi et à prendre l’initiative.
La perspective du traité de Lisbonne ne semble pas non plus avoir ébranlé la foi néolibérale de la Commission, relayée par des commissaires européens dont la ligne de conduite est le « laisser-faire ».
On ne peut donc pas dire que les propositions sont insuffisantes ; il n’y en a tout simplement aucune ! Par conséquent, le groupe socialiste votera contre l’amendement présenté par la commission des affaires économiques.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 7, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer le vingt-huitième alinéa de la proposition de résolution.
La parole est à M. le rapporteur.
Il s'agit, pour les raisons déjà évoquées précédemment, de retirer une mise en cause de la présidence française de l'Union européenne, PFUE, qui ne me paraît ni adaptée à l'objet de la présente proposition de résolution, ni justifiée sur le fond, compte tenu des actions menées par ladite présidence française.
Avis favorable, monsieur le président.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cet amendement vise à supprimer la référence au bilan de la présidence française de l’Union européenne. Il ne s’agit pas de dénigrer globalement le bilan de cette présidence française au deuxième semestre 2008. Mais il est clair pour nous que, sur la question des services d’intérêt général, nous en sommes finalement encore au statu quo ante. Nous restons donc sur notre faim !
D’ailleurs, dans son rapport au nom de la commission des affaires économiques, M. Hérisson nous a rappelé combien le gouvernement français avait « mis l’accent sur les services sociaux d’intérêt général », pour positiver cette présidence.
Monsieur le rapporteur, les services sociaux d’intérêt général, ou SSIG, ne constituant qu’une partie des services d’intérêt général, vous reconnaissez donc implicitement que le Gouvernement ne s’est pas préoccupé des services d’intérêt général en tant que tels, mais qu’il a choisi délibérément de limiter son « champ d’action » aux seuls services sociaux d’intérêt général. C’est une façon de se libérer du problème général des services publics en Europe et de se donner bonne consciente à bas prix !
Selon nous, la présidence française se devait de mettre les services d’intérêt général, tous les services d’intérêt général, à l’ordre du jour de son programme, comme cela avait été annoncé. Les socialistes ne sauraient faire le service minimum sur cette question !
Même sur la question des services sociaux, il y a de quoi s’interroger sérieusement non seulement sur une forme d’opportunisme du Gouvernement, mais aussi sur l’efficacité de son action.
Opportunisme car, on le sait, le gouvernement français devait transposer la directive « services » d’ici au mois de décembre. Il n’y a donc rien de bien original dans le fait qu’il mette en place un groupe de travail sur cette question, ô combien épineuse ! Il se devait également, comme chaque État membre, de remettre un rapport à la Commission européenne, en décembre 2008, sur les règles de financement de ces services.
Il est donc particulièrement inexact de présenter ce rapport comme une initiative du gouvernement français durant sa présidence. Il s’agit en fait d’une demande de la Commission européenne à laquelle il a été répondu !
Ensuite, sur le fond, rien n’a vraiment avancé dans ce domaine sensible. Pensez-vous que l’organisation de forums soit à même de répondre aux interrogations et aux inquiétudes des milliers de prestataires de services sociaux qui voient aujourd’hui leur financement, comme leur mission, mis en péril par des règles communautaires incompréhensibles, sinon injustes ?
Dans la même logique politique, la Commission européenne se contente de promouvoir le site Internet interactif sur les services sociaux qu’elle a créé. Il apparaît extrêmement choquant, dans la période de crise actuelle et compte tenu des publics visés, de s’en remettre à de tels gadgets en lieu et place d’un véritable outil législatif !
Il n’est plus temps de réfléchir sur les services sociaux. Il faut agir et le faire rapidement. Tant que ces questions ne seront pas dans le programme de travail de la Commission européenne ou, à défaut, inscrites à l’ordre du jour d’un Conseil européen pour insuffler une dynamique politique sur le sujet, l’insécurité juridique restera entière ; cela a été dit à plusieurs reprises. Les différents groupes de travail, forums, sites Internet – que sais-je encore ? – n’y changeront rien.
En définitive, le Gouvernement a beau jeu de se vanter du bilan de sa présidence. Il ne suffit pas d’écrire quelques lignes ou d’organiser des conférences pour faire avancer le dossier. En fait, l’importance de la question ne peut se résumer à ces gadgets qui ne vont pas à l’essentiel, à savoir – Catherine Tasca l’a dit – la mise en place d’un véritable statut juridique pour préserver nos services publics.
Pour toutes ces raisons, vous l’avez compris, nous voterons contre cet amendement.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 8, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Au trentième alinéa de la proposition de résolution, remplacer les mots :
de l'examen d'une directive-cadre sur les services d'intérêt général
par les mots :
d'une proposition d'instrument juridique communautaire relatif aux services d'intérêt général
La parole est à M. le rapporteur.
Je vous suggère de reprendre une formulation déjà présente dans une résolution adoptée par le Sénat le 23 mars 2005 et de demander à la Commission de proposer un « instrument juridique communautaire », sans se limiter au seul outil de la directive-cadre.
Je vous fais d’ailleurs observer que le Sénat, en votant cet amendement, irait plus loin que la résolution adoptée en 2005. Celle-ci ne prévoyait, en effet, que le cas des services d’intérêt économique général. Or la proposition que je vous fais, avec l’accord de la commission des affaires économiques, inclurait l’ensemble des services d’intérêt général, qu’ils soient ou non considérés comme marchands. Or, on le sait, la question de l’appartenance d’un service à la sphère marchande ou non marchande est cruciale, puisqu’elle détermine l’application ou non des règles relatives à la concurrence.
J’ai entendu des interrogations sur ce que recouvre cet « instrument juridique communautaire ». Il s’agit tout simplement d’ouvrir l’éventail des possibilités.
Ce pourrait être le règlement que le traité de Lisbonne introduit à l’article 14 du traité sur le fonctionnement de l’Union, à condition de prendre garde à ce qu’un tel règlement se limite à des dispositions qui respectent les prérogatives des États dans la définition et l’exercice des services publics, conformément au principe de subsidiarité.
Ce pourrait aussi être un texte portant, par exemple, sur les services sociaux d’intérêt général ou sur certains d’entre eux. Un tel texte apporterait déjà un progrès important en sécurisant des services qui sont aujourd’hui parmi les plus menacés.
Voilà les raisons pour lesquelles il me semble préférable d’élargir le domaine prévu par la proposition de résolution, afin de renforcer ses chances d’être effectivement suivie à l’échelon communautaire et donc, par là même, d’améliorer son efficacité.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Il s’agit d’un point essentiel duquel dépend la crédibilité de la résolution.
L’objectif de cette dernière n’est pas simplement d’être purement déclaratoire ; il est d’avoir un effet opérationnel dans la législation européenne. En élargissant le cadre, comme le propose M. le rapporteur, on a plus de chances d’arriver à des résultats concrets à l’échelle européenne.
Comme vient de le dire M. le secrétaire d’État, nous touchons là au point crucial de la proposition de résolution.
Nous allons décevoir M. le rapporteur, mais pas autant qu’il nous a déçus lui-même !
Pourquoi l’expression d’instrument juridique communautaire ne nous paraît-elle pas aujourd’hui suffisante ?
Lors de l’examen, par le Sénat, en mars 2005, de la première version, dite Bolkestein, de la directive sur les services, la commission des affaires économiques avait accepté de demander à la Commission européenne de « formuler une proposition d’instrument juridique communautaire relative aux services d’intérêt économique général », ce qui ne répondait d’ailleurs pas complètement à nos souhaits, puisque nous demandions alors déjà une proposition englobant tous les services publics.
Depuis lors, avec les incertitudes juridiques engendrées par la superposition des directives sectorielles et la multiplication de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, avec le refus de la Commission européenne d’aller plus loin dans la sécurisation des services publics, il nous paraît indispensable d’affirmer que nous demandons une législation-cadre pour les services d’intérêt général dans leur ensemble.
Selon nous, il est important de lever toute ambiguïté sur la notion d’instrument juridique, afin qu’il soit bien clair que nous souhaitons une proposition législative qui soit soumise, comme cela est prévu par le traité de Lisbonne, à la procédure de codécision, et non un objet juridique non identifié que la Commission consentirait en fin de compte à présenter et qui prendrait, par exemple, la forme d’une charte.
La formulation vague que vous proposez, bien qu’elle définisse un champ plus large que celui qui avait été retenu en 2005, ne répond pas à l’ambition qui est la nôtre d’aboutir à une proposition législative générale pour tous les services d’intérêt général.
Nous voterons donc contre cet amendement.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 9, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le dernier alinéa de la proposition de résolution :
Demande que, dans la perspective du renouvellement de la Commission européenne au 1er novembre 2009, soit confiée à un Commissaire européen la charge de garantir la prise en compte dans toutes les politiques communautaires des services publics, de leur niveau de qualité et de leur bon fonctionnement.
La parole est à M. le rapporteur.
Tout en partageant l'objectif de la proposition de résolution de confier explicitement à un commissaire européen la charge de défendre les services publics, j’estime toutefois souhaitable d'assouplir la rédaction proposée pour cet alinéa, en prévoyant que la compétence en question pourrait être rattachée à un poste de commissaire déjà existant et non pas nécessairement confiée à un nouveau commissaire qui n'aurait que cette attribution. Disposant de prérogatives plus larges, celui-ci bénéficierait d’un poids plus important au sein de la Commission.
Au surplus, l’application des règles du traité de Nice risque de conduire à une diminution du nombre de commissaires européens, rendant problématique la création d’un poste de commissaire pour cette seule et unique compétence.
Je l’ai dit tout à l’heure, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Selon M. le rapporteur, il n’est pas nécessaire de prévoir un poste spécifique de commissaire européen pour les services publics, la responsabilité de veiller à la prise en compte des services publics dans toutes les politiques communautaires pouvant revenir à un commissaire existant.
À notre sens, une telle proposition n’est pas acceptable. Cela revient à dire que les services publics passeraient définitivement sous la coupe de la direction générale du marché intérieur ou, pire encore, de la direction de la concurrence. Or notre objectif, avec cette proposition de résolution, est justement de faire apparaître la spécificité des services publics.
M. le rapporteur souligne que le respect de leur prise en compte dans les politiques communautaires est une fonction dévolue au secrétariat général du Conseil. Je vous le dis sans animosité, monsieur Hérisson : soyons sérieux ! En effet, le secrétaire général du Conseil paraît de peu de poids aujourd’hui face au volontarisme ultralibéral de M. Mac Creevy ou de Mme Kroes. Car ce sont bien eux qui ont fait, ces dernières années, la pluie et le beau temps en matière d’interprétation du rôle et des missions des services publics. Ils sont progressivement parvenus à instaurer la primauté du droit de la concurrence sur les services publics, lesquels devraient pourtant se voir reconnaître des droits exclusifs. Rappelez-vous, mes chers collègues, ma citation des trois arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes.
Pour notre part, nous pensons qu’en raison de la complexité des missions et des champs d’action des services publics – santé, transports, énergie, poste, services sociaux –, de leur place dans le renforcement d’une Europe sociale ainsi que de leur rôle dans la cohésion économique et sociale, un commissaire à part entière ne serait pas de trop pour que les citoyens européens puissent bénéficier d’une véritable politique volontariste en faveur de la préservation et du développement des services d’intérêt général.
Il nous semble que l’existence de ce commissaire est parfaitement justifiée, puisqu’il serait le garant de la cohésion sociale et économique, affichées au rang des priorités premières de l’Union européenne.
Nous considérons donc que la modification proposée par la commission des affaires économiques constitue une déformation de notre intention, et même une régression par rapport à la situation actuelle.
Aussi, nous demandons le rétablissement de notre proposition initiale. À défaut, nous voterons contre cet amendement.
L'amendement est adopté.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de résolution européenne, je donne la parole à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
La proposition de résolution européenne que j’ai portée au nom du groupe socialiste du Sénat est la première à être débattue dans le cadre de la semaine d’initiative sénatoriale, avec toutes les conséquences procédurales que cela implique.
La réforme constitutionnelle et ses déclinaisons s’avèrent difficiles à évaluer dans leurs effets. À l’évidence, l’articulation entre la portée du droit d’amendement en commission et l’instauration d’une semaine d’initiative sénatoriale n’est pas aisée. Mais la conférence des présidents s’est efforcée, hier, d’apporter une solution pragmatique à cette situation.
Reste que notre assemblée a pu débattre aujourd’hui, par le biais d’une proposition de résolution européenne du groupe socialiste, des services d’intérêt général en Europe et des instruments législatifs permettant de leur apporter la protection juridique qui leur fait actuellement défaut.
Je me réjouis que ce débat sur les services d’intérêt général ait pu avoir lieu. Je me réjouis également qu’il ait eu lieu sur l’initiative des sénateurs socialistes. De fait, cela témoigne de notre engagement à bâtir un modèle social européen, dont les services d’intérêt général constituent l’un des piliers. Pourtant, leur reconnaissance juridique minimale les expose aux règles de la concurrence et du marché intérieur, bien que leur rôle stabilisateur ait été reconnu, y compris par les pays les plus marqués par l’idéologie libérale.
Les travaux de la commission des affaires économiques en ont apporté la preuve, une telle analyse fait consensus au Sénat. Il faut désormais passer à sa mise en œuvre : c’est tout l’objet de notre proposition de résolution, qui demande l’élaboration d’une législation-cadre pour les services d’intérêt général et son inscription dans la stratégie politique de la Commission.
Ce pas supplémentaire, la droite le refuse, défendant de ce fait un statu quo en matière de services d’intérêt général qui n’est plus défendable, notamment en période de crise. Les amendements que vous avez déposés, qui ont été adoptés et qui sont loin d’être anodins ou purement rédactionnels ont modifié en profondeur l’esprit même de notre proposition de résolution.
J’aborde ce vote avec le sentiment d’un rendez-vous manqué. En vous faisant les partisans du statu quo, vous vous rangez aux côtés de la Commission européenne et de son président, qui n’ont cessé de s’opposer à toute élévation du niveau de protection des services publics. Vous soutenez une Commission qui use de son droit d’initiative comme d’une force de blocage à l’édification d’une Europe qui protège.
Les socialistes ont illustré tout au long de ce débat leur volonté, que vous dites partager, de garantir de façon efficace les services publics en Europe. En réalité, vous vous payez de mots, car si vous prétendez nous rejoindre sur la nécessaire protection des services publics, vous refusez de franchir ce pas supplémentaire qui permettrait de donner corps à cette analyse.
Ainsi, sur deux points cruciaux, vous refusez le passage à l’acte.
Premièrement, vous vous opposez à une législation-cadre, pourtant seule à même de constituer un rempart efficace contre la remise en cause dont les services publics sont victimes. Deuxièmement, vous écartez la perspective de la création d’un poste de commissaire chargé des services d’intérêt général. Or, vous le savez fort bien, confier cette politique à un commissaire chargé du marché ou de la concurrence, c’est condamner d’avance les services d’intérêt général à l’effacement.
J’ai bien entendu, monsieur le secrétaire d’État, votre appel au pragmatisme et à la prudence. Mais depuis des années, ce « pragmatisme » nous conduit au recul des services d’intérêt général.
Nous avons souhaité défendre, dans ce débat, une position exigeante. C’est au nom de cette exigence que nous voterons contre la proposition de résolution telle qu’amendée par la commission.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la conception des services d’intérêt général au niveau communautaire ne permet pas de définir aujourd’hui une ambition de service public à la hauteur des besoins des citoyens européens.
À ce titre, la directive « services » conduit à amplifier le travail de démantèlement des services publics par un véritable éclatement de la notion de service d’intérêt général. Ceux-ci sont seulement considérés comme des facteurs de compétitivité économique. Ainsi, dans son rapport, voté par le Parlement européen en septembre 2006, M. Bernard Rapkay estime que les services d’intérêt général contribuent avant tout à la compétitivité des États membres.
Le droit souverain des États membres à définir l’intérêt général et à organiser leurs services publics se trouve par conséquent limité par les traités au nom de la libre concurrence et de la liberté d’établissement.
Les techniques de passation de marchés publics sont modifiées, les aides d’État prohibées, la puissance publique ne peut être opératrice d’une mission de service public que si elle est mise en concurrence par d’autres opérateurs, dans les conditions strictes fixées par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes.
Le choix de substituer à la notion française de service public la notion communautaire de service d’intérêt général a permis aux gouvernements successifs d’exclure progressivement tout principe de maîtrise publique de secteurs clés de l’économie.
Dans ce contexte, les citoyens, usagers des services publics, sont cantonnés à un rôle de client-consommateur, ce qui limite toute expression démocratique de choix concernant des services nécessaires à l’organisation de la société entière.
Les législations des États membres sont, de fait, mises sous tutelle. En matière de services publics, ils devront justifier toute initiative législative ou réglementaire, ainsi que tous les aspects des régimes d’autorisation. C’est ce qu’on appelle le « mandatement ». Certes, on nous dit qu’en cas de conflit entre les règles de la concurrence et les missions d’intérêt général, ce sont ces dernières qui priment. Les textes en vigueur reconnaissent également que les États ont le droit de définir l’intérêt général. Mais c’est la Commission et, en dernier ressort, la Cour de justice des Communautés européennes qui décident des limites d’une telle « dérogation ».
Pourtant, les auteurs de la proposition de résolution, tout comme M. le rapporteur, affirment que le traité de Lisbonne, qui prévoit un protocole additionnel pour les services sociaux d’intérêt général, permettra une reconnaissance des services d’intérêt général. Nous sommes en profond désaccord avec une telle affirmation ! En effet, une récente recommandation de la Commission rappelle que, en tout état de cause, ce sont les règles de la concurrence qui prévaudront pour nos services publics.
Des débats récents sur le sujet ont bien mis en évidence que la protection sociale elle-même est en jeu, puisque nous passons d’une conception assurantielle à une conception assistantielle, comme nous venons de vous le démontrer, mes chers collègues, en présentant notre amendement sur ce texte.
Selon nous, l’Europe doit au contraire nourrir de grandes ambitions en matière de services publics. Car le champ à couvrir est tout simplement celui des droits fondamentaux du XXIe siècle : l’éducation, la santé, le logement et l’habitat, l’information, la culture, les transports, les télécommunications, les services postaux, l’énergie, l’eau, les traitements des déchets, ainsi que des besoins devenus incontournables tels que l’accès au crédit. Ces secteurs doivent donc obéir à des règles d’efficacité sociale, sans être soumis aux pressions de la concurrence ni aux diktats des marchés financiers.
Certes, les expériences varient d’un pays à l’autre en matière de gestion des services publics, de structure de propriété et de mode de financement. Les choix relèvent de la souveraineté de chaque État.
Pour autant, dans l’urgence de la situation de très grande crise économique et sociale que nous connaissons, une directive-cadre contraignante fixant les principes et les champs d’intervention de l’ensemble des services publics est absolument indispensable.
Ce texte devrait au moins garantir une sécurité juridique au secteur social et au secteur public. La majorité de notre assemblée y renonce : c’est un abandon consternant.
Au demeurant, cette directive-cadre ne serait pas suffisante, car les institutions européennes doivent tout d’abord reconnaître et respecter les services publics et les services sociaux d’intérêt général de chaque État membre de l’Union européenne.
Ces services doivent être soustraits à la concurrence et considérablement développés. L’Europe doit favoriser la coopération bilatérale ou multilatérale entre services publics et sociaux nationaux ou locaux, sur tout l’espace européen. Elle doit également contribuer à la création de véritables services publics européens, d’abord dans des domaines où ils s’avèrent nécessaires, je pense notamment au fret ferroviaire et à l’énergie.
La constitution progressive d’un pôle de services publics européens pourrait leur permettre de devenir les agents principaux d’une coopération internationale axée sur l’aide au développement économique et social.
C’est le contraire de ce que permettent les traités actuels et, évidemment, celui de Lisbonne.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette proposition de résolution modifiée, qui ne vise en aucune façon à sortir les services d’intérêt général d’une logique ultralibérale dont la crise nous montre chaque jour combien elle a failli.
Chers collègues de la majorité, votre position est logique : elle confirme le soutien total que vous apportez à la politique de recul continu du développement des services publics en France.
Quant à la position de notre groupe, je crois que vous l’aurez aisément comprise, mes chers collègues.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix, modifiée, la proposition de résolution européenne.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires économiques.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 141 :
Le Sénat a adopté.
En application de l’article 73 bis, alinéa 11, du règlement, la résolution que le Sénat vient d’adopter sera transmise au Gouvernement et à l’Assemblée nationale.
L’ordre du jour appelle le débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat.
Je vous rappelle que le débat sera organisé autour des quatre thèmes suivants :
- Évolution du système d’information Schengen ;
- Association des parlements nationaux au contrôle d’Europol ;
- Mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement ;
- Application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers.
Chacun de ces sujets donnera lieu à un débat.
J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, dans le cadre de chacun de ces débats, interviendront :
- le représentant de la commission compétente ou de la commission des affaires européennes, pour cinq minutes ;
- le Gouvernement, pour cinq minutes.
Une discussion interactive de vingt minutes s’ouvrira ensuite sous la forme de questions-réponses de deux minutes maximum par intervention.
Dans le cadre du débat sur l’évolution du système d’information Schengen, la parole est à M. Robert del Picchia, au nom de la commission des affaires européennes.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en 2001, le Conseil de l’Union européenne a confié à la Commission européenne le soin de développer un système d’information Schengen de deuxième génération, le SIS II, doté de nouvelles fonctionnalités comme les photographies et les empreintes. Ce système devait aussi permettre la connexion des nouveaux États membres.
Dans une résolution du 8 février 2006, le Sénat avait demandé au Gouvernement de s’opposer à une gestion du SIS II par la Commission.
Je veux d’abord rappeler que le système d’information Schengen joue un rôle essentiel : opérationnel depuis 1995, cet outil de contrôle constitue la contrepartie de la libre circulation des personnes au sein de l’espace Schengen. Il est composé d’une partie nationale dans chaque État membre ainsi que d’une structure de support centrale, installée à Strasbourg et dont la gestion technique est assurée par la France.
Force est de constater que l’évolution vers le SIS II a subi de nombreux retards. Il a été décidé, sous présidence portugaise, d’étendre le système aux nouveaux États membres ayant adhéré en 2004. Baptisé du nom de SISone4all, ce dispositif fonctionne depuis le 1er septembre 2007 et a permis aux nouveaux États membres d’intégrer l’espace Schengen.
La présidence française a fait adopter par le Conseil, en octobre 2008, les textes nécessaires pour proroger le mandat de la Commission européenne tout en clarifiant ses relations avec les États membres.
La situation actuelle, mes chers collègues, demeure préoccupante. La clarification juridique n’est pas allée de pair avec la clarification technique, et des blocages empêchent le système central de fonctionner de manière satisfaisante.
Les efforts se poursuivent pour remettre en état le système central du SIS II. Je souligne qu’il faudra aussi vérifier la fiabilité des liens entre le système central et les systèmes nationaux. Parallèlement, l’examen du scénario alternatif doit être approfondi.
Un rapport doit être présenté en mai par la présidence et la Commission européenne, en liaison avec la « task force » qui associe les États membres. Ce rapport devra contenir une évaluation et une comparaison détaillée des deux scénarii – le perfectionnement du système existant ou la solution alternative.
Devant ces difficultés, et dans la perspective des décisions que le Conseil serait appelé à prendre en juin, nous voulons réaffirmer aujourd’hui l’exigence que le Sénat avait clairement posée dans sa résolution de 2006 : le nouveau système devra être au moins aussi performant que le système existant.
Cela me conduit, pour conclure, à vous poser plusieurs questions, monsieur le secrétaire d’État.
En premier lieu, pouvez-vous éclairer le Sénat sur les travaux techniques en cours et les résultats obtenus ?
En second lieu, pouvez-vous nous donner des précisions sur le coût de ce projet ?
En troisième lieu, quelle évaluation peut-on faire des deux scénarii envisagés : poursuite du SIS II ou scénario alternatif ?
En quatrième lieu, peut-on escompter que le Conseil parvienne en juin à des conclusions fermes permettant de tracer une feuille de route précise et réaliste ?
Enfin, au-delà de ces préoccupations immédiates, quelles modalités de gestion du système d’information pourront être envisagées pour rendre celui-ci plus opérationnel ?
Je vous prie tout d’abord, mesdames, messieurs les sénateurs, de bien vouloir m’excuser pour la brièveté de ce débat, laquelle s’explique par la réunion exceptionnelle qui se déroulera à 19 heures 45 autour du Premier ministre au sujet de la grippe porcine, un domaine dans lequel la coordination européenne est évidemment essentielle.
Je vous remercie, monsieur del Picchia, d’avoir posé ces questions : elles portent sur des sujets majeurs pour lesquels le contrôle des parlements nationaux me semble absolument décisif.
Nous avons engagé des fonds importants pour rénover le système d’information Schengen et passer à la deuxième phase de ce système, le SIS II. Le coût total, de l’ordre de 27 millions d’euros, se justifie par la nécessité d’inclure davantage de données, notamment biométriques, dans le nouveau système d’information Schengen, afin que la liberté de circulation à l’intérieur de l’espace du même nom soit sécurisée par un contrôle le plus efficace possible.
On se heurte, je ne vous le cache pas, à des difficultés techniques sérieuses. Je ne peux donc pas vous garantir ce soir que nous serons en mesure de mettre en œuvre ce système SIS II dans des délais raisonnables.
Face à ce constat, le Gouvernement a fixé des exigences qui, je crois, rejoignent celles du Sénat.
Première exigence : faire en sorte que, quelle que soit l’issue du système, les 27 millions d’euros qui ont déjà été dépensés pour sa rénovation ne l’aient pas été en vain, que l’on opte pour un système SIS I réformé et plus performant ou pour le système SIS II. Les investissements ne doivent pas être perdus et les rénovations technologiques qui ont été réalisées doivent être conservées dans le nouveau système.
Deuxième exigence absolue, et je regrette que le maire de Strasbourg ait quitté l’hémicycle, mais je sais que le président Hubert Haenel y est également attaché, et que nous défendons tous cette cause : le maintien du système d’information Schengen à Strasbourg. Cela fait partie des différents aspects de la vocation européenne de Strasbourg qu’il nous faut défendre dans tous ses aspects et sous toutes ses formes.
Enfin, troisième exigence : s’il est souhaitable d’accroître la liberté de circulation au sein de l’espace Schengen, cela doit aller de pair avec le déploiement de systèmes technologiques qui, tout en étant respectueux des libertés publiques, soient aussi extrêmement performants. On l’a vu encore récemment avec l’affaire Élise et le mandat d’arrêt européen : la liberté de circulation ne saurait se concevoir si la sécurité de nos concitoyens n’est pas concomitamment assurée.
Nous allons maintenant procéder à la discussion interactive et spontanée.
L’intervention de chaque sénateur ne devra pas excéder deux minutes.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Je profite de ce débat sur l’évolution du système d’information Schengen pour évoquer l’inquiétude que celle-ci m’inspire en matière de protection des données personnelles.
La commission des affaires européennes du Sénat a été saisie de plusieurs textes ayant de sensibles implications dans ce champ de la protection des données personnelles. Des considérations similaires peuvent être émises en ce qui concerne le basculement vers le SIS II.
Nous le savons, le problème n’est pas uniquement technique. Il ne s’agit pas seulement d’améliorer le système pour qu’il fonctionne avec davantage d’États. Il s’agit aussi de modifier l’économie même du système en y intégrant de nouvelles données, je pense aux données biométriques.
Le rapporteur du Parlement européen sur le SIS II, Carlos Coelho, a parfaitement résumé les attentes qui découlent de cette incorporation des nouvelles données, à savoir un besoin de transparence. Les citoyens européens, notamment les citoyens français, doivent savoir quelle sera l’incidence d’une nouvelle architecture du SIS sur la protection des droits fondamentaux.
De manière générale, les textes se multiplient tellement que l’on a du mal à y voir clair et à apprécier l’état de la protection des données personnelles en Europe. Seules quelques études fragmentaires nous donnent un aperçu de cette question pourtant fondamentale.
Ce sujet mériterait qu’on lui consacre plus que deux minutes. J’aurais préféré une question orale avec débat, qui nous aurait permis de dresser la liste des différents systèmes en présence et de les évaluer, non seulement le système Schengen, mais également le PNR – passenger, name, record – ou la refonte de la directive sur la protection des données.
Je souhaite donc savoir si les services du secrétariat d’État chargé des affaires européennes mènent une réflexion sur l’état de la protection et la conservation des données en Europe lorsque celles-ci incluent des données biométriques.
Merci d’avoir respecté le temps de parole qui vous était imparti, madame Boumediene-Thiery.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Madame le sénateur, vous soulevez là une vraie question. À ce stade, aucune réflexion n’a été engagée. Toutes les décisions qui sont prises le sont dans le respect des règles de droit public et de protection de la sécurité de nos concitoyens. Cela étant, je ne suis pas du tout défavorable à ce que le secrétariat d’État aux affaires européennes ou le service européen du Premier ministre engage une telle réflexion sur cette question de la conformité des décisions européennes en matière de liberté de circulation des personnes avec les règles d’un État de droit. Cela ne me paraît soulever aucune difficulté.
Personne ne demande plus la parole ?...
Nous en avons terminé avec ce premier thème.
Dans le débat sur l’association des parlements nationaux au contrôle d’Europol, la parole est à M. le président de la commission.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à plusieurs reprises, le Sénat a demandé un contrôle démocratique d’Europol auquel les parlements nationaux seraient associés. Dans ce but, il s’est prononcé pour la création d’une commission mixte composée de parlementaires européens et nationaux.
Le Sénat a récemment réitéré cette demande dans une résolution du 27 février 2007, restée jusqu’à présent sans réponse.
La nécessité du renforcement de la coopération policière en Europe n’est plus à démontrer. Mais ces coopérations doivent être soumises à un contrôle démocratique et les parlements nationaux doivent être associés à ce contrôle. Nous sommes en effet dans un domaine de coopération qui fait intervenir à la fois l’Union européenne et les États membres. Les parlements nationaux ont traditionnellement une mission éminente pour le contrôle des activités de police et l’évaluation des activités judiciaires. Les associer aux procédures de contrôle menées par le Parlement européen répond donc tout à la fois à une exigence démocratique et à un objectif d’efficacité.
L’idée de mettre en place un contrôle parlementaire d’Europol n’est pas nouvelle. Dès 2002, la Commission européenne avait présenté une proposition qui prévoyait la possibilité pour le Parlement européen de créer une commission mixte parlementaire composée de représentants du Parlement européen et des parlements nationaux. Cette commission mixte aurait été chargée d’examiner les questions liées à Europol et de procéder à la « comparution » de son directeur. Cependant, curieusement, au cours des négociations au sein du Conseil, cette disposition a été modifiée et les parlements nationaux ont été écartés, pour ne pas dire plus.
Le traité de Lisbonne ouvre la voie à ce contrôle démocratique d’Europol. Il prévoit en effet pour cet organe des règlements qui devront notamment fixer « les modalités de contrôle des activités d’Europol par le Parlement européen, contrôle auquel sont associés les parlements nationaux ».
La France doit prendre des initiatives pour la préparation de ces règlements. Qu’on ne nous objecte pas que le traité de Lisbonne n’a pas été ratifié ; cette procédure est en bonne voie et il faut s’y préparer. J’espère que le Gouvernement aiguillonnera la Commission de manière que celle-ci prépare d’ores et déjà ces règlements. Il s’agit là d’un enjeu essentiel du contrôle démocratique d’Europol, auquel je tiens particulièrement. Dans tous les États de l’Union européenne, les parlements nationaux ont pour principe de contrôler étroitement les activités de police.
Bref, monsieur le secrétaire d'État, nous voulons que la voix de la France se fasse entendre pour porter ce message simple qui a été exprimé par le Sénat : plus de démocratie dans le contrôle d’Europol et, partant, plus de légitimité pour cet organe essentiel au renforcement de la coopération policière en Europe.
Monsieur le président Haenel, de quoi parlons-nous ? Europol a été transformé, lors du Conseil des ministres du 6 avril dernier, en entité de l’Union. Cela signifie que cet organe est non plus un simple office de coopération policière, mais, au sens des traités européens, une véritable entité de l’Union obéissant au droit communautaire. Cette qualité ouvre la possibilité de son contrôle dans le cadre du traité de Lisbonne.
Je ferai deux observations.
Premièrement, l’efficacité d’Europol, quel que soit son statut, n’est plus à prouver. C’est désormais à l’échelle européenne que la lutte contre les réseaux de trafiquants de drogue, les réseaux de prostitution et les réseaux liés à la criminalité organisée doit être organisée pour être efficace. À cet égard, Europol remplit parfaitement sa mission.
Deuxièmement, il est en effet tout à fait possible d’anticiper l’application du traité de Lisbonne. Je suis disposé à répondre favorablement à la proposition du Sénat qui consiste à anticiper le contrôle qui peut être exercé par les parlements nationaux sur cette nouvelle entité juridique qu’est Europol, dès lors que le traité de Lisbonne sera mis en œuvre.
S’agissant de la ratification du traité, j’ai bon espoir que nous parviendrons à nos fins. Le 6 mai prochain, nous avons un rendez-vous essentiel au Sénat de la République tchèque. Les autorités de ce pays nous ont assuré que le résultat devrait être positif. Néanmoins, même dans un tel cas de figure, la ratification ne sera pleinement acquise qu’avec la signature du président tchèque. Celle-ci n’est donc pas encore totalement certaine. À tout le moins, nous sommes en bonne voie.
Ce matin, le Premier ministre, François Fillon, et moi-même avons rencontré le président polonais, Lech Kaczynski. Celui-ci nous a indiqué qu’il ne s’opposait pas sur le fond au traité de Lisbonne et qu’une signature était donc possible.
Voilà quelques semaines, nous nous sommes également entretenus avec les Irlandais, qui devraient vraisemblablement organiser un nouveau référendum.
Quant au différend qui existe entre la Croatie et la Slovénie, les choses s’améliorent. Je rappelle que le traité d’adhésion de la Croatie est le véhicule juridique qui nous permettra de transférer en droit européen les garanties qui ont été données à l’Irlande.
Tous ces éléments sont donc étroitement imbriqués. J’appréhende la ratification du traité de Lisbonne comme un 100 mètres haies : il faut veiller à ne manquer aucune haie ! La ratification par la République tchèque, la signature polonaise ou le différend entre la Croatie et la Slovénie forment un véritable parcours d’obstacles, et chacun d’entre eux requiert une mobilisation politique totale. C’est à cette condition que le traité de Lisbonne pourra être mis en œuvre avant la fin de cette année, ainsi que je l’espère.
Dans le cadre de la discussion interactive et spontanée, quelqu’un demande-t-il la parole ?...
Nous en avons terminé avec ce deuxième thème.
Dans le débat sur la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement, la parole est à Mme Muguette Dini, au nom de la commission des affaires sociales.
C’est avec un sentiment de colère et de profonde frustration, monsieur le secrétaire d'État, que je m’adresse à vous aujourd’hui, au nom de notre assemblée.
Sentiment de colère, profonde et légitime, parce que le Gouvernement ou les fonctionnaires qui le représentent à Bruxelles n’ont tenu aucun compte de la résolution européenne adoptée par le Sénat le 17 novembre dernier sur la sixième directive anti-discrimination en cours de discussion au Conseil.
Permettez-moi, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de vous faire mesurer la réalité et l’ampleur du déni dont la volonté du Sénat a fait l’objet.
Nous avons demandé aux autorités françaises qui nous représentent à Bruxelles de veiller à obtenir une modification de l’article 2 de la directive, qui, en l’état actuel de sa rédaction, remet en cause l’égalité des citoyens devant la loi, principe fondamental de notre République, vous en conviendrez.
Le 21 novembre dernier, lors de la réunion du Conseil consacrée aux questions sociales, les autorités françaises, qui présidaient alors l’Union, ont présenté plusieurs amendements sur cet article, mais elles n’ont même pas évoqué notre résolution : elles ont tout simplement ignoré la position du Sénat.
Notre résolution demandait également que les définitions européennes de la discrimination directe, de la discrimination indirecte et du harcèlement soient révisées.
Lors de la même réunion du Conseil, la France a soumis aux États membres l’examen de ces définitions, mais les arguments de la résolution ont été passés sous silence : les autorités françaises ont, là encore, complètement ignoré la position du Sénat.
Concernant la lutte contre les discriminations envers les personnes handicapées, notre résolution soulignait le risque d’insécurité juridique inacceptable contenu dans la notion d’ « aménagement raisonnable ».
Lors d’une réunion ultérieure du Conseil, le 27 novembre, la présidence française a présenté plusieurs amendements concernant ce problème, mais aucun ne prenait en compte notre résolution : les autorités françaises ont, une troisième fois, ignoré la position du Sénat.
Enfin, nous avons mis en évidence le fait que la proposition de directive peut avoir des répercussions sur le droit d’accès des couples homosexuels à la procréation médicalement assistée. Nous avons solennellement rappelé que seuls les parlements nationaux, étant donné la complexité et la sensibilité du sujet, ont la légitimité démocratique nécessaire pour se prononcer sur cette question. À aucun moment, ni au cours du débat sur l’article en cause ni lors de la discussion des conclusions sur les travaux accomplis pendant la présidence, les autorités françaises n’ont fait valoir le problème devant le Conseil : elles ont – faut-il le dire une fois de plus, puisqu’il s’agit manifestement d’une habitude ? – ignoré la position du Sénat.
Le mépris systématique de la volonté du législateur me conduit à vous poser une question simple, monsieur le secrétaire d'État.
Si les autorités françaises ne se sentent absolument pas liées par les résolutions que le Parlement leur adresse, si elles n’ont que faire de la volonté du Parlement, sans lequel elles n’ont pourtant aucune légitimité, qu’on le dise clairement ! Qu’il soit dit clairement qu’en matière communautaire le Parlement est une chambre d’enregistrement et que les résolutions européennes qu’il adopte ne servent à rien !
Je le crois profondément, c’est en agissant ainsi, c’est en ignorant totalement les volontés des populations qui s’expriment à travers leurs représentants qu’on éloigne l’Europe des peuples qui la composent, qu’on rend l’Europe impopulaire, qu’on rend l’Europe antidémocratique.
Si des sénateurs membres de tous les groupes politiques sont à l’origine de cette résolution, si celle-ci a fait l’objet d’un consensus quasi unanime, c’est bien parce qu’elle vise, face à une directive d’inspiration ouvertement communautariste, à défendre notre patrimoine commun, notre modèle républicain, selon lequel la lutte contre les discriminations passe par la reconnaissance d’une égalité de tous les hommes, indépendamment de leur origine, de leur sexe ou de leur couleur de peau, et non par la création de communautés auxquelles seraient octroyés des droits particuliers.
La présidence française était une occasion unique de promouvoir, avec ces États membres, auprès de tous nos partenaires européens, une autre manière de lutter contre les discriminations, une manière plus ouverte, plus respectueuse de notre conception républicaine de l’égalité, plus fidèle à l’héritage des Lumières. Cette occasion, les autorités françaises à Bruxelles l’ont gâchée.
Je n’imagine pas que, s’agissant d’un sujet aussi important, à savoir la lutte contre toutes les formes de discrimination, les autorités françaises ne s’engagent pas fermement pour défendre et promouvoir nos valeurs républicaines et méprisent plus longtemps la volonté de leur Parlement.
Mme Catherine Tasca applaudit.
Madame le sénateur, votre question dépasse largement le strict cadre des résolutions européennes. Permettez-moi en tout cas de formuler quelques remarques de fond.
J’ai été moi-même parlementaire, et je compte bien le redevenir un jour. Aussi, je suis particulièrement attaché au respect de la volonté du législateur. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire devant cette assemblée, j’ai de la construction européenne une vision politique et estime que celle-ci doit associer davantage les parlements nationaux aux décisions de l’Union.
Les réponses que j’ai faites aussi bien sur le système d’information Schengen que sur Europol montrent que je suis décidé à œuvrer dans ce sens, parce que c’est l’une des meilleures façons de rapprocher le citoyen du projet politique européen.
En outre, s’agissant des discriminations, vous savez que, si l’on remonte plus loin dans le passé, avant d’être parlementaire, j’ai eu l’occasion de travailler avec le président Jacques Chirac et avec le Premier ministre Dominique de Villepin et que tous trois sommes à l’origine de la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE. Aussi, je crois pouvoir dire que c’est un thème sur lequel je suis personnellement mobilisé. En la matière, et ce n’est un mystère pour personne, j’ai toujours adopté une approche républicaine fondée sur l’intérêt général et sur le refus de toute vision communautariste.
Il se trouve que le texte qu’avait proposé la Commission prévoyait cette distinction quelque peu byzantine et, en effet, hasardeuse entre les discriminations dites « directes » et les discriminations dites « indirectes ».
Nous avons essayé de contrebalancer cette approche-là en défendant une vision universaliste de la lutte contre les discriminations de façon à ne pas promouvoir, autant que faire se peut, une telle distinction, qui conduit effectivement à fractionner la citoyenneté en un certain nombre de catégories, de communautés, dont la protection reposerait sur des critères ethniques, religieux ou liés à l’orientation sexuelle. Telle n’est pas ma conception de la lutte contre les discriminations.
Si nous n’avons pas fait assez bien cette fois-ci, nous essaierons de faire mieux la prochaine fois, et de défendre notre approche républicaine. Soyez-en assurés, le Gouvernement prête la plus grande attention aux propositions de l’Assemblée nationale et du Sénat en matière européenne. Nous les défendrons à l’avenir avec plus de vigueur.
Dans le cadre de la discussion interactive et spontanée, quelqu’un demande-t-il la parole ?...
Nous en avons terminé avec ce troisième thème.
Dans le débat sur l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers, la parole est à M. Jacky Le Menn, au nom de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le 11 avril dernier, le Sénat a adopté une résolution européenne sur la proposition de directive relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers, actuellement en cours de discussion au Conseil.
Monsieur le secrétaire d’État, nous souhaitons vous interroger sur les efforts entrepris par les autorités françaises qui nous représentent à Bruxelles pour faire valoir la position du Parlement, et plus particulièrement celle du Sénat.
Premièrement, nous avons demandé que les soins hospitaliers ou spécialisés susceptibles de faire l’objet d’une autorisation préalable pour leur remboursement soient énumérés sur une liste établie au plan national. Si elle était élaborée à l’échelon communautaire, par la Commission, une telle liste ne pourrait, par définition, prendre en compte les différences de qualité des soins entre les États membres. En outre, l’établissement de la liste à l’échelon communautaire est évidemment contraire au principe de subsidiarité.
Lorsque la France a présidé l’Union, au semestre dernier, elle a proposé le principe de listes nationales, mais la présidence tchèque n’a pas retenu cette suggestion.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous dire où en est la discussion au Conseil sur ce sujet et quelle est la position défendue par la France ?
Deuxièmement, nous avons exigé que les États membres conservent la possibilité, sans se rendre légalement coupables de discrimination au regard du droit communautaire, d’accorder une priorité d’accès aux affiliés de leur régime de sécurité sociale pour les soins rares faisant l’objet d’une liste d’attente à l’échelon national.
Nous voulons ainsi éviter qu’en matière de greffes, par exemple, dans un contexte de pénurie de greffons, un citoyen assuré dans un État autorisant les greffes d’organes, et qui contribue, souvent depuis plusieurs années, au régime de protection sociale de cet État, ne soit placé en situation de concurrence avec un citoyen assuré dans un autre État et qui n’a pas acquitté les mêmes cotisations.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer, sur ce point précis, de quelle manière les autorités françaises ont fait valoir la position du Sénat ?
Troisièmement, la résolution juge inapplicable l’obligation faite aux États membres par la directive d’informer précisément leurs ressortissants sur le système de soins de tous les autres États membres.
Nous considérons en effet que l’obligation d’information doit se limiter au droit des patients de recourir à des soins transfrontaliers. Les autorités françaises sont-elles déjà parvenues à convaincre une majorité d’États membres du bien-fondé de cette proposition ?
Quatrièmement, nous avons estimé que plusieurs dispositions du texte étaient contraires au principe de subsidiarité. Il en est notamment ainsi de l’élaboration par la Commission européenne d’orientations concernant non seulement l’application des normes de qualité des soins, mais également les procédures relatives aux contentieux créés par la délivrance des soins ou encore les systèmes d’assurance pour les professionnels de santé.
Il est fort à craindre, par ailleurs, que ces orientations ne suscitent des contentieux aboutissant in fine à octroyer à la Cour de justice des Communautés européennes le pouvoir de fixer des principes généraux ou des normes dans ces matières, ce qui serait totalement inacceptable et, surtout, inexplicable pour nos concitoyens. D’autres États membres, en particulier l’Allemagne, la Grèce ou l’Irlande, partagent ces analyses.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-nous nous présenter l’état d’avancement des négociations au Conseil sur cette question ?
Pour conclure, étant donné la réserve que cette proposition de directive suscite dans une large majorité des États membres, nous souhaitons simplement savoir si vous pensez qu’elle pourra être adoptée par le Conseil.
Selon vous, la défiance générale qu’elle inspire s’explique-t-elle par le fait qu’elle reprend les règles très contestables établies par la Cour de justice des Communautés européennes, qui vont aggraver l’inégalité d’accès aux soins transfrontaliers ? Avez-vous envisagé de remettre en cause ces règles inégalitaires ou vous semblent-elles inscrites dans le traité européen lui-même ?
Monsieur le secrétaire d’État, soyez persuadé que nous serons très attentifs aux réponses que vous nous apporterez.
Monsieur le sénateur, vous soulevez un sujet essentiel. Je demanderai à Mme Roselyne Bachelot de répondre par écrit aux aspects très techniques de vos questions.
Sur le fond, toute la difficulté est de trouver un équilibre entre un accès aux soins le plus large possible, qui réponde à la vocation sociale de l’Union européenne, notamment dans un cadre transfrontalier, et le respect des droits qu’ouvre aux assurés le versement de cotisations pour financer leur protection sociale.
Lorsqu’un Italien, un Espagnol ou un Allemand qui habite à proximité de la frontière française souhaite se faire soigner dans notre pays, il paraît conforme à la solidarité européenne de lui laisser une liberté totale. Ce principe se heurte néanmoins à un autre principe, qui est crucial, à savoir la préservation de l’équilibre de notre système de santé. Chacun doit pouvoir être soigné en fonction du système de protection sociale de son pays et des cotisations qu’il a versées.
Aussi, nous considérons que l’adoption de dispositions qui reviendraient à supprimer l’autorisation préalable n’est pas souhaitable. C’est la position que nous avons défendue au Conseil, et que nous continuerons de défendre.
En effet, si, au nom de principes très généreux et bien sûr fort séduisants, animés de la volonté de créer une grande Europe de la santé et de la solidarité, nous supprimons toute forme d’autorisation préalable et permettons à n’importe qui de se faire soigner n’importe où, la France, laquelle possède un système de soins qui est sans doute parmi les plus performants et les plus généreux d’Europe, risque très vite d’être submergée de demandes et confrontée à une situation financière qui ne sera pas tenable.
Dans l’attente de règles plus strictes et d’une harmonisation sociale plus conforme à l’idée que l’on peut se faire de l’Europe sur le long terme, il est impératif de maintenir l’autorisation préalable. Elle protégera tout à la fois l’équilibre de notre système de soins et l’assuré social français, à qui elle garantira les soins auxquels il a droit en fonction des cotisations qu’il aura payées et de la solidarité nationale.
Autrement dit, nous continuons à défendre très fermement le dispositif de l’autorisation préalable.
Je ne pense pas que la directive pourra être adoptée dans des délais raisonnables, car les systèmes de remboursement de soins sont trop différents d’un État à l’autre. Nous continuerons à travailler au Conseil, mais je ne vois pas d’aboutissement à brève échéance.
Si nous voulons aller vers une harmonisation et une totale liberté de soins au sein de l’Union européenne, il faut auparavant parvenir à un minimum d’harmonisation des systèmes de soins afin d’éviter de trop grands déséquilibres entre États membres.
Dans le cadre de la discussion interactive et spontanée, quelqu’un demande-t-il la parole ?...
Nous en avons terminé avec ce dernier débat.
Je vous remercie tous pour votre effort de concision au cours de ce nouveau type de débat, mené sous l'autorité du président Haenel.
J’ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :
– Recommandation de décision du Conseil accordant un concours mutuel à la Roumanie - Proposition de décision du Conseil fournissant un soutien financier communautaire à moyen terme à la Roumanie ; ce texte sera imprimé et distribué sous le n° E-4448.
J’ai reçu de M. Albéric de Montgolfier un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur la proposition de loi de M. Robert Hue, Mme Marie-France Beaufils, MM. Thierry Foucaud, Bernard Vera, François Autain, Mme Annie David, M. Guy Fischer, Mmes Gélita Hoarau, Éliane Assassi, M. Michel Billout, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean-Claude Danglot, Mmes Michelle Demessine, Évelyne Didier, Brigitte Gonthier-Maurin, M. Gérard Le Cam, Mme Josiane Mathon-Poinat, M. Jean-Luc Mélenchon, Mme Isabelle Pasquet, MM. Jack Ralite, Ivan Renar, Mmes Mireille Schurch, Odette Terrade et M. Jean-François Voguet, relative à l’évaluation et au contrôle de l’utilisation des aides publiques aux entreprises, aux banques et aux établissements financiers (n° 239, 2008-2009).
Le rapport sera imprimé sous le n° 378 et distribué.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 5 mai 2009, à quinze heures :
1. Débat sur le recrutement et la formation des hauts fonctionnaires de l’État.
2. Débat sur la politique de l’État en matière de gestion des ressources halieutiques et des pêches.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures vingt.