Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vos interventions semblent prouver qu’un consensus, auquel s’associe le Gouvernement, se dégage au sein de cette assemblée pour défendre l’importance des services d’intérêt général et le modèle de service public à la française dans le cadre du projet politique européen que nous portons.
Nous en sommes tous convaincus ici, un certain nombre de services doivent échapper à la logique de stricte concurrence pour répondre à l’intérêt général, qu’il soit national ou européen, et pour aider la majorité des populations. C’est d’ailleurs, je le précise, ce qui est prévu dans la transposition de la directive « services », et ce, je le rappelle d’ailleurs, grâce à l’intervention du Parlement européen.
À cet égard, je tiens à indiquer à l’intention des personnes qui estiment que les élections européennes du 7 juin prochain n’ont pas d’importance – mais je sais que vous êtes tous ici persuadés du contraire ! – que la transposition de la directive « services » est l’illustration directe du poids que représentent aujourd'hui les parlementaires européens et du rôle essentiel qu’ils jouent dans la vie politique nationale.
Dans le fond, la vraie question est non pas de savoir si nous sommes d’accord sur l’importance des services d’intérêt général, mais plutôt de s’interroger sur la démarche la plus efficace à engager pour faire en sorte qu’ils jouent pleinement leur rôle dans notre vie quotidienne. À ce propos, deux démarches se font concurrence.
La première démarche proposée par Mme Tasca s’inscrit dans un cadre législatif général. Certes, je comprends bien la motivation qui la sous-tend et l’intérêt qu’elle présente, mais elle se heurte, à mon sens, à deux difficultés, qui ont d’ailleurs été rappelées tout à l'heure par Robert del Picchia.
La première difficulté est relative au risque de couvrir des secteurs qui n’en ont pas nécessairement besoin. À cet égard, je recommande à tous ceux qui ne l’auraient pas encore lu le rapport Thierry, qui précise les secteurs dans lesquels une intervention serait utile et ceux dans lesquels elle le serait moins.
La seconde difficulté, qui est, à mon sens, la seule à revêtir un caractère dirimant, est liée – et je vous parle là en tant que responsable des affaires européennes – à l’accord des autres États membres et aux résistances que nous ne manquerons pas de rencontrer si nous nous engageons dans cette voie. La résistance risque d’être tellement forte que notre démarche sera finalement contreproductive dans la mesure où elle reportera la définition d’un cadre juridique solide à une échéance extrêmement lointaine.
La seconde démarche, qu’il serait à mon sens plus raisonnable d’adopter, devrait être une démarche pragmatique ; c’est ce à quoi tendent les différentes modifications apportées par M. le rapporteur, au nom de la commission des affaires économiques, à votre proposition de résolution européenne, madame la sénatrice, proposition, dont, je le répète, nous partageons l’esprit.
Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de formuler quelques remarques rapides sur cette démarche pragmatique.
Tout d’abord, je tiens à dire, même si l’on considère qu’un responsable politique n’en fait jamais assez, que la feuille de route négociée par Xavier Bertrand sous la présidence française de l’Union européenne comprenait un certain nombre d’éléments positifs tels qu’on ne peut nous reprocher de ne pas avoir veillé à ce que la question des services d’intérêt général soit traitée.
Ensuite, le travail d’évaluation répertorié dans le rapport Thierry mériterait d’être encore amélioré.
Par ailleurs, si nous sommes favorables à une législation européenne, car nous avons besoin de ce cadre juridique, la démarche qui nous semble la plus opportune est celle d’une législation européenne par voie réglementaire, tel que le prévoit l’article 14 du traité de Lisbonne, qui traiterait au cas par cas les différents sujets et nous permettrait de progresser sur les sujets sur lesquels cet encadrement juridique est le plus nécessaire. Je pense, par exemple, au logement social, car il y a urgence à définir un cadre juridique plus précis dans ce secteur.
Enfin, également pour des raisons pragmatiques et dans le souci d’avancer le plus rapidement possible, nous n’avons pas intérêt à demander la création d’un poste de commissaire européen chargé des services publics, car nous risquerions de nous heurter à une fin de non-recevoir. Il serait, à mon avis, plus salutaire de recourir au commissaire pour le marché intérieur et services, en lui confiant spécifiquement une mission sur ce sujet. J’ai d’ailleurs recommandé, en tant que secrétaire d’État chargé des affaires européennes, que celui-ci fasse une déclaration de politique générale, à l’occasion de l’investiture de la nouvelle Commission européenne et de son nouveau président, pour présenter ses objectifs dans le cadre de la prochaine législature, afin que ceux-ci puissent être validés par le Parlement européen. Nous pouvons parfaitement concevoir qu’y figurent précisément la défense des services d’intérêt général et la mise en place, au cas par cas, du cadre juridique nécessaire, conformément à l’article 14 du traité de Lisbonne.
Je terminerai mon propos de manière plus générale en posant une question qui rejoint mon introduction : quelle Europe voulons-nous ?
Je tiens à le redire ici, car j’ai senti quelques ambiguïtés ici ou là, notre choix est clair : nous ne voulons pas d’un libéralisme absolu. Les décisions prises par le Gouvernement notamment en matière de régulation financière, et avec le soutien du gouvernement allemand, montrent bien que nous ne voulons pas d’une Europe du libéralisme absolu. Nous voulons d’une Europe de la règle et de la liberté. La meilleure façon de garantir cette liberté, c’est d’avoir des règles claires, les mêmes pour tous, permettant de définir un intérêt général et d’assurer à nos concitoyens le meilleur avenir possible dans le cadre de l’Union européenne.