Intervention de Michel Billout

Réunion du 30 avril 2009 à 15h00
Communication de la commission européenne sur sa stratégie politique annuelle pour 2009 — Vote sur l'ensemble

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la conception des services d’intérêt général au niveau communautaire ne permet pas de définir aujourd’hui une ambition de service public à la hauteur des besoins des citoyens européens.

À ce titre, la directive « services » conduit à amplifier le travail de démantèlement des services publics par un véritable éclatement de la notion de service d’intérêt général. Ceux-ci sont seulement considérés comme des facteurs de compétitivité économique. Ainsi, dans son rapport, voté par le Parlement européen en septembre 2006, M. Bernard Rapkay estime que les services d’intérêt général contribuent avant tout à la compétitivité des États membres.

Le droit souverain des États membres à définir l’intérêt général et à organiser leurs services publics se trouve par conséquent limité par les traités au nom de la libre concurrence et de la liberté d’établissement.

Les techniques de passation de marchés publics sont modifiées, les aides d’État prohibées, la puissance publique ne peut être opératrice d’une mission de service public que si elle est mise en concurrence par d’autres opérateurs, dans les conditions strictes fixées par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes.

Le choix de substituer à la notion française de service public la notion communautaire de service d’intérêt général a permis aux gouvernements successifs d’exclure progressivement tout principe de maîtrise publique de secteurs clés de l’économie.

Dans ce contexte, les citoyens, usagers des services publics, sont cantonnés à un rôle de client-consommateur, ce qui limite toute expression démocratique de choix concernant des services nécessaires à l’organisation de la société entière.

Les législations des États membres sont, de fait, mises sous tutelle. En matière de services publics, ils devront justifier toute initiative législative ou réglementaire, ainsi que tous les aspects des régimes d’autorisation. C’est ce qu’on appelle le « mandatement ». Certes, on nous dit qu’en cas de conflit entre les règles de la concurrence et les missions d’intérêt général, ce sont ces dernières qui priment. Les textes en vigueur reconnaissent également que les États ont le droit de définir l’intérêt général. Mais c’est la Commission et, en dernier ressort, la Cour de justice des Communautés européennes qui décident des limites d’une telle « dérogation ».

Pourtant, les auteurs de la proposition de résolution, tout comme M. le rapporteur, affirment que le traité de Lisbonne, qui prévoit un protocole additionnel pour les services sociaux d’intérêt général, permettra une reconnaissance des services d’intérêt général. Nous sommes en profond désaccord avec une telle affirmation ! En effet, une récente recommandation de la Commission rappelle que, en tout état de cause, ce sont les règles de la concurrence qui prévaudront pour nos services publics.

Des débats récents sur le sujet ont bien mis en évidence que la protection sociale elle-même est en jeu, puisque nous passons d’une conception assurantielle à une conception assistantielle, comme nous venons de vous le démontrer, mes chers collègues, en présentant notre amendement sur ce texte.

Selon nous, l’Europe doit au contraire nourrir de grandes ambitions en matière de services publics. Car le champ à couvrir est tout simplement celui des droits fondamentaux du XXIe siècle : l’éducation, la santé, le logement et l’habitat, l’information, la culture, les transports, les télécommunications, les services postaux, l’énergie, l’eau, les traitements des déchets, ainsi que des besoins devenus incontournables tels que l’accès au crédit. Ces secteurs doivent donc obéir à des règles d’efficacité sociale, sans être soumis aux pressions de la concurrence ni aux diktats des marchés financiers.

Certes, les expériences varient d’un pays à l’autre en matière de gestion des services publics, de structure de propriété et de mode de financement. Les choix relèvent de la souveraineté de chaque État.

Pour autant, dans l’urgence de la situation de très grande crise économique et sociale que nous connaissons, une directive-cadre contraignante fixant les principes et les champs d’intervention de l’ensemble des services publics est absolument indispensable.

Ce texte devrait au moins garantir une sécurité juridique au secteur social et au secteur public. La majorité de notre assemblée y renonce : c’est un abandon consternant.

Au demeurant, cette directive-cadre ne serait pas suffisante, car les institutions européennes doivent tout d’abord reconnaître et respecter les services publics et les services sociaux d’intérêt général de chaque État membre de l’Union européenne.

Ces services doivent être soustraits à la concurrence et considérablement développés. L’Europe doit favoriser la coopération bilatérale ou multilatérale entre services publics et sociaux nationaux ou locaux, sur tout l’espace européen. Elle doit également contribuer à la création de véritables services publics européens, d’abord dans des domaines où ils s’avèrent nécessaires, je pense notamment au fret ferroviaire et à l’énergie.

La constitution progressive d’un pôle de services publics européens pourrait leur permettre de devenir les agents principaux d’une coopération internationale axée sur l’aide au développement économique et social.

C’est le contraire de ce que permettent les traités actuels et, évidemment, celui de Lisbonne.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette proposition de résolution modifiée, qui ne vise en aucune façon à sortir les services d’intérêt général d’une logique ultralibérale dont la crise nous montre chaque jour combien elle a failli.

Chers collègues de la majorité, votre position est logique : elle confirme le soutien total que vous apportez à la politique de recul continu du développement des services publics en France.

Quant à la position de notre groupe, je crois que vous l’aurez aisément comprise, mes chers collègues.

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