Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vos travaux en commission mixte paritaire ont permis d’aboutir à un texte équilibré, qui recueille l’approbation du Gouvernement. Vous avez su trouver les compromis nécessaires sur les dispositions restant en discussion, et je vous en remercie.
C’est un texte de compromis, en effet. Par nature, la loi de bioéthique nécessite de cheminer sereinement vers les plus justes compromis. Sur ce chemin, vous avez eu le souci constant, monsieur le rapporteur, madame la présidente, de respecter tous les points de vue sans renoncer à défendre vos convictions. Je tiens à vous en remercier, ainsi que les membres de la commission, et tous les sénateurs et sénatrices qui se sont impliqués dans ces travaux dans un esprit d’écoute, d’ouverture et de dialogue.
La bioéthique nous conduit à nous poser sur l’humain des questions dont chacun mesure la difficulté et les enjeux. Quand commence la vie humaine ? Qu’est-ce qu’être humain ? Quelle société humaine voulons-nous ?
L’approche des questions de bioéthique nécessite ainsi de concilier les principes éthiques, le progrès médical et scientifique, les attentes individuelles. C’est la mission du législateur. À lui de fixer les règles appropriées, avec le souci constant des meilleurs équilibres.
Ces équilibres ne sont pas immuables : les évolutions de la science et de la société peuvent rendre nécessaire l’adaptation des règles posées. En 1994, lors de l’adoption des premières lois de bioéthique, le législateur avait soumis l’ensemble des dispositions adoptées à une clause de révision. La dimension novatrice de la loi justifiait ce choix, il convenait d’évaluer la pertinence des principes et des règles posés.
Près de vingt ans plus tard, on peut estimer que la loi de bioéthique nécessite davantage des adaptations qu’une remise en chantier périodique. C’était la position du Gouvernement. Votre assemblée a néanmoins souhaité maintenir une clause de révision à cinq ans, portée à sept ans par la commission mixte paritaire. Le Gouvernement en prend acte.
Le texte soumis à votre adoption est mesuré. Il propose plus des ajustements que des bouleversements.
Pour autant, les ouvertures sont réelles et obéissent à deux préoccupations majeures : mieux répondre aux besoins des patients face aux techniques biomédicales ; promouvoir le débat public sur les questions de bioéthique.
Par ailleurs, entre la rupture et la continuité avec les lois qui précèdent, ce texte privilégie la continuité. Certains d’entre vous le regrettent. Les exigences du vivre ensemble fondent ce choix de continuité. Le Gouvernement le soutient.
Je voudrais, en premier lieu, insister sur les avancées de ce texte, pour les patients et leurs droits, d’une part, pour le débat public, d’autre part.
Le projet de loi conforte les droits des patients et des personnes face aux techniques biomédicales.
En premier lieu, les patients bénéficieront d’une information renforcée sur l’intérêt et les limites des applications biomédicales. Je donnerai trois exemples.
L’Agence de biomédecine mettra à leur disposition une information sur l’utilisation des tests génétiques.
La femme enceinte se verra délivrer une information claire et loyale sur les examens de dépistage proposés dans le cadre du diagnostic prénatal. Vous avez souhaité préciser que l’information devait aussi être adaptée à la situation de la femme enceinte. Pour être bien comprise, l’information doit en effet être personnalisée et répondre aux attentes de la patiente. Si la patiente ne souhaite pas être informée sur le dépistage prénatal, son choix doit bien entendu être respecté.
La transparence sera faite sur les résultats obtenus par les centres d’assistance médicale à la procréation en matière de lutte contre l’infertilité.
En deuxième lieu, la protection des patients et de leurs droits fait l’objet d’une vigilance accrue.
En cas de diagnostic de maladie génétique grave pour un patient, les membres de sa parentèle pourront accéder au diagnostic et à une prise en charge, dans le respect des souhaits de ce dernier s’agissant des modalités de l’information ; c’est l’objet de l’article 1er.
L’article 4 ter réprime pénalement la commande de tests génétiques en dehors des cas prévus par la loi, par exemple pour des tiers en dehors d’une prescription médicale.
L’article 5 quinquies A affirme la protection des donneurs d’organes à l’encontre des discriminations en matière d’assurance.
Enfin, l’article 24 bis prévoit que les techniques d’imagerie cérébrale ne peuvent être utilisées qu’à des fins médicales et scientifiques, et doivent faire l’objet de recommandations de bonnes pratiques.
En troisième lieu, le don d’organes et de gamètes sera facilité.
Tout d’abord, le projet de loi renforce l’information sur le don d’organe délivrée notamment aux jeunes, dans les établissements d’enseignement et lors des journées d’appel de préparation à la défense ; c’est l’objet des articles 5 bis et 5 septies.
La carte Vitale et le dossier médical personnel, le DMP, mentionneront la délivrance de l’information sur le don d’organe ; c’est l’objet des articles 5 sexies et 5 ter.
Surtout, le champ des donneurs vivants est étendu, et le don croisé d’organes proposé par le Gouvernement est adopté. C’est l’objet de l’article 5. Vous avez souhaité aller au-delà et l’autoriser pour les personnes unies par des liens étroits et stables, d’une durée minimale de deux ans.
Enfin, dans le champ de l’assistance médicale à la procréation, l’AMP, l’Assemblée nationale a souhaité faire évoluer la loi sur deux points importants, maintenus par la commission mixte paritaire : en autorisant expressément, à l’article 19, la vitrification des ovocytes, pour faciliter les parcours d’AMP, étant entendu qu’il ne s’agit pas de vitrifier des ovocytes pour « convenance personnelle », c’est-à-dire pour retarder le moment de concevoir un enfant ; en étendant, à l’article 19 A, aux donneurs n’ayant pas procréé la possibilité de donner leurs gamètes, afin de réduire la pénurie actuelle d’ovocytes en France.
En quatrième lieu, comme votre assemblée l’a voulu, l’article 1er A autorise la ratification de la convention d’Oviedo sur les droits de l’homme et la biomédecine, signée le 4 avril 1997. Les droits des patients s’en trouveront, là encore, confortés.
Je voudrais également souligner que le projet de loi s’attache à promouvoir le débat public sur les questions de bioéthique.
Tout d’abord, la transparence des recherches sur l’embryon et des recherches génétiques est renforcée.
Le rapport de l’Agence de biomédecine comportera un bilan détaillé des avancées de la recherche sur l’embryon, notamment un comparatif des recherches sur les cellules souches embryonnaires et les autres cellules pluripotentes.
L’article 12 bis prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur les recherches relatives aux anomalies cytogénétiques et sur leur financement.
Ensuite, le champ des applications biomédicales relevant d’une veille éthique est étendu : l’article 24 sexies prévoit que le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur les enjeux éthiques des sciences émergentes ; l’article 24 ter prévoit un rapport du Comité consultatif national d’éthique sur le champ de compétences élargi de l’Agence de biomédecine.
Enfin, la loi garantit le débat public sur la bioéthique : un débat annuel sera organisé au Parlement à l’occasion de la remise du rapport de l’Agence de biomédecine, et les réformes dans le champ de la bioéthique seront obligatoirement soumises au débat public, comme le prévoit l’article 24 ter A. Il est indispensable, en effet, de donner la parole aux citoyens dans ce domaine.
Je souhaite maintenant revenir sur certaines évolutions réalisées dans le domaine de l’AMP et des recherches sur l’embryon que le présent texte écarte pour préserver le vivre ensemble.
Pour ce qui concerne l’AMP, le projet de loi supprime la levée de l’anonymat sur les dons de gamètes. L’Assemblée nationale a souhaité privilégier les liens éducatifs et affectifs plutôt que les liens biologiques. Le Gouvernement, suivi par le Sénat, s’est rallié à ce point de vue.
Dans ce texte est confirmée la finalité médicale de l’AMP. Je vous le répète, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit non pas de porter un jugement sur les aspirations des hommes et des femmes qui souhaitent accéder à l’AMP pour d’autres motifs que l’infertilité médicale, mais, au contraire, d’y être attentif et d’accompagner ces personnes en souffrance. Pour autant, l’AMP doit rester une réponse médicale à un problème médical. Le projet de loi écarte en conséquence le recours à l’AMP pour d’autres motifs d’infertilité.
Enfin, ce texte rejette le recours à l’AMP lorsqu’il met en jeu des principes éthiques fondamentaux : le respect de la dignité humaine ; le refus de la marchandisation dans le cadre de la gestation pour autrui ; l’intérêt supérieur de l’enfant dans le cas du transfert post mortem d’embryon.
J’en viens aux recherches sur l’embryon.
L’article 2 de la convention d’Oviedo, qu’il vous a paru important de ratifier, dispose : « L’intérêt et le bien de l’être humain doivent prévaloir sur le seul intérêt de la société ou de la science. » La science n’est pas au-dessus des lois et des principes d’éthique ; elle s’intègre dans une société dont elle doit respecter les valeurs. N’oublions pas que l’un des piliers de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, et donc de la bioéthique, c’est la volonté d’encadrer les expérimentations scientifiques sur l’homme…