Nos collègues de la commission des affaires sociales ne pouvant être présents, je m’exprime en leur nom. Du reste, l’ensemble du groupe socialiste partage leur opinion.
L’article 22 permet aux victimes des laboratoires Servier ou, pour dire les choses plus précisément, du benfluorex, de saisir l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, l’ONIAM.
La mise en place de ce dispositif, qui remédie à l’impéritie des laboratoires Servier, relève d’un impératif moral et se justifie par l’urgence. Nous nous permettons néanmoins, monsieur le ministre, de vous interroger au sujet de l’architecture du dispositif.
Notre première interrogation a trait à la mission de « facilitateur » confiée à l’ONIAM, établissement public à caractère administratif placé sous votre tutelle. Faut-il comprendre qu’il doit chercher à favoriser un règlement amiable entre les victimes et les laboratoires Servier ?
Notre deuxième interrogation porte sur l’attitude de l’État : le cas échéant, se retournera-t-il contre l’entreprise en cause ?
Notre troisième interrogation concerne le périmètre de l’ONIAM : celui-ci n’est-il pas trop limitatif ? En effet, selon le texte, seules les victimes directes pourront saisir le fonds, à condition de présenter un déficit fonctionnel. Dès lors, les veuves et les orphelins, ainsi que les personnes ayant pris ce médicament « hors AMM » ne seront-ils pas exclus du dispositif ?
En outre, cette volonté de n’ouvrir la possibilité d’obtenir réparation qu’aux quelques victimes les plus gravement atteintes ne va-t-elle pas nous exposer .à une prolongation de la crise, alors que celle-ci exige au contraire la célérité des pouvoirs publics ?
Je rappelle que les proches des victimes de l’amiante attendent depuis plus de quinze ans que le pôle de santé publique soit doté des moyens nécessaires pour que leur dossier soit présenté à une juridiction…
Par ailleurs, certaines associations n’ont pas manqué de souligner l’exclusion des victimes de la dexfenfluramine, une molécule « sœur » du benfluorex. N’aurait-on pas intérêt à élargir le périmètre de compétence de l’ONIAM à ceux de nos concitoyens qui sont concernés ?
Notre quatrième et dernière interrogation est relative aux délais d’indemnisation.
En effet, nous considérons que ceux-ci sont trop longs : alors que le dispositif est censé faciliter l’indemnisation, le délai maximum, à partir de l’introduction de la demande, est d’un an, et ce sans aucune garantie quant au résultat.
De fait, il faut compter six mois pour un simple avis ; trois mois de plus pour que le responsable du dommage formule une offre ; trois mois encore pour que l’ONIAM fasse lui-même une offre en cas de silence ou de refus du responsable de faire une proposition. Au terme de cette année, les victimes ou leurs ayants droit n’auront même pas la certitude de ne pas avoir à saisir les juridictions de droit commun pour prétendre à une juste et correcte réparation de leurs dommages.
Monsieur le ministre, je sais que vous répondrez à toutes ces interrogations mais, de toute façon, au regard de l’ampleur du préjudice – pas moins de cinq millions de nos concitoyens sont concernés, dont près de la moitié auraient pris un traitement s’étalant sur une moyenne de trois ans – au regard de l’urgence et des précédents, nous voterons le principe de ce dispositif, si imparfait soit-il.
Néanmoins, nous considérons, et vous devez considérer que cela n’est pas un blanc-seing. À l’aune des interrogations que je viens de formuler, nous sommes en droit de demander que ce dispositif soit amélioré afin d’éviter de nouvelles injustices.