Cet article 18 bis, qui résulte de l’adoption, par l’Assemblée nationale, d’un amendement déposé par le député Dominique Tian, a pour objet d’aligner les tarifs qui s’appliquent aux patients couverts par l’AME, l’aide médicale d’État, sur ceux qui sont pratiqués pour les patients ne relevant pas de ce régime d’assurance.
Il s’agit d’unifier les tarifs fixés pour les patients en AME sous l’ancien régime – à savoir le tarif journalier de prestations – et ceux qui relèvent de la tarification à l’activité.
S’il est vrai que des différences entre ces deux tarifs existent et que les tarifs journaliers de prestations peuvent varier d’un établissement à l’autre, nous ne voterons cependant pas cet article et nous nous associons pleinement à l’amendement de suppression déposé par nos collègues du groupe socialiste.
En effet, l’adoption de cet article pourrait avoir des effets économiques désastreux sur les établissements publics de santé concernés. La perte est estimée, selon le rapport de la commission des affaires sociales, à environ 130 millions d’euros, puisque les établissements qui bénéficient actuellement de la possibilité d’appliquer les tarifs journaliers de prestations pour les patients en AME devraient supporter seuls la charge d’une décision budgétaire rétroactive.
On transférerait ainsi aux hôpitaux un déficit de 130 millions d’euros, sans compensation ni échelonnement. Nous ne pouvons l’accepter, d’autant moins que le passage total à la T2A n’est ni juste ni satisfaisant.
Ce n’est pas juste, car tous les professionnels de santé, tous les directeurs d’établissements le savent, les patients en AME, qui sont souvent en grande fragilité sociale et donc en grande précarité sanitaire, ont des besoins spécifiques, à tel point que les cliniques commerciales refusent de les recevoir.
Ce n’est pas plus satisfaisant du point de vue juridique : rien n’est prévu pour aider les établissements de santé à faire face à cette nouvelle dette pour l’année 2011, et la situation n’est guère meilleure pour l’année 2012.
Si la commission des affaires sociales précise, dans son rapport, qu’« une dotation au sein de l’enveloppe des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation, MIGAC, est justement dédiée, depuis deux ans et demi, à la prise en charge de patients en situation de précarité », elle omet l’essentiel, à savoir que l’augmentation de ces budgets est très largement insuffisante.
La crise économique et sociale qui a si durement frappé notre pays n’a pas été sans conséquences en matière sanitaire. De manière générale, l’ensemble des crédits dédiés aux établissements publics de santé sont orientés à la baisse.
Cette année, la baisse des tarifs du secteur public a atteint environ 1 %, si l’on tient compte du processus de « convergence ciblée » avec les cliniques et de mesures techniques de classification des séjours.
Ainsi, comme le soulignait la Fédération hospitalière de France, « même un établissement réalisant la progression d’activité anticipée de 2, 4 % verra donc son budget augmenter beaucoup moins rapidement que ses charges, d’autant que la progression de l’enveloppe des missions d’intérêt général et d’aide à la contractualisation sera de 1 %, et non de 3 %, si l’on tient compte de l’augmentation du nombre d’internes qu’elle finance ».
Ce sont donc bien les hôpitaux publics qui supportent les conséquences d’une rigueur financière au demeurant toute sélective. Car, dans le même temps où ces derniers sont contraints de supprimer 9 800 emplois, dont près de 5 000 personnels soignants, les cliniques commerciales continuent à bénéficier d’un financement particulièrement stable.
Pourtant, la dérive budgétaire concerne avant tout les actes techniques effectués en ville – plus 4, 3 % en 2010 –, ainsi que les dépenses dues à l’activité des cliniques privées – plus 2, 5 % en 2010.
Nous ne voterons donc pas cet article 18 bis.