Monsieur le ministre, je souhaite vous parler de l’outre-mer et des inégalités qui y règnent. J’espère que vous m’écouterez quelques instants, malgré le sort que vous avez réservé à cet amendement n° 96.
Les départements d’outre-mer cumulent un certain nombre de disparités économiques et sociales. Les inégalités entre ces territoires et la métropole demeurent importantes. Ainsi, la moitié des foyers dispose d’un revenu mensuel inférieur de 38 % à la moyenne nationale. Par ailleurs, un ménage sur cinq vit en dessous du seuil de pauvreté et cette proportion ne cesse de croître. Une étude de l’INSEE établit même que, sans les allocations et les minimas sociaux, la part des pauvres dans mon département approcherait 50 %.
Les structures démographiques et le marché de l’emploi expliquent ces différences.
À l’échelle européenne, les quatre départements d’outre-mer battent des records en matière de chômage. Trois fois plus élevé que dans l’hexagone, il touche les jeunes de façon extrêmement préoccupante.
Pour la Martinique, par exemple, le taux de chômage des 15-24 ans s’est établi à 61, 2 % en 2009, et la moitié des jeunes qui travaillent occupent des emplois précaires.
Chez les seniors, le taux de chômage est tout aussi préoccupant, puisqu’il atteignait 12, 5 % en 2009. La plupart des seniors chômeurs sont dans cette situation depuis plus d’un an. En outre, le chômage de longue durée concerne les trois quarts des chômeurs, contre le tiers en France métropolitaine.
Compte tenu de cette situation économique et sociale très dégradée, que je viens de décrire, les habitants des départements d’outre-mer seront, dans l’avenir, peu nombreux à pouvoir bénéficier un jour d’une retraite à taux plein. Les pensions sont déjà d’un niveau très faible dans ces départements, et inférieur, en moyenne, au seuil de pauvreté. Pour la Martinique, 34 % des pensionnés sont au minimum vieillesse – le taux est de 30% pour la Réunion –, contre 4 % en métropole.
Le mode de calcul des pensions de retraite basé sur la moyenne des vingt-cinq dernières années est extrêmement défavorable aux populations des DOM. En effet, si la loi de départementalisation date du 19 mars 1946, l’extension de la législation sociale s’est mise en place progressivement. Les DOM ont dû attendre de nombreuses années pour bénéficier des mêmes prestations sociales que la métropole.
C’est le cas depuis 2002 pour le RMI. C’est aussi le cas pour les minima de salaires, principalement le SMIC qui n’a été égalisé outre-mer que depuis 1995.
II faut également savoir que, pendant longtemps, beaucoup d’employeurs, profitant de la situation, n’ont pas cotisé pour leurs employés. C’est pourquoi les anciens travailleurs du secteur privé, en particulier ceux du secteur agricole, ont encore des difficultés à reconstituer des carrières complètes.
En outre, les bas salaires, les temps partiels et les emplois saisonniers sont encore plus nombreux que dans l’hexagone.
Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui viendra, à l’évidence, aggraver une situation sociale déjà difficile. Il est donc très étonnant que l’étude d’impact, adossée à ce projet de loi, n’ait pas effectué une analyse des conséquences de cette réforme pour nos territoires.