S’agissant de l’amendement n° 112, votre réforme est injuste à l’égard des salariés qui ont commencé à travailler jeunes. Ils doivent cotiser plus que les autres sans amélioration de leur montant de pension, alors même qu’ils ont bien souvent les emplois les plus pénibles et les salaires les plus modestes.
Parmi les salariés qui liquident leur pension auprès de la CNAV aujourd’hui, 50 % ont cotisé au-delà de la durée d’une carrière complète, hors surcote.
Si l’on fait le calcul, les personnes ayant commencé à travailler jeunes, à 16 ans, cotiseront pendant 44 ans et partiront à 60 ans. Celles ayant commencé à travailler à 17 ans cotiseront pendant 43 ans et partiront à 60 ans. Celles ayant commencé à travailler à 18 ans cotiseront pendant 44 ans, puisqu’elles partiront à 62 ans. Celles, enfin, ayant commencé à travailler à 19 ans cotiseront pendant 43 ans, puisqu’elles partiront à 62 ans.
Du fait de cette réforme, les cadres ou les personnes qui ont fait des études – nous en sommes – et ont commencé à travailler après 20 ans, cotiseront pendant 41 ans.
D’un côté, les ouvriers, les personnes qui occupent des emplois non qualifiés, cotiseront pendant 44 ans, et auront une retraite calculée sur une période de 41 ans. De l’autre, les personnes ayant eu la chance de faire des études et ayant eu des carrières plus rémunératrices, ne cotiseront que pendant 41 ans.
L’injustice nous semble totale.
Pour quelles raisons, dans notre pays, certains cotisent-ils plus longtemps que d’autres, pour bénéficier d’une retraite calculée sur un temps plus court ?
S’agissant de l’amendement n° 113, on ne le dira jamais assez, l’allongement de la durée d’activité est une aberration économique et sociale si l’on considère le fait que six salariés sur dix ne sont déjà plus au travail au moment de liquider leurs droits à la retraite. En effet, la plupart sont au chômage et les autres en congé de longue maladie ou en situation d’invalidité. Selon la DARES, le nombre de chômeurs de plus de 50 ans a encore augmenté de 16, 8 % au cours de l’année écoulée.
Que se passerait-il avec le recul de l’âge légal de départ à la retraite tel que vous l’envisagez ? La plupart de ces personnes resteraient au chômage, au lieu de partir à la retraite.
Mais le statut de chômeur est beaucoup moins enviable que celui de retraité. L’actuelle convention UNEDIC permet aux demandeurs d’emploi de plus de 50 ans d’être indemnisés pendant 36 mois, sous conditions et à hauteur, en moyenne, de 57 % de leurs revenus d’activité antérieurs. À l’issue de cette durée, ces personnes basculent dans le régime des minima sociaux, notamment celui du RSA, pour percevoir un montant d’environ 460 euros par mois, pour une personne seule. Elles peuvent aussi bien être condamnées à effectuer des petits boulots, voire à travailler au noir, pour survivre.
Au total, la note risque d’être particulièrement salée pour le régime d’assurance chômage financé par les cotisations et géré par les partenaires sociaux. Les services de l’UNEDIC l’évaluent à environ un demi-milliard d’euros par an. Nous pensons d’ailleurs que ce chiffre est sous-évalué.
Alors que le déficit de l’assurance chômage dépasse 10 milliards d’euros, le système n’indemnise qu’un demandeur d’emploi sur deux.
Au bout du compte, la réforme des retraites va entraîner une hausse de la pauvreté chez les salariés en fin de vie professionnelle, avec des répercussions en chaîne sur le montant de leur future pension. Cela est déplorable.
S’agissant de l’amendement n° 114, est-il nécessaire de répéter, monsieur le ministre, que le relèvement de l’âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans est au cœur même de l’injustice et de la régression qui caractérisent votre projet ? Injustice pour les travailleurs ayant commencé à travailler tôt, injustice pour ceux ayant effectué des métiers pénibles, injustice pour près de la moitié des salariés étant sans emploi entre 55 ans et 60 ans, injustice pour les deux tiers des travailleurs qui sont déjà hors emploi lorsqu’ils atteignent 60 ans et qui devront attendre deux ans de plus pour sortir de l’insécurité, du chômage et, pour certains, du RSA, injustice qui va conduire à la paupérisation de nombreux retraités et injustice pour les départements qui, une fois de plus, auront à subir les transferts de compétence de votre politique injuste.
Vous déplacez une partie du problème en le faisant payer par d’autres, notamment l’assurance chômage ou les départements.
Ces derniers subissent de plein fouet les retombées de votre politique. Sous l’effet de la crise économique, ils sont confrontés à la hausse des dépenses sociales et à la baisse de leurs recettes.
Les départements défavorisés, dont la population connaît une importante proportion de prestataires sociaux, connaissent d’ores et déjà une situation budgétaire très « risquée ».
Ce transfert n’est pas chiffré. Pour assurer la crédibilité de votre réforme en toute bonne foi, il conviendrait de chiffrer combien coûtera aux finances publiques et aux finances locales le fait que ce qui est aujourd’hui assumé pour partie par le régime de retraites devra être, demain, supporté par le système d’assurance chômage ou par les collectivités locales.
Telles sont les raisons qui nous conduisent à demander un rapport, afin d’évaluer le coût du transfert de charges sur les collectivités territoriales.
Mes chers collègues, je souhaite que vous ayez le temps de lire tous ces rapports une fois que vous serez en retraite…