Le présent amendement vise à créer une taxe sur les émissions de CO2 en France. Je vais expliquer pourquoi nous tenons à le défendre dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2007.
Agissons-nous par opportunité, dans un climat où la fiscalité écologique fait l'objet de toutes sortes d'interventions médiatiques, au moment où le candidat potentiel, ou présumé, de la principale formation de la majorité présidentielle pour la prochaine échéance électorale, qui est, par ailleurs, président de l'UMP et ministre du gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, propose de doubler la fiscalité écologique en cinq ans ? Je me suis déjà expliquée sur cette incrimination d'opportunité lors de la discussion de la première partie de la loi de finances.
En fait - c'est notre première raison - nous tenons à défendre cet amendement dans le cadre de la loi de finances par souci de cohérence : il nous semble parachever l'ensemble du paquet « fiscalité écologique » présenté par le groupe socialiste en première et en deuxième parties du projet de loi de finances. Nous avons fait preuve de bonne volonté et accepté de rediscuter de certains de nos amendements lors du collectif budgétaire. Nous sommes attachés à la cohérence globale des dispositions concernant la fiscalité écologique en cette année préélectorale.
Deuxième raison : d'autres pays européens ont déjà mis en place cette fiscalité. C'est le cas de la Suède, qui dispose, depuis 1990, d'une taxation réformée en 1994, à laquelle s'ajoute un dispositif de taxe sur l'électricité, sur les combustibles et sur le soufre. En 2001, une réforme fiscale écologique est venue alourdir encore le poids de ces taxes.
L'Allemagne a institué une taxe sur le CO2 depuis 2000. Elle a été suivie par la Grande-Bretagne en 2001. Autrement dit, il ne s'agit pas d'une initiative isolée en Europe.
Troisième raison : la France a pris des engagements européens, conformément au protocole de Kyoto. Vous le savez, nous sommes en train de rediscuter actuellement du nouveau plan d'allocation des quotas, le PNAQ, pour 2012, mais, au rythme actuel, il ne donnera pas satisfaction. Vous avez voulu vous en remettre aux mécanismes du marché. Il se trouve que ces mécanismes ne fonctionnent pas, et la fiscalité me paraît un bon moyen d'accélérer le rythme pour la France, d'autant que, le 29 novembre dernier, elle s'est vue contrainte de retirer son plan. Elle savait que la Commission le jugerait trop laxiste et la contraindrait à le représenter.
Personnellement, je ne suis pas contre les mécanismes du marché. Encore faut-il qu'ils soient loyaux. Que s'est-il passé en 2006 ? La France avait proposé un plan d'allocation des quotas de 150 millions de tonnes par an de droits d'émission à l'industrie pour la période 2008-2012, alors qu'en 2005 les émissions réelles n'atteignaient que 132 millions de tonnes.
Elle n'a d'ailleurs pas été le seul pays à surévaluer ou à sous-évaluer - tout dépend du côté où l'on se place - les quotas du marché. Du reste, cela a entraîné un mini-krach. En effet, si les quotas alloués par les États sont trop généreux, le cours de la tonne de CO2 s'effondre, et le système perd tout intérêt.
Quatrième raison : après le rapport Stern, qui a chiffré l'effort que les pays industrialisés les plus avancés devaient réaliser à l'échelle de la planète et qui eu l'effet d'une douche froide, il a bien fallu comprendre qu'il fallait s'y mettre sans tarder.
Lors de la discussion de la première partie du projet de loi de finances, vous n'avez pas accepté de débattre sur le fond de ces mesures. Aujourd'hui, j'anticipe votre réponse, imaginant que vous allez nous proposer d'y revenir au moment du débat sur le collectif. Je tiens d'ores et déjà à vous dire que notre proposition n'est pas de la même nature que celle qui est inscrite par le Gouvernement dans le collectif budgétaire.
Vous allez me dire encore qu'il est prématuré de prendre une décision. En ce qui me concerne, je pense qu'il est, sinon trop tard, en tout cas, déjà bien tard. Il faut s'y mettre dès maintenant.
En tout cas, nous devrons avoir ce débat à l'occasion de la campagne présidentielle et il serait bon que le Parlement, le Sénat en particulier, l'aborde déjà dans le cadre du projet de loi de finances. C'est pourquoi je maintiens l'amendement n° II-318.