Intervention de Serge Lagauche

Réunion du 2 décembre 2010 à 15h00
Loi de finances pour 2011 — Compte spécial : avances à l'audiovisuel public

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les arcanes de la nouvelle maquette budgétaire ont conduit Philippe Nachbar et moi-même à nous répartir les crédits destinés au livre et aux industries culturelles dans le programme 180.

Il me revient donc de vous présenter : d’une part, les crédits consacrés à l’édition, la librairie et les professions du livre, qui recouvrent 22, 3 millions d’euros de crédits de fonctionnement et 19, 3 millions d’euros de dépenses d’intervention, dont la majeure partie correspond au droit de prêt en bibliothèque, destinés à la rémunération des auteurs et éditeurs ; d’autre part, les crédits alloués aux autres industries culturelles, avec 26 millions d’euros destinés à la musique enregistrée, le cinéma, le patrimoine cinématographique, et la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, ou HADOPI, qui recevra 12 millions d’euros, compte tenu de sa montée en puissance.

Toutes ces filières sont caractérisées par la mutation numérique.

À cet égard, j’ai trouvé beaucoup d’intérêt à participer, avec d’autres collègues, au Forum d’Avignon, qui s’est tenu du 4 au 6 novembre dernier. Nous avons pu ainsi mesurer l’impact de cette nouvelle révolution, qui concerne la consommation de biens culturels, mais aussi, bien entendu, leur mode de création et de diffusion.

Toutes ces évolutions ont une double conséquence.

Elles créent, tout d’abord, le besoin d’une nouvelle intermédiation et éditorialisation, l’abondance de biens à disposition ne les rendant pas forcément plus accessibles à tous, dans toute la richesse de leur diversité.

Elles rendent aussi indispensable un renforcement des actions éducatives, afin de former et d’aiguiser le regard critique des jeunes, ainsi qu’un accompagnement des mutations économiques.

Pour ce qui concerne le livre, cet accompagnement relève surtout des missions du Centre national du livre. C’est pourquoi, notamment, les ressources de celui-ci doivent être confortées. C’était l’objet de la réforme de 2007 sur la taxe relative aux appareils de reprographie, de reproduction ou d’impression, dont le produit a néanmoins baissé. Au total, sur l’ensemble de l’année 2010, 5 millions d’euros devraient manquer au CNL.

Par conséquent, monsieur le ministre, je vous prie de bien vouloir préciser les intentions du Gouvernement quant à une nouvelle modification de l’assiette de cette taxe.

Si le secteur du livre représente la première industrie culturelle, il demeure le moins subventionné. Une politique ambitieuse a néanmoins été conduite ces dernières années en faveur de cette filière à laquelle nous avons récemment contribué en adoptant la proposition de loi relative au prix du livre numérique de nos collègues Catherine Dumas et Jacques Legendre. Je rappelle que, sur l’initiative de la commission de la culture, le Sénat a aussi adopté un amendement tendant à appliquer à ce type de livre le taux réduit de TVA dont bénéficie le livre papier.

Le numérique doit devenir un nouveau moteur de création de valeur. À l’horizon 2015, le marché du livre numérique pourrait atteindre 15 % à 20 % du marché du livre, contre 1 % aujourd’hui. Une étude montre qu’il pourrait représenter 20 % à 28 % des profits de l’industrie concernée.

Mais je m’interroge sur la répartition de cette valeur. Car, contrairement au secteur du cinéma, dans lequel les économies réalisées par le distributeur en raison du passage au numérique sont partagées avec les exploitants en vue de financer l’équipement des salles, dans le domaine du livre, le modèle de partage de ce « dividende numérique » reste à définir, de même, il est vrai, que le niveau de ces économies. Dans tous les cas, il conviendra de veiller à ce que les libraires et les auteurs s’y retrouvent…

Nous devons, par ailleurs, conforter les mesures de soutien aux librairies. À cet égard, je me réjouis du prochain lancement du portail de la librairie indépendante sur internet, baptisé 1001libraires.com, qui sera lancé à la fin de cette année et bénéficie d’un prêt à moyen terme accordé par le CNL d’environ 500 000 euros. C’est essentiel si les libraires veulent prendre le virage du numérique.

S’agissant de la numérisation des œuvres dans le cadre des investissements d’avenir, la commission de la culture s’était inquiétée de la limite très stricte retenue : le niveau de subventions ou d’avances remboursables a été fixé à 25 % pour 75 % de financements privés. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si ces règles permettent d’engager les projets souhaités dans le domaine culturel ? Éventuellement, ont-elles été assouplies ?

Pour ce qui concerne les autres industries culturelles, les préconisations du rapport Création et internet de MM. Zelnik, Cerutti et Toubon, remis le 6 janvier dernier, constituent une bonne feuille de route pour développer l’offre légale de contenus culturels sur internet, améliorer la rémunération des créateurs et financer les industries culturelles.

La première de ces recommandations concerne la mise en œuvre de la carte musique pour les jeunes, mesure incitative qui vise à modifier les comportements des jeunes sur internet en rendant l’offre légale plus accessible à leurs budgets contraints. Il me semble néanmoins nécessaire de réaliser une évaluation de cette mesure à la fin de chacune des trois années de son application.

Après avoir perdu plus de 60 % de son chiffre d’affaires depuis 2003, le marché de la musique enregistrée semble en voie de stabilisation. Mais je relève que les différents acteurs de la filière musicale se sont historiquement moins structurés que ceux d’autres secteurs en vue de solliciter de l’État une régulation.

C’est pourquoi j’appelle de mes vœux une concertation interprofessionnelle, notamment sur une éventuelle réforme du crédit d’impôt et sur le projet de mise en place d’un régime de gestion collective des droits faisant suite à la mission confiée à M. Emmanuel Hoog.

Il me semble nécessaire de réfléchir à une meilleure régulation du secteur. Monsieur le ministre, où en sont ces concertations ?

La commission de la culture participera aussi à cette démarche au travers d’une table ronde, au mois de janvier prochain.

En conclusion, elle a donné un avis favorable aux crédits concernés par les actions dont j’ai la charge.

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