Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, contrairement aux crédits en berne affectés à la culture, pour le spectacle vivant, en particulier, la mission « Médias, livre et industries culturelles » paraît mieux lotie.
Elle est néanmoins loin d’être à la hauteur des défis auxquels sont confrontés ces secteurs fortement bousculés par l’évolution rapide des technologies. L’essor d’internet et du numérique modifie profondément l’usage des médias, comme les comportements de nos concitoyens.
Or, le budget n’est pas à même de faire face à ces enjeux ni d’anticiper l’avenir. La légère progression des crédits est essentiellement liée à deux facteurs qui ne coûtent rien à l’État : d’une part, l’augmentation du nombre de redevables de la redevance audiovisuelle et son indexation sur le coût de la vie, que notre groupe a toujours ardemment défendue ; d’autre part, l’augmentation mécanique de la légitime contribution des fournisseurs d’accès à internet pour alimenter le compte de soutien à l’industrie des programmes audiovisuels, le COSIP.
De ce fait, le budget du Centre national de la cinématographie, le CNC, a, et c’est heureux, fortement crû cette année, suscitant, du coup, des velléités de récupération d’une partie de ses ressources.
Cette manie d’entamer l’autonomie financière des opérateurs publics pour abonder le budget général de l’État est inacceptable et choquante ! Ce que d’aucuns considèrent comme une manne ne sera pas de trop pour que le centre national de la cinématographie remplisse l’ensemble de ses missions tant patrimoniales que de soutien à la création audiovisuelle.
Grâce au mode de financement du centre national de la cinématographie, la France est l’un des rares pays à bénéficier d’une véritable industrie du cinéma avec une belle diversité de films. Le centre national de la cinématographie est, de plus, confronté à plusieurs immenses chantiers de numérisation, dont, en particulier, le soutien à l’équipement numérique des salles des petits et moyens cinémas.
En ponctionnant ainsi le CNC, on s’attaque à l’exception culturelle de notre pays et on fragilise tout un secteur industriel déterminant pour notre économie et notre rayonnement artistique.
Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour combattre l’amendement, que je qualifierai de scélérat, qui réduit de 20 millions le budget du CNC. Comme disait Victor Hugo, mon cher David Assouline : « On pousse à de bien maigres économies pour de bien grands dégâts » !
Le projet de loi de finances ne répond ni aux impératifs de défense du pluralisme des médias ni aux nécessaires développements du service public audiovisuel. Depuis des années, notre groupe ne cesse de dénoncer le sous-financement de France Télévisons et l’acharnement à réduire toujours plus ses ressources au profit du privé. Hélas ! La situation s’aggrave et le financement de France Télévisions reste des plus précaires et ses recettes des plus incertaines.
Ainsi en est-il avec la énième diminution de la taxe sur les revenus publicitaires des chaînes privées, alors même que ceux-ci repartent fortement à la hausse ! La taxe des chaînes privées de la TNT baisse encore également, alors qu’elles connaissent une croissance vigoureuse !
Quant à la taxe sur les télécommunications, pourtant tout à fait raisonnable et proportionnelle, elle a été recalée par la Commission européenne, ce qui, à terme, représentera une perte de 370 millions d’euros pour le budget de l’État, qu’il ne manquera pas, je n’en doute pas, de répercuter sur France Télévisions !
Sans moyens suffisants, comment France Télévisons pourra-t-elle à la fois soutenir l’audace de la création, conforter France 2 dans son rôle de chaîne phare, rajeunir et en même temps redonner de la proximité à France 3, faire de France 4 la chaîne jeunesse de référence, accompagner le lancement de la TNT outre-mer et développer le global média qui a pris beaucoup de retard ?
Toutes ces missions sont pourtant stratégiques. France Télévisions est malmenée alors qu’elle est loin d’avoir démérité, dans un contexte de fortes turbulences ! Heureusement qu’elle conserve la régie publicitaire qui a failli être vendue, malgré ses excellentes performances !
La publicité constitue une ressource vitale du service public audiovisuel, surtout dans le contexte actuel de crise et de déficits. Il est légitime que les recettes publicitaires, lorsqu’elles excèdent les prévisions, reviennent intégralement à France Télévisions, qui en a bien besoin pour innover et se développer.
Or, sa dotation publique est réduite de 75 millions d’euros et l’encadrement du parrainage va lui faire perdre 10 millions d’euros supplémentaires, non compensés, contrairement aux engagements pris. Alors que les sources de financement ne font que diminuer, il n’est pas acceptable que l’État se permette, de surcroît, un hold-up sur les ressources propres de France Télévision, fruit de ses propres efforts.
L’indépendance de France Télévisions est en danger, non seulement du fait du nouveau mode de nomination et de révocation de son président mais aussi du fait de sa mise sous tutelle financière, puisque sa dotation publique dépend dorénavant du bon vouloir du prince. De fait, la suppression de la publicité en soirée ne sert qu’à voiler la volonté d’affaiblir la télévision publique et à masquer les privilèges exorbitants accordés aux chaînes privées.
Par ailleurs, la réorganisation de France Télévisions en société unique génère un réel malaise chez de nombreux salariés. Il me paraît souhaitable de mieux les associer et aussi d’entendre leurs préoccupations liées à la négociation des conventions collectives.
Ce budget n’est pas rassurant, et le climat qui règne sur les médias l’est encore moins. Comment ne pas s’insurger, encore et encore, contre cette véritable hérésie démocratique qu’est la nomination des présidents de la radio et de la télévision publiques par l’exécutif ? Comment accepter la remise en question permanente de la protection des sources des journalistes, ainsi que la fragilisation de leur indépendance ? Le principe constitutionnel de liberté de l’information, de liberté des expressions et des opinions est de plus en plus bafoué.
La presse écrite, pour ce qui la concerne, est toujours en crise, et le pluralisme y est menacé par de nouvelles concentrations. L’engagement triennal de l’État en faveur de ce secteur prend fin en 2011. Or ce dernier est loin d’être sorti d’affaire, et les préconisations du rapport Cardoso laissent craindre le pire.
S’il est pertinent d’améliorer et d’optimiser les aides à la presse, il est indispensable de renforcer le soutien aux journaux à faibles ressources publicitaires. L’intervention de l’État demeure très insuffisamment ciblée sur les titres qui en ont le plus besoin et qui concourent à l’exercice de la démocratie en s’adressant à un lecteur citoyen plutôt que consommateur.
Je suis par ailleurs partisan d’une modulation des aides qui prenne en compte le degré de concentration des titres. De plus, alors que le nombre des utilisateurs de tablettes progresse significativement et que l’avenir appartient au téléchargement payant, il devient urgent d’aligner le taux de la TVA applicable à la presse numérique sur celui du papier.
Le portage à domicile constitue l’un des objectifs essentiels qu’il faut atteindre avec la mutation numérique C’est pourquoi il serait souhaitable de moduler l’aide en vue de favoriser le portage multi-titres et inciter ainsi la presse quotidienne régionale à proposer de meilleures offres à la presse quotidienne nationale.
Par ailleurs, il faut aller encore plus loin dans les efforts accomplis pour que la presse écrite soit lue par les jeunes Il est vrai que la culture de l’écran se développe au grand galop. Il est donc essentiel de rendre le goût de la lecture aux jeunes, qui se détournent de celle-ci alors qu’elle est un élément fondamental de la formation et de la citoyenneté.
Dans ce combat en faveur du livre et de la lecture, l’arrivée du numérique est une occasion qu’il faut saisir pour rendre le goût de la littérature, de la poésie et des sciences à la jeunesse. L’amendement visant à instaurer un taux réduit de TVA à 5, 5 % pour le livre numérique comme pour le livre papier est de bon sens. D'ailleurs, le marché du livre numérique n’étant qu’émergent, cette mesure sera quasiment indolore pour le budget de l’État, alors qu’elle sera décisive pour l’essor du livre numérique.
En ce qui concerne l’AFP, si l’État augmente bien la part de ses abonnements, la légère hausse consentie revient à une quasi-stagnation en valeur réelle. Les injonctions à la modernisation et au développement de nouvelles ressources multimédias de l’AFP se font toujours plus pressantes. Nous sommes en droit de nous demander si l’insuffisance des crédits alloués n’est pas un moyen déguisé de faire passer pour inéluctable le changement de statut de l’agence, qui a pourtant fait ses preuves. Or sa modernisation peut se faire dans le cadre du statut actuel et du respect total et entier de l’indépendance de l’AFP, qui lui ont permis de devenir une référence internationale.
Monsieur le ministre, pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas les crédits de cette mission. Vous avez déclaré l’autre jour que l’État roulait en Trabant et Google dans l’Aston Martin de James Bond.