Intervention de Claudine Lepage

Réunion du 2 décembre 2010 à 15h00
Loi de finances pour 2011 — Compte spécial : avances à l'audiovisuel public

Photo de Claudine LepageClaudine Lepage :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la constitution, en 2008, de la société holding Audiovisuel extérieur de la France, AEF, est le point d’orgue de la réforme de l’audiovisuel extérieur public.

L’objectif affiché était que ce « meccano abracadabrant », selon les mots de M. Benamou, éphémère conseiller de M. Nicolas Sarkozy, puisse rivaliser avec BBC World et CNN.

Où en sommes-nous près de trois années plus tard?

Les tribulations de l’audiovisuel extérieur de la France se poursuivent !

Dès 2008, une crise diplomatique est évitée de justesse, après que les partenaires francophones de TV5 Monde se sont opposés à la réforme, craignant leur absorption pure et simple.

En 2009, le plus long conflit social de l’audiovisuel public se joue à RFI.

En 2010, d’importantes dissensions entre le président d’AEF et sa directrice générale déléguée occupent le devant de la scène et les pages des médias étrangers.

Cette situation n’est pas le fruit d’une quelconque malédiction qui pèserait sur notre audiovisuel extérieur. Elle résulte, plus trivialement, de maladresses stratégiques et politiques. En tout état de cause, elle suscite, un profond sentiment de gâchis.

Pour 2011, la dotation globale d’AEF est en augmentation de 3 %. Elle demeure pourtant en deçà des demandes de la holding. Qu’en sera-t-il, alors, avec la diminution significative, d’ores et déjà prévue, des crédits de l’audiovisuel extérieur, de 7 % en 2012 et de 10, 3 % en 2013 ?

Le Gouvernement attendrait, semble-t-il, un « retour sur investissement »... Cette obligation de dégager des ressources propres suscite une certaine inquiétude, encore exacerbée par la propension, constante ces dernières années, à privilégier France 24 au détriment de RFI et de TV5 Monde.

À cet égard, permettez-moi de m’émouvoir de l’impossibilité, pour la représentation nationale, de connaître ne serait-ce qu’une estimation de la répartition des subventions attribuées pour 2011 à chacune des entités de la holding.

Le contrat d’objectifs et de moyens, dont l’imminente publication est annoncée depuis des mois, revêt ici une importance toute particulière puisqu’il doit être assorti d’un plan de financement pluriannuel indiquant les montants des ressources publiques et les affectations des ressources propres. Où en est son élaboration, monsieur le ministre ?

Aujourd’hui, France 24, dernier né et enfant gâté d’AEF, est à son tour dans la tourmente. Au-delà des regrettables querelles de personnes, un sentiment de malaise point chez les salariés, en raison des conditions de travail en « flux tendu » et du flou de la ligne éditoriale.

Rappelons que l’objet même de la chaîne est bien de porter un regard français sur l’actualité internationale. Pour que cette sensibilité soit promue, encore faut-il que la chaîne soit accessible partout dans le monde. À cet égard, les synergies avec TV5 Monde sont réelles. Toutefois, il importe de finaliser davantage de contrats avec les opérateurs pour parvenir à une couverture mondiale.

D’ailleurs, d’importantes difficultés en termes de distribution existent, notamment en Amérique latine. Monsieur le ministre, des solutions ont-elles permis de pallier ce problème ?

TV5 Monde, justement, partenaire d’AEF et troisième réseau mondial de distribution, se révèle un outil précieux du rayonnement de la France. Il importe de le répéter, tant cette chaîne semble sous-estimée en France et au sein de la direction d’AEF.

Pour terminer, je veux évoquer la situation de RFI. Cette radio, dont le sérieux et l’expertise sont unanimement loués, sort peu à peu de sa convalescence. Le conflit de l’an passé a laissé des traces et l’importance du nombre de demandes de départ volontaires est très significative.

Aujourd’hui, c’est le projet de fusion avec France 24 qui nourrit des inquiétudes. En effet, outre le déménagement que cette fusion impliquerait, elle pourrait avoir des effets sur la gestion du personnel et l’évolution des rédactions. Par ailleurs, le rapport des experts mandatés par le comité d’entreprise, dans le cadre du droit d’alerte, et présenté il y a quelques semaines est extrêmement troublant. Ainsi, RFI aurait été volontairement mise en difficulté, et cette opération d’étranglement budgétaire trouverait son couronnement dans la fusion avec France 24…

Au-delà de tout jugement sur leur pertinence, ces conclusions radicales révèlent la persistance d’un profond traumatisme. RFI est une grande radio et l’un des meilleurs promoteurs de ce « regard français sur le monde ». Il nous appartient de veiller sur elle et de garantir sa pérennité.

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