Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien que la France soit certainement l’un des pays qui ait le mieux résisté, la crise qui nous a frappés en 2008 a eu, nous le savons tous, de graves répercussions sur l’emploi. Les chiffres sont éloquents : en août dernier, la France comptait près de 4 millions de demandeurs d’emploi, chiffre très proche du triste record de 1999.
Dans le contexte actuel, la politique de l’emploi doit donc revêtir une importance toute particulière.
Monsieur le ministre, le projet de loi de finances est fondé sur des prévisions de croissance pour le moins optimistes puisqu’il table sur une hypothèse de croissance de 2 % en 2011 et sur une amélioration de la situation de l’emploi en France.
Pourtant, selon les prévisions de l’Observatoire français des conjonctures économiques, la reprise devrait s’essouffler l’année prochaine, en raison notamment de la politique de rigueur budgétaire, et le taux de croissance ne devrait pas dépasser 1, 6 %.
Je sais bien que, le mois dernier, le nombre de chômeurs a baissé, pour la première fois depuis mai 2008. En réalité, le niveau de chômage s’est juste stabilisé ces trois derniers mois.
Votre prédécesseur s’était fixé l’objectif de faire passer le taux de chômage en dessous de 9 %. Selon ce que j’ai pu lire aujourd’hui, vous êtes beaucoup plus prudent. Quoi qu'il en soit, à l’évidence, la croissance ne sera pas suffisamment élevée pour maintenir l’emploi et l’augmentation du nombre de demandeurs d’emploi pourrait ne pas s’achever avant 2012.
Plus préoccupant : le chômage de longue durée devrait progresser puisque davantage de chômeurs arriveront en fin de droits. Actuellement, la durée moyenne de chômage atteint 438 jours, et la part des demandeurs d’emploi depuis plus de deux ans a progressé de 25 % en un an. D’ailleurs, un certain nombre d’entre eux risquent de basculer rapidement dans les minima sociaux.
Cette tendance s’ajoute à la hausse du chômage des seniors, qui poursuit son inquiétante progression, et au taux toujours préoccupant du chômage des jeunes.
Cet afflux va alourdir la tâche des agents de Pôle emploi. Censé être un des outils majeurs de la lutte contre le chômage, le remède pour passer en dessous de la barre des 5 % de sans emplois à l’horizon 2012, Pôle emploi, issu du mariage forcé de l’ANPE et des ASSEDIC, s’avère être un quasi-échec.
Le 9 novembre dernier, plus de 35 % des salariés de Pôle emploi étaient en grève et près de 400 sites étaient fermés pour protester contre les conditions de travail et les suppressions de postes à venir. Dans la conjoncture actuelle, on aurait pu s’attendre à une augmentation des effectifs, ou au moins à leur maintien. C’est l’inverse qui s’est produit puisque 1 500 CDD ne seront pas renouvelés et 300 départs de CDI ne seront pas remplacés, soit une suppression totale de 1 800 postes. Pourtant, monsieur le ministre, la situation aurait amplement mérité le maintien de ces postes.
Lors de la fusion, il avait été annoncé que le portefeuille de chaque conseiller n’excéderait pas, à terme, 60 personnes, voire 30 pour les cas jugés les plus difficiles. Or, actuellement, un conseiller traite en moyenne 120 dossiers, soit le double du nombre raisonnable estimé, et certains doivent même parfois s’occuper de 200 dossiers, pour gérer au mieux le flux des nouveaux inscrits. Cette situation place les salariés de Pôle emploi dans des conditions de travail difficiles, qui les empêchent de remplir correctement leur mission. Par ailleurs, le mécontentement des usagers s’amplifie, les files d’attente s’allongent, tout comme les délais pour obtenir un simple rendez-vous.
Cette situation n’est donc pas satisfaisante, ni pour les agents, ni pour les demandeurs d’emploi. Ces derniers sont évidemment les premières victimes de la grande désorganisation et de l’absence de disponibilité d’un personnel débordé, et surtout démotivé.
Je m’interroge d’ailleurs sur l’opportunité d’une diminution des crédits affectés aux maisons de l’emploi, qui jouent un rôle très important au sein du service public de l’emploi.
Face à l’urgence, il aurait été indispensable de prendre des mesures fortes afin d’aider les chômeurs et de protéger l’emploi dans notre pays. Il aurait également fallu se donner les moyens d’une refonte réelle du service public de l’emploi.
À ce titre, je souhaiterais me faire le porte-parole de l’ensemble des ultramarins, pour qui le constat est tout aussi alarmant, sinon plus.
Le marché du travail s’est fortement dégradé en 2009 en raison du blocage de l’activité économique. Nos régions sont rongées par le chômage. Celui-ci est en effet trois fois plus élevé aux Antilles-Guyane, par exemple, qu’en métropole. Les minima sociaux représentent d’ailleurs la seule ressource financière de 15 % de la population. Rien qu’en Guadeloupe, on dénombre plus de 60 000 demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi. Ainsi, en 2009, le taux de chômage atteignait 23 %.
La dégradation du marché du travail touche principalement, comme en métropole d’ailleurs, les jeunes actifs de moins de trente ans – plus de 50 % d’entre eux sont au chômage – et les seniors. Plus de la moitié des chômeurs sont sans emploi depuis plus de trois ans.
Vous comprendrez donc, monsieur le ministre, que l’examen des crédits de la mission « Travail et emploi » soit important pour la région que je représente et pour l’outre-mer en général. Cela étant, je n’ignore pas que ce sujet est également essentiel pour la métropole.
Les crédits de la mission, bien qu’en légère progression, me semblent insuffisants par rapport à l’ampleur de la tâche. Je suis surpris, pour ne pas dire inquiet, de constater que, sur la période 2011-2013, leur diminution atteindra 20 %.
En revanche, je me réjouis profondément de l’augmentation de 7 % des crédits consacrés à l’amélioration de l’accès à la qualification. La formation professionnelle, M. le rapporteur l’a souligné, est une priorité. En l’occurrence, il faut le dire, les actions menées par le Gouvernement depuis 2009 sont un réel succès.
On peut tout particulièrement se féliciter de la volonté du Président de la République de doubler le nombre de jeunes en contrat en alternance pour lutter contre le chômage. L’alternance peut en effet être un véritable tremplin pour les jeunes, car elle améliore les compétences et facilite l’insertion dans la vie active. En effet, les jeunes entrent en moyenne à vingt et un ans dans le monde professionnel et accumulent souvent périodes d’inactivité, stages et CDD. Il est donc important que ces contrats débouchent sur une embauche définitive, ce qui nécessite la mise en place d’une véritable formation.
Monsieur le ministre, en dépit des quelques éléments de satisfaction, notamment ceux que je viens d’évoquer, la majorité de mes collègues du RDSE considère que ce projet de budget manque d’ambition dans un climat de crise sociale. C’est la raison pour laquelle ils expriment leur plus grande réserve quant aux crédits alloués à cette mission.