…de faire partir 3 000 salariés de plus de 58 ans à la retraite anticipée, sans avoir l’intention de les remplacer. Même si ce n’est pas dit, il s’agit bien là d’un plan social déguisé !
Lors du débat sur les retraites, monsieur le ministre, votre prédécesseur avait pourtant mis l’accent sur la nécessité de maintenir les seniors dans l’emploi. Vous le voyez, en dépit du nouveau dispositif d’aide à l’embauche des seniors créé par la réforme des retraites, et que nous avons fortement dénoncé, ceux-ci restent la première variable d’ajustement des entreprises.
En ce qui les jeunes, la non-reconduction des 120 millions d’euros du plan « Agir pour la jeunesse » et la suppression progressive de près de 210 000 contrats aidés vont inéluctablement dégrader leur situation quant à l’emploi. Bien que le Gouvernement affiche une volonté farouche en matière de contrats en alternance, il sera confronté au manque d’entreprises prêtes à accueillir ces jeunes, qui pourraient y trouver une solution alternative.
En choisissant l’austérité pour répondre à ce chômage de masse, vous faites fausse route. Le prolongement durable de la crise résulte notamment de la faiblesse de la demande, imputable à un pouvoir d’achat en berne et à la stagnation des revenus. Ainsi, selon des travaux récents du Fonds monétaire international, promoteur par excellence du libéralisme économique et social, un pays qui consent un effort d’austérité de 1 % de son PIB verra la croissance de celui-ci se contracter de 0, 5 point au bout de deux ans. C’est donc bien d’une véritable politique de relance par la demande, offensive et ambitieuse, que notre pays a besoin !
D’ailleurs, l’Allemagne, que vous aimez à citer en exemple, monsieur le ministre, ne s’y est pas trompée puisque le ministre fédéral de l’économie et de la technologie, le très libéral Rainer Brüderle, déclarait récemment en réponse au syndicat allemand IG Metall, qui réclamait leur « juste part de croissance » pour les salariés, que « des hausses de salaires substantielles sont possibles ».
Ainsi, pour sortir de la crise, nous devons définir une autre répartition des richesses et mettre en œuvre une autre politique de développement. En effet, celle qui est à l’œuvre aujourd’hui se caractérise par la prégnance de la sphère financière sur la sphère réelle, par une fiscalité qui favorise les plus nantis, par une répartition des richesses qui privilégie les actionnaires, à tel point que, en 2009, selon le magazine l’Expansion, 580 milliards de dollars ont été amputés de la fiche de paie des salariés du monde entier au bénéfice des profits des entreprises.
Monsieur le ministre, avec ce budget, le Gouvernement fait le choix du renoncement et de la rigueur, tout en maintenant pourtant les allégements généraux de cotisations patronales dits « Fillon », ainsi que les exonérations des heures supplémentaires et complémentaires. Sur un budget total de 51, 44 milliards d’euros, la part cumulée de ces allégements et exonérations s’élève à 29, 71 milliards d’euros, soit plus de 55 %.
Maintenir ces exonérations et ces allégements sans faire un état des lieux et une étude d’impact de leurs effets sur l’emploi est aujourd’hui un non-sens, d’autant que ce maintien se fait au prix d’un désengagement de l’État vis-à-vis du service public de l’emploi et de la formation professionnelle.
En effet, alors que Pôle emploi est en proie à des dysfonctionnements importants, dus au manque criant de moyens humains qui lui sont alloués – ce qui a d’ailleurs conduit à la démission du médiateur de Pôle emploi, Benoît Genuini –, vous décidez de supprimer 1 800 postes. Or, aujourd’hui, chaque agent de Pôle emploi est chargé du suivi de 103 demandeurs d’emploi, contre 92 l’an dernier, soit une augmentation de 12 % de leur charge de travail. Nous sommes donc largement au-dessus de l’objectif initial – souvenez-vous, monsieur le ministre – de 60 demandeurs d’emploi par conseiller. Une telle surcharge de travail ne permet pas de répondre aux besoins des usagers ou à l’attente des salariés. C’est en tout cas ce que les salariés ont exprimé lors de leur mobilisation, le 9 novembre dernier.
Quant aux maisons de l’emploi, vous les asphyxiez financièrement. En réduisant leurs crédits de fonctionnement de plus d’un tiers, vous les condamnez à mourir. Pourtant, depuis leur création, elles travaillent en complémentarité avec l’État, Pôle emploi et les collectivités territoriales afin de favoriser l’ancrage territorial des politiques de l’emploi.
Et que dire de nos missions locales, qui voient, elles aussi, leurs crédits diminuer, alors que chacun reconnaît leur rôle essentiel dans l’accompagnement en matière d’insertion sociale et professionnelle de nos jeunes de 16 à 25 ans ?
L’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, n’est pas non plus épargnée. Après avoir transféré ses psycho-orienteurs à Pôle emploi, qui n’a d’ailleurs pas la capacité de les accueillir, après lui avoir transféré l’entretien du patrimoine, après l’avoir soumise à la loi du marché, elle est aujourd’hui confrontée à des difficultés financières majeures. Or les crédits qui lui sont alloués dans le cadre de ce projet de loi de finances sont à peine de 57, 7 millions d’euros quand ils s’élevaient à 109, 2 millions d’euros en 2010 et à 716, 30 millions d’euros en 2003.
Le temps me manque pour évoquer ici le secteur de l’insertion par l’emploi. J’y reviendrai donc au moment de la défense d’un amendement déposé par notre groupe à ce sujet.
Pour terminer, je souhaite dénoncer une autre baisse affectant ce budget, celle de 10 % des crédits destinés à l’ANACT, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail. Monsieur le ministre, cette réduction est un non-sens alors que la souffrance au travail est devenue un « mal sociétal ». Le débat sur les retraites a d’ailleurs mis en exergue cette souffrance qui incite des salariés à partir plus tôt à la retraite, au prix même d’une décote.
L’amélioration des conditions de travail est une responsabilité dont notre pays ne doit pas s’exonérer. Vous vous étiez d’ailleurs engagé ici même, au sein d’un autre gouvernement, à obtenir un accord sur la pénibilité. Les salariés concernés attendent toujours !