Même si je comprends bien les intentions tout à fait louables des auteurs de l'amendement, je crois qu'on ne peut pas modifier de cette manière l'équilibre institutionnel de la Ve République.
L'amendement couvre à la fois les projets de loi et les propositions de loi.
Pour les propositions de loi, l'amendement n'ajoute rien, puisque ce qu'il prescrit est déjà la règle. En effet, si nous n'apportons pas le financement nécessaire aux propositions qui sont génératrices de pertes de recettes ou créatrices de dépenses, même si l'article 40 ne permet pas la compensation en matière de dépenses, l'irrecevabilité s'applique.
En réalité, l'amendement vise surtout les initiatives du Gouvernement. Or, mes chers collègues, la grande réforme de 1958 en matière constitutionnelle et financière - je le dis au rapporteur général, puisque je ne suis pas tout à fait d'accord avec son interprétation, que je trouve un petit peu restreinte - a consisté à faire perdre au Parlement tout droit d'initiative en matière de dépenses.
En matière de dépenses publiques, l'initiative relève exclusivement du Gouvernement. Si le Conseil constitutionnel a accepté dans la loi organique relative aux lois de finances une légère entorse à ce principe, en permettant de transférer des crédits d'un programme à un autre, la règle est quand même que le Parlement a perdu, en 1958, le droit d'initiative en matière financière.
De ce point de vue, je rejoins le rapporteur général, même avec un raisonnement différent, pour dire que cette proposition d'amendement ne peut donc relever que d'une révision constitutionnelle.
Il est bien évident qu'on ne peut pas appliquer au Gouvernement, dans ces conditions, des contraintes nouvelles, quant à son droit d'initiative législative, qui ne sont pas expressément prévues par la Constitution. La loi ne peut ni modifier ni ajouter à la Constitution.
Il n'empêche qu'en ce qui concerne les collectivités locales, compte tenu de la nouvelle donne qui résulte de la révision constitutionnelle de 2003, il y a sans doute une réflexion à conduire dans la voie que nous indiquent les collègues qui ont signé l'amendement de M. Détraigne.
En particulier, je me demande s'il ne faudrait pas un jour attaquer la réforme de l'article 34 de la Constitution, lequel, je me permets de vous le rappeler, peut être modifié ou complété par une simple loi organique - il n'y a donc même pas besoin d'aller à Versailles -, pour prévoir que tout ce qui concerne les charges des collectivités locales est du domaine de la loi et non plus du domaine du règlement.
Dans ce cas-là, mes chers collègues, que se passera-t-il ? On ne pourra plus imposer aux collectivités, par simple décret ou arrêté, des charges supplémentaires non compensées ou non financées. Il faudra passer par la loi et si le législateur, qui reste toujours maître de ses choix, décide, lui, de le faire, personne ne pourra aller contre sa décision, sinon sur le plan politique, mais c'est un autre problème !
Monsieur le président, aller dans le sens de l'amendement n° II-279 de M. Détraigne et de ses amis, c'est non seulement prendre le risque de l'inconstitutionnalité - car, selon moi, le Conseil constitutionnel, s'il est saisi, ne mettra pas cinq minutes pour annuler cet article ! -, mais, surtout, donner le signal que l'on pourrait aussi modifier par la loi, dans un sens positif ou négatif, la compétence parlementaire.
Par conséquent, il faut laisser à la Constitution ce qui relève de son domaine et à la loi ce qui relève du sien.
S'agissant de l'article 34 de la Constitution, qui définit le domaine de la loi, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, dans vos réflexions, je ne verrais que des avantages au fait de se pencher sur la question de savoir s'il ne faut pas, presque, pour la première fois depuis 1958, voter la loi organique prévue au dernier alinéa de l'article 34. Cet alinéa précise en effet que : « Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique. ». Cela permettrait, par exemple, de prévoir que tout ce qui concerne les charges et les recettes des collectivités locales ne relève que de la loi.
Alors les choses seront claires, car toutes ces matières seront réglées ici et non plus dans les bureaux ministériels. De plus, nous n'aurons pas pour autant remis en cause les équilibres de la Constitution de 1958, qui méritent, pour le moins, dans le cas de l'amendement de nos collègues, un congrès à Versailles ou peut-être même un référendum.