Avec cet article 58, vous entendez, monsieur le ministre délégué, poursuivre ce que nous estimons être le démantèlement de l'impôt de solidarité sur la fortune.
Vous voulez vider l'ISF de son contenu. Il a déjà été fortement réduit après le vote, par votre majorité, d'exonérations démesurées en faveur du capital financier et d'abattements en matière de donations.
Vous vous êtes d'ailleurs partagé le travail : l'initiative des parlementaires de la majorité complète parfaitement celles du Gouvernement. Entre vous, seul le style change ! Les mesures d'initiatives gouvernementales ont en effet une particularité : la réforme de l'ISF n'y dit jamais son nom.
Monsieur le ministre délégué, vous présentez, sous certaines formes qui sont très habiles à première vue, une réforme importante.
En même temps, vous refusez de dire la vérité en face quand vous présentez cet article 58. Ainsi, vous dissimulez votre choix d'une réduction de l'ISF derrière l'expression de « bouclier fiscal ». Vous nous dites qu'il faut s'intéresser au sort de ceux que le Fisc accablerait ; l'impôt serait, pour certains, à tel point confiscatoire, qu'une réforme les protégeant serait nécessaire.
Vous nous laissez supposer que le Gouvernement serait protecteur, voué au citoyen contribuable, qui paye l'ISF. Nous ne partageons pas ce point de vue, loin s'en faut !
Nous vous invitons plutôt à regarder la situation de ceux qui sont effectivement accablés, celle de ceux que la collectivité doit aider et protéger.
Regardons la situation des ménages surendettés. C'est très significatif : des salariés dont les revenus se situent entre 1 500 et 3 000 euros sont maintenant concernés. Plus de 188 000 dossiers de surendettement ont été déposés en 2004, quand le « bouclier fiscal » ne s'adresse qu'à 93 000 contribuables, et ne profite surtout qu'à 13 000 d'entre eux.
Les dossiers de surendettement en disent long sur ce qui accable les ménages modestes et moyens. Ce n'est pas le « trop d'impôts » dont vous parlez qui en est cause.
Il peut, certes, y avoir des difficultés, notamment avec la taxe foncière. D'où notre proposition de réforme, prévoyant des abattements pour les ménages modestes, comme cela se fait pour la taxe d'habitation. Mais vous les refusez pour le moment.
Pourtant, le surendettement de ces ménages n'est pas lié à l'ISF. Pour quelques-uns, il peut avoir un lien avec l'impôt sur le revenu, mais généralement, une issue est trouvée dans le cadre de recours formés auprès des services des impôts.
Le vrai problème, pour les ménages populaires, est celui des dettes de la vie courante, qui les accablent : le loyer, l'eau, le gaz, l'électricité, le transport ou la restauration scolaire.
Le bouclier, c'est à ce niveau qu'il faudrait le déployer : contre la spéculation immobilière, pour une baisse du prix de l'essence, en refusant également l'augmentation du prix du gaz, pour des services publics permettant de répondre à leurs besoins.
Ces ménages auraient également besoin d'un bouclier pour empêcher les expulsions, les coupures d'eau, d'électricité ou de gaz. Ils auraient surtout besoin qu'on les protège contre les bas salaires, la précarité, le chômage non indemnisé.
Or vous proposez le contraire ! Vous donnez l'argent à ceux qui en ont le moins besoin, les spéculateurs, les grandes fortunes, qui laissent proliférer la misère.
Alors que des salariés vivent dans la rue, vous vous acharnez à supprimer l'ISF, qui représente, pour une résidence principale de 950 000 euros, 154 euros !
Il n'est pas possible de résoudre les problèmes de cette façon. Vous avez, comme nous, été témoins des événements récents. Vous savez donc que la population est très sensible à cette situation et que les personnes les plus fragiles rencontrant de graves difficultés souhaitent être entendues.
Or la suppression progressive de l'ISF est l'illustration de votre déni de cette réalité. Elle marque également votre refus d'une imposition sur le patrimoine. Or, je vous le rappelle, 10 % des Français les plus riches possèdent 46 % du patrimoine total, et 59 % du patrimoine financier.
Pour vous, posséder et accumuler ces richesses ne doit pas justifier une contribution supplémentaire aux dépenses publiques. Autrement dit, ceux qui ont les moyens ne doivent pas payer !
Nous ne voulons pas de ce bouclier fiscal qui, en fait, est le refus d'une société qui serait solidaire non plus seulement en paroles, mais également dans les actes !