Au travers de cet article et des suivants, vous nous proposez, monsieur le ministre, une réforme de l'impôt sur le revenu à bien des égards inacceptable.
Le seul point sur lequel nous pourrions éventuellement être d'accord, c'est quand vous dites que cette réforme est d'une portée majeure : elle l'est en effet, à nos yeux, parce qu'elle vise à modifier en profondeur la conception de l'impôt sur le revenu.
Vous intensifiez l'attaque que vous menez depuis des années contre cet impôt. On le sait, la moitié des foyers ne l'acquittent pas, et vous nous proposez une réduction de la fiscalité pesant sur les ménages qui est, en fait, une étape vers l'instauration de la proportionnalité de l'impôt sur le revenu.
Cet acharnement a pour résultat une perte de 50 milliards d'euros depuis 2000, sans qu'aucune réflexion sur l'assiette de l'impôt sur le revenu ait été menée.
Certes, il faudrait réformer l'impôt sur le revenu, mais surtout pour en accentuer la progressivité et pour renforcer l'égalité devant l'impôt.
Cela passe par un traitement juste de tous les types de revenus. En particulier, il ne faut pas accorder de traitement de faveur aux titulaires de rentes et de revenus qui ne sont pas issus du travail.
Or vous faites le contraire, monsieur le ministre : à coups de prélèvements libératoires, d'exonérations et d'abattements divers, vous multipliez les avantages consentis aux bénéficiaires de revenus financiers.
Un traitement juste, c'est également ce que permet l'abattement de 20 % sur les revenus salariaux, mais rien ne justifie qu'il soit étendu aux revenus non salariaux.
La justice et l'efficacité passent aussi par une mise à plat des niches fiscales, une évaluation de leur pertinence. Or c'est précisément ce que vous voulez éviter avec le plafonnement de l'imposition que vous préconisez.
La justice et l'efficacité supposent surtout un nombre de tranches suffisamment élevé, afin de garantir la progressivité de l'impôt sur le revenu ; avec cet article 59, vous la mettez à mal. Que chacun contribue en fonction de ses capacités n'est manifestement pas votre objectif. Pourtant, c'est un principe constitutionnel.
Vous allez souvent prendre des exemples chez nos voisins, mais vous ne dites jamais, par exemple, que le poids de l'impôt sur le revenu est très faible en France : 3, 2 % du PIB, alors que la moyenne européenne s'établit à 10 %.
Pour ce qui nous concerne, nous sommes préoccupés par la justice fiscale et l'efficacité économique et sociale.
Vous nous dites que vous voulez simplifier, que quatre tranches c'est mieux parce que plus simple. C'est sous-entendre qu'un seul taux serait mieux encore.
Ces deux arguments - les standards européens et la prétendue simplicité - ont pour objectif de nous conduire petit à petit vers la flat tax, c'est-à-dire le même taux pour tous.
Selon un chroniqueur du journal Les Échos, Jean Marc Vittori : « Tout se passe comme si nos gouvernants s'efforçaient sans le dire de supprimer peu à peu le seul impôt ayant une fonction de redistribution ». Et il ajoute : « Nous allons tout droit vers un système d'impôts proportionnels. C'est la flat tax... » et précise que cet impôt « supprime de facto toute progressivité ».
Ce modèle fiscal est on ne peut plus injuste et inefficace. Voilà pourquoi nous tenions à vous dire notre profond désaccord avec cette réforme de l'impôt sur le revenu.