J'ai écouté avec intérêt M. le ministre et M. le rapporteur général, dont l'intervention était plutôt équilibrée : je l'avoue, je m'attendais à pire ! L'un et l'autre ont bien fait ressortir qu'il s'agissait d'un sujet tout à fait sérieux, qui a d'ailleurs mobilisé de nombreuses associations d'élus.
On peut tout d'abord se demander s'il est fondé de considérer le dispositif Malraux comme une niche. À mes yeux, l'appellation « loi Malraux » a tout de même une certaine noblesse, et j'estime qu'il est un peu désolant d'aborder une loi aussi emblématique, une question aussi grave, sous la rubrique des niches fiscales. Je le dis franchement, même s'il s'agit du terme technique consacré, en l'occurrence, je trouve son emploi choquant.
Certes, ce dispositif a été mis en place voilà quarante-trois ans, mais il a incontestablement donné des résultats remarquables, même si, comme l'a dit M. le rapporteur général, il existe encore des secteurs sauvegardés qui continuent à se dégrader.
Sur la méthode, je rejoins M. le ministre : il faut engager un dialogue et éviter de traiter cette question des délais au détour d'un amendement. Un dialogue avec les élus me paraît vraiment indispensable, monsieur le rapporteur général.
Car, ne l'oublions pas, dans cette affaire, les praticiens, ce sont les maires ! Lorsqu'on parle des niches fiscales, on pense aux contribuables qui bénéficient de ce dispositif, mais pensons d'abord aux élus qui conduisent une politique urbaine : ce sont eux qui interpellent les pouvoirs publics en ce moment et ce sont eux qui vont être touchés par ces délais !
Hier, lorsque nous avons parlé des mutuelles, vous avez dit, monsieur le ministre, que la courtoisie vous commandait de ne pas prendre de décision les concernant sans les avoir consultées au préalable. La courtoisie n'exige-t-elle pas aussi de discuter avec les maires de toutes tendances de cette question qui concerne les centres historiques ? Or toutes les associations d'élus qui vous ont interpellé n'ont reçu aucune réponse à ce jour.
Si je devais me rallier à une des propositions qui nous ont été soumises, je dirais qu'un délai de vingt ans m'apparaît comme un minimum. En effet, l'instruction de tels dossiers est d'une complexité infinie, d'autant qu'elle implique à la fois une action publique et des initiatives privées. Comme M. Jarlier l'a précisé, l'élaboration d'un plan de sauvegarde peut exiger cinq ans ou six ans au moins, et il faut ensuite qu'il soit approuvé.
De surcroît, la plupart du temps, il s'agit non pas d'un immeuble, mais d'un îlot, souvent insalubre. Sont en jeu différentes copropriétés, des successions. On ne peut pas exproprier dans ces affaires-là ; il faut attendre que les successions soient réglées... Et pendant ce temps-là, les immeubles se dégradent !
Dans la ville que j'administre, qui abrite un des premiers secteurs sauvegardés de France - il a été créé en 1963 -, il y a encore des îlots insalubres !
La question des délais est d'ailleurs plus compliquée qu'on ne le pense dans la mesure où il existe des procédures de révision et d'extension. En cas de révision, que se passera-t-il ? Remettra-t-on le compteur du délai à zéro ? Si c'est le cas, tout le monde entamera une procédure de révision !
Décidément, il est indispensable d'avoir des discussions approfondies avant de prendre quelque décision que ce soit, y compris sur cette question de délai.