Intervention de Guy Fischer

Réunion du 26 novembre 2009 à 10h00
Financement de la sécurité sociale pour 2010 — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixte paritaire

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant toute chose, je voudrais saluer une fois encore le travail de qualité fourni par les rapporteurs et les services du Sénat, qui nous ont permis d’avoir un échange de grande tenue, et cette année, en particulier, nos débats auront été « riches en confrontations », au sens noble du terme.

Toutefois, je regrette que le Gouvernement et sa majorité aient décidé de prendre le parti du « laisser filer ». La hauteur astronomique des déficits – plus de 30, 6 milliards d’euros en 2010 et 150 milliards à 170 milliards d’euros en 2013 – vous invitait pourtant à agir. Il ne suffit plus de vouloir intervenir sur les dépenses, il faut aussi impérativement agir sur les ressources.

Au cours de nos débats, nous n’avons eu de cesse de vous proposer d’accroître ces dernières, en taxant les parachutes dorés, les stock-options, les retraites chapeau et autres jetons de présence. Nous avons fait preuve d’imagination, mais vous ne nous avez pas entendus.

Il s’agissait pour nous, d’assujettir l’ensemble des revenus du travail, directs comme indirects à l’ensemble des cotisations patronales, c’est-à-dire de réintégrer ces éléments de rémunération dans le droit commun. Car rien ne justifie socialement que ces rémunérations échappent aux cotisations sociales. De la même manière, nous avons plaidé en vain pour la suppression du bouclier fiscal, mécanisme qui permet aux plus riches de contourner leurs obligations en matière de solidarité fiscale et sociale.

À ce titre, je voudrais vous communiquer deux chiffres. En 2007, un milliard d’euros de stock-options a été déclaré au fisc français au taux particulier de 30 %, cette mesure qui ne concerne que 10 000 foyers fiscaux, aura tout de même coûté à l’État la modique somme de 100 milliards d’euros. Dans le même ordre d’idée, 2 500 grands dirigeants d’entreprise ont cumulé à eux seuls 2, 5 milliards d’euros de parachutes dorés. Il n’est pas admissible que ces sommes considérables continuent à échapper – partiellement du moins – aux cotisations sociales. Et si nous accueillons favorablement le doublement du forfait social, nous continuons à penser qu’il faut aller plus loin, au nom de la justice sociale, mais aussi et surtout pour garantir la pérennité de notre système de protection sociale.

À ce sujet, je voudrais vous faire part de mon scepticisme à propos de l’amendement adopté en CMP sur les retraites chapeau. Si nous mesurons mal les conséquences concrètes de son adoption, qui prévoit la substitution aux cotisations patronales par un taux de 30 %, nous regrettons que vous refusiez encore la taxation dès le premier euro, alors même que cette mesure aurait permis de réintroduire une dose d’égalité entre les retraités de notre pays et ceux qui bénéficient de régimes pour le moins particuliers.

Par ailleurs, je regrette que vous perduriez cette année encore dans la politique d’exonération de cotisations sociales à l’égard des entreprises. Je ne reviendrai pas sur le débat que nous avons eu précédemment. Mais ces cotisations, qui sont de véritables parts de salaires socialisés, n’appartiennent pas au Gouvernement.

Elles sont la propriété des salariés de notre pays, et vous ne pouvez les utiliser à votre guise, quand bien même il s’agirait de soutenir votre politique industrielle. C’est d’autant plus vrai que ces exonérations, dont une partie n’est pas compensée par l’État, constituent de véritables trappes à bas salaires, plongeant ainsi les salariés dans un vaste mouvement de paupérisation et asphyxiant, de fait, la sécurité sociale. En témoigne l’écrasement des salaires et des retraites, une donnée à laquelle les Françaises et les Français sont très sensibles.

En ce qui concerne le financement de la branche maladie, nous regrettons que vous n’ayez pas jugé bon de mettre l’industrie pharmaceutique un peu plus à contribution. Pourtant, les laboratoires se portent bien. Le premier groupe pharmaceutique français, numéro quatre mondial, enregistre une hausse de 6, 4 % de son bénéfice net consolidé, qui s’élève à 1, 4 milliard d’euros, tandis que le laboratoire Ipsen annonce une hausse de son chiffre d’affaires de 5, 4 %, mais c’est moins que le laboratoire lyonnais Boiron qui a vu son chiffre d’affaires croître de 7, 5 % !

En lieu et place, vous préférez recourir, cette année encore, au même mécanisme – théoriquement exceptionnel – que celui que vous avez employé l’année dernière, à savoir l’instauration d’une taxe sur les organismes d’assurance complémentaire. Vous expliquez cette fois-ci cette contribution par la volonté de ces organismes de participer à la lutte contre la pandémie de grippe A.

Permettez-nous d’en douter, car, comme vous le savez, le ministère de la santé a acheté 94 millions de doses de vaccin, pour un montant total de 712 millions d’euros, toutes taxes comprises. Or, la contribution des organismes d’assurance maladie complémentaire, qui correspond à leur prise en charge habituelle de 35 %, a été calculée sur une facture globale de 870 millions d’euros. Il y a donc inadéquation entre les sommes réellement engagées et celles qui sont exigées des mutuelles.

Au mieux, les mutuelles contribuent plus que ce qu’elles devraient au regard de leur engagement ; au pire, il ne s’agit là que d’un prétexte pour les contraindre à participer encore un peu plus au financement de notre système. J’en veux d’ailleurs pour preuve l’orientation de ces sommes vers la Caisse nationale d’assurance maladie et non vers l’EPRUS, l’Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires.

D’une manière plus globale, nous dénonçons le mouvement assurantiel que nous constatons aujourd’hui. Qu’il s’agisse du déremboursement de plusieurs centaines de médicaments ou de la création du secteur optionnel, tout converge vers la substitution progressive de la sécurité sociale par les organismes d’assurances complémentaires.

Ce faisant, vous fragilisez notre pacte social et le principe selon lequel tout un chacun contribue selon ses capacités et perçoit selon ses besoins. Le modèle vers lequel vous nous menez, inspiré du modèle américain, est injuste, car il repose sur la seule capacité contributive des assurés. Or nous savons déjà que seuls les contrats les plus chers offriront une couverture intégrant la prise en charge du secteur optionnel. Ce secteur étant appelé à s’étendre, notamment parce qu’il siphonnera le secteur 1, votre décision n’aura pour seul effet que d’accroître les inégalités sociales en matière de santé et de fragiliser encore un peu plus les patients les plus démunis.

D’ailleurs, je voudrais vous faire part de nos interrogations quant à l’adoption de l’amendement déposé par M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales concernant la substitution de l’ONIAM, l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, aux médecins libéraux dans le cadre de leur couverture d’assurance.

Tout d’abord, je regrette la technique utilisée pour étendre cette mesure, initialement restreinte aux obstétriciens, à tous les généralistes. Si M. le rapporteur général avait pour projet de l’étendre à tous les libéraux, il eût été préférable, nous semble-t-il, qu’il dépose un amendement en ce sens en séance publique. Étendre une telle mesure en commission mixte paritaire revient à la dévoyer, et nous le regrettons.

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