Intervention de Nicole Borvo Cohen-Seat

Réunion du 20 décembre 2010 à 15h00
Adaptation du règlement du sénat au traité de lisbonne — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Nicole Borvo Cohen-SeatNicole Borvo Cohen-Seat :

Monsieur le président, mes chers collègues, près de trois ans après la modification de la Constitution permettant la ratification du traité de Lisbonne, le Sénat se met à jour, un an et demi après l’Assemblée Nationale. Autant dire que cela n’avait pas l’air très important !

La proposition de résolution concerne la « transposition » dans le règlement du Sénat des dispositions des articles 88-6 et 88-7 de la Constitution.

L’article 88-6 introduit un droit de contrôle du Parlement sur le respect du principe de subsidiarité par les actes législatifs européens.

L’article 88-7 concerne le droit d’opposition reconnu aux parlements nationaux par l’article 48 du traité de Lisbonne.

Avant d’examiner rapidement les dispositions de cette proposition de résolution, je souhaite souligner le caractère presque dérisoire du débat d’aujourd’hui.

En 2008, les défenseurs du traité de Lisbonne promettaient que son adoption renforcerait le rôle des parlements nationaux, notamment via les deux articles que je viens de mentionner. Or ce n’est pas du tout le cas. Un exemple récent le démontre : aucun débat n’a eu lieu sur le plan d’aide à l’Irlande, auquel contribue évidemment notre pays. Mon groupe avait pourtant formulé officiellement une demande en ce sens, dans le cadre de l’article 50-1 de la Constitution, qui prévoit la possibilité d’organiser des débats de politique générale.

Le Gouvernement et la majorité du Sénat ont refusé cette proposition au double titre, d’une part, que le Président de la République ne devait pas être gêné dans son action et, d’autre part, que les marchés pourraient être inquiets d’une intrusion du politique dans leur sphère.

Une démonstration similaire peut être effectuée s’agissant des politiques budgétaires de chaque État.

L’offensive menée par le Nicolas Sarkozy et les dirigeants européens contre l’indépendance budgétaire des États prend également à contre-pied l’idée d’un renforcement du rôle des parlements nationaux sur des questions importantes.

Il n’est pas possible de défendre l’idée du renforcement des parlements tout en acceptant le principe d’un contrôle préalable des budgets nationaux par les autorités européennes, Commission en tête. Il s’agit, nous le voyons bien, de contester le droit absolu des citoyens à décider des dépenses de leur pays.

En réalité, la mise sous tutelle des États européens, de leurs institutions propres, par la Commission européenne et la Banque centrale européenne, la BCE, se renforce encore avec la crise.

Ce sont bien les « marchés » qui gouvernent l’Europe, au travers d’instances dépourvues de réelle légitimité démocratique. Les agences de cotations et les opinions de M. Trichet pèsent beaucoup plus lourd que les avis ou votes des instances nationales.

Ces deux exemples confirment la faible portée des articles 88-6 et 88-7 de la Constitution, qu’il nous est proposé de rendre applicables aujourd’hui.

Ce que beaucoup, bien au-delà des partisans du non au référendum de 2005, ont appelé le « déficit démocratique » est toujours là. Ce ne sont pas les mesurettes d’aujourd’hui qui y changeront quoi que ce soit !

Le statut de la Banque centrale européenne demeure fondé sur le principe d’indépendance à l’égard des États et a fortiori des parlements nationaux.

Si les souhaits des Français exprimés en 2005 avaient été entendus, le traité de Lisbonne aurait instauré un contrôle politique de la Banque centrale européenne par les parlements européens et nationaux. Nous en sommes bien loin ! Nous voyons bien que, comme je l’ai déjà indiqué, seuls les marchés dictent aujourd'hui leur loi à la BCE.

Plus généralement, nous ne pouvons que le constater, rien n’a changé ! Les institutions européennes n’ont pas été réformées ; elles n’ont pas été démocratisées non plus. Les pouvoirs sont concentrés dans des instances non élues comme, outre la BCE, la Commission européenne ou encore la Cour de justice de l’Union européenne, qui détient – je vous le rappelle – une part importante du pouvoir législatif dans l’Union européenne et, par voie de conséquence, dans chacun des États membres.

À la différence de nos juridictions, la Cour de justice de l’Union européenne statue pour l’avenir par dispositions générales et opposables à tous, comme la loi elle-même.

Qui sont ces juges surpuissants ? Qui les nomme ? Qui les contrôle ? Certainement pas les parlements nationaux, ni le Parlement européen !

Je note enfin que rien n’a été fait pour renforcer la procédure de contrôle a priori de l’élaboration des actes communautaires, l’actuel article 88-4 de la Constitution refusant toujours et encore le caractère de mandat impératif donné par le Parlement aux ministres, contrairement à ce qui existe, par exemple, au Danemark.

Les nouvelles dispositions constitutionnelles à l’égard des parlements nationaux auxquelles cette proposition de résolution fait référence concernent uniquement un contrôle du respect du principe de subsidiarité et un pouvoir d’empêchement relatif de la mise en œuvre de la procédure qui permet de passer du principe de l’unanimité au principe de la majorité qualifiée dans tel ou tel domaine.

En quelques mots, je souhaite souligner que ces dispositions sont de peu de portée, car elles ont peu de chances d’aboutir et concernent des domaines très limités.

Monsieur le rapporteur, vous indiquez dans votre rapport que le contrôle du respect du principe de subsidiarité à l’égard des actes législatifs européens doit se faire dans le cadre d’un avis motivé adressé aux présidents des institutions de l’Union, dans un délai de huit semaines à compter de la date à laquelle le projet d’acte européen a été transmis. Ce délai est si court qu’il rend par lui-même la procédure très difficile. Certes, vous nous avez incités à nous dépêcher, mais le fait est là, ce délai est très court.

Par ailleurs, les autorités européennes peuvent « tenir compte » de cet avis – sans plus ! – et il faut qu’un tiers ou 25 % des parlements nationaux se soient prononcés dans le même sens.

Pour le contrôle a posteriori du principe de subsidiarité, grande innovation, les parlements peuvent saisir la Cour de justice, alors que tout Européen pouvait le faire jusqu’alors. Il faut noter que les recours ne peuvent porter que sur le principe de subsidiarité. Là aussi, le délai de réflexion est très court : deux mois.

Enfin, nous n’acceptons pas qu’un recours doive être signé par soixante sénateurs pour être de droit. Nous étions favorables au fait qu’un groupe parlementaire dispose d’une telle prérogative. Un groupe parlementaire ne peut-il pas disposer des mêmes droits que n’importe quel Européen ?

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