Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 20 décembre 2010 à 15h00
Égalité professionnelle entre les hommes et les femmes — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

La thématique de l’égalité professionnelle et salariale est restée insuffisamment traitée au niveau de la branche. Il s’agit seulement du huitième thème abordé en termes de fréquence dans les accords interprofessionnels. Les accords salariaux n’abordent cette thématique que dans moins de 10 % des cas. Certaines préconisations s’apparentent à des mesures mais ne font, en réalité, que reprendre les dispositions législatives et sont finalement des coquilles vides. La leçon à tirer est simple : sans menace de sanctions, les mesures ne sont pas appliquées.

Nous avions également fixé un objectif de neutralisation des effets de l’absence pour cause de maternité afin de mieux concilier vie professionnelle et vie familiale. Or, le taux d’activité des femmes continue de décrocher avec l’arrivée des enfants puisqu’il passe de 73 % pour un enfant de moins de 12 ans à 64 % pour deux enfants et à 40 % pour trois enfants et plus.

Il perdure également une asymétrie des transitions professionnelles après les naissances puisque seulement 6 % des hommes mais 40 % des femmes vivent un changement dans leur situation professionnelle à la naissance d’un enfant.

Alors que l’on vante souvent les mérites du modèle suédois en matière de conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale, nous oublions trop souvent qu’il existe également une exception française. Notre pays présente deux caractéristiques : un taux de fécondité relativement haut et un taux d’activité féminine important, phénomène qui s’explique par la poursuite depuis plus de trente ans d’une articulation des politiques familiales et des politiques d’emploi, mais également par une forte évolution des mœurs.

Désormais, les femmes ne veulent pas choisir entre maternité et travail mais les conjuguer. Tandis qu’au siècle dernier, les femmes sont sorties de la famille pour entrer sur le marché du travail, les hommes sont désormais plus enclins à investir la famille. Il s’agit d’une aspiration profonde qui affleure et qui pourra largement contribuer, à terme, à l’égalité entre les hommes et les femmes.

La loi de 2006 devait être aussi un soutien à la lutte contre les discriminations au travail, plus particulièrement en favorisant la formation professionnelle tout au long de la vie. On constate que, dans le secteur privé, son taux d’accès est de 32 % pour les femmes contre 45 % pour les hommes. De plus, les femmes doivent réorganiser deux fois plus souvent que les hommes leur vie personnelle pour pouvoir suivre une formation. Dans l’ensemble, les formations suivies par les femmes et les hommes ont des objectifs proches mais des formes différentes puisque 15 % seulement des formations suivies par les femmes sont diplômantes, contre 25 % de celles suivies par les hommes.

Le dernier objectif de la loi visait l’amélioration de la représentation des femmes dans le monde du travail, notamment dans les conseils d’administration des entreprises publiques et les conseils des prud’hommes. Faute d’avoir atteint le but fixé, nous avons, le 27 octobre dernier, légiféré afin d’imposer une représentation équilibrée au sein des conseils d’administration, comme l’avait recommandé le rapport de Mme Gresy. En s’inspirant du modèle norvégien, nous avons ouvert une voie qui pourra – je l’espère – avoir un effet d’entrainement du haut vers le bas.

Néanmoins, je regrette – et je ne suis pas la seule dans cet hémicycle – que la loi ne s’applique pas aux établissements publics, qui devraient pourtant être exemplaires sur le sujet. Lieu d’incarnation des valeurs de la République, le service public garantit, en théorie, l’absence de distinction entre les hommes et les femmes.

Toutefois, des inégalités existent aujourd’hui, en matière de déroulement de carrière, d’accès aux emplois de responsabilité et de conditions de travail. Ces inégalités sont de plus en plus visibles au fur et à mesure que l’on progresse dans la hiérarchie. En effet, dans la fonction publique d’État, les femmes sont majoritaires en nombre mais elles représentent une part plus faible des emplois supérieurs de l’État que dans les fonctions publiques hospitalières et territoriales.

S’agissant des emplois à la décision du Gouvernement, que ce soit dans la magistrature ou dans l’enseignement supérieur, par exemple, alors qu’il y a un grand nombre de femmes « promouvables », elles sont très largement sous-représentées par rapport à leurs homologues masculins.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, malgré les efforts répétés, la situation des femmes stagne, voire se dégrade.

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