Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 20 décembre 2010 à 15h00
Égalité professionnelle entre les hommes et les femmes — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Pour favoriser l’égalité professionnelle, il faut aussi agir en faveur d’une meilleure insertion des femmes au sein des entreprises.

Pour réduire la précarité des emplois féminins, nous pourrions, par exemple, favoriser l’amélioration des conditions de rémunération, notamment en faisant passer le taux de majoration des heures complémentaires à 25 % dès la première heure complémentaire pour les contrats de moins de 16 heures par semaine, ou encore aménager la pluriactivité.

Il convient aussi d’encourager la création de « vivier de compétences » de femmes et d’accompagner ces dernières, par la formation, à prendre des responsabilités. Par exemple, au sein de l’Agence de participations de l’État, Mme Lagarde a fait constituer une liste de femmes répondant aux critères les plus exigeants pour devenir administrateur. Pourquoi ne pas s’en inspirer ?

Nous devons également aider les femmes à briser le fameux « plafond de verre » en favorisant l’égalité hommes-femmes au sein de toutes les instances de direction – comité de direction, comités exécutifs – ainsi que dans les organes de représentation du personnel, puisque c’est là aussi que se trouve le pouvoir.

Enfin, il faut absolument valoriser « l’atout féminin » pour les entreprises. Comme le démontre une étude menée par Michel Ferrary, égalité peut rimer avec performance. Cette recherche a consisté à croiser le taux de féminisation global et celui de l’encadrement en 2007, avec l’évolution de cinq indicateurs. Les résultats montrent que les sociétés où les femmes sont présentes dans les postes d’encadrement ont connu une plus forte croissance de leur chiffre d’affaires, une rentabilité deux fois plus importante, une productivité en hausse et une création d’emplois supérieure de 150 %.

Cela dit, il faut intervenir largement en amont, notamment au niveau de l’éducation, pour que s’établissent les bons réflexes. En effet, la polarisation professionnelle sur le marché du travail résulte avant tout d’une polarisation sexuelle des étudiants dans le système éducatif. Dès l’école, les jeunes filles devraient être encouragées à investir tous les secteurs, même ceux qui peuvent sembler plus masculins, et à poursuivre leurs aspirations. C’est vrai aussi pour les garçons, car les filles ne sont pas les seules à être victimes des stéréotypes.

Enfin, nous devons impérativement rendre plus effectives nos lois.

Nous pourrions ainsi simplifier les négociations sur l’égalité professionnelle en proposant la mise en place d’un bilan social unique qui traiterait tous les domaines de manière sexuée. En effet, pour de nombreuses sociétés, réaliser, d’une part, un bilan social et, d’autre part, un rapport de situation comparée est une démarche lourde.

Nous pourrions aussi donner du contenu aux accords, comme le préconise le rapport Grésy, en déterminant des leviers de changements assortis d’indicateurs et d’objectifs chiffrés de progression. Je rappelle à cet égard que j’avais proposé une réécriture de l’article 31 de la loi sur les retraites, votée ici au Sénat, pour rendre ce système plus effectif.

Il conviendrait également d’instaurer une logique de transparence et de rendre publics les efforts faits par les entreprises, en suivant le principe name and shame, et de sanctionner les entreprises récalcitrantes en soumettant à condition les allégements de charges ou bien en augmentant la taxe, adoptée lors de la réforme des retraites, à plus de 1 % de la masse salariale.

Nous pourrions enfin permettre aux entreprises d’utiliser directement, en interne, une partie de la taxe de 1 % de leur masse salariale auxquelles elles seront bientôt soumises. Par exemple, elles pourraient déduire de leur taxe certaines dépenses engagées pour favoriser l’égalité salariale.

Telles sont, madame la ministre, mes chers collègues, quelques pistes tendant à favoriser l’amélioration de la situation des femmes, car cet objectif répond tout à la fois à un impératif démocratique qui doit conduire à une plus grande justice sociale pour les femmes, à une nécessité économique dans une conjoncture démographique défavorable – compte tenu du vieillissement de la population et des tensions qui vont en résulter sur le marché du travail, les femmes représentent un vivier de compétences dont les entreprises ont besoin –, et à une exigence sociétale qui doit permettre aux femmes et aux hommes de concilier dans les mêmes conditions leur vie professionnelle et leur vie personnelle.

Madame la ministre, vous l’avez compris, nous attendons que vous indiquiez à notre assemblée, lors de ce débat, les mesures que vous comptez prendre, que ce soit dans un projet de loi global ou par des mesures réglementaires ?

Une nouvelle mission a été confiée à notre collègue députée Françoise Guégot sur l’égalité professionnelle dans la fonction publique, dont les propositions doivent être remises au cours du mois de décembre. Madame la ministre, pourriez-vous nous apporter des précisions sur le contenu de cette mission et le prolongement que vous comptez y apporter.

Je vous ai posé de nombreuses questions auxquelles nous attendons autant de réponses ; par avance, nous vous remercions.

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