Je pense qu’il est temps maintenant de changer de méthode.
Un nouveau dispositif a été adopté pour lutter contre les inégalités salariales lors de l’examen du texte sur les retraites, ce qui est assez original, il faut le reconnaître. Il s’agit d’imposer des pénalités financières aux entreprises de plus de cinquante salariés qui n’affichent ni accord sur l’égalité professionnelle ni plan d’action contre les discriminations. Selon un mécanisme inspiré du dispositif applicable pour les seniors, les sanctions pourront atteindre 1 % de la masse salariale. Il est toutefois à craindre que le système proposé ne soit trop vague pour être dissuasif.
Pouvez-vous me préciser, madame la ministre, si l’État a les moyens de vérifier la situation et d’appliquer des sanctions dans chaque entreprise ? Pouvez-vous nous dire comment vous entendez mettre en place concrètement ce dispositif ? Les lois précédentes sur l’égalité nous ont enseigné que les principes restaient sans effet faute de décret d’application précis et faute de moyens réels pour les mettre en œuvre.
Mais je sais aussi que les stocks sont plus difficiles à gérer que les flux. C’est pourquoi je veux attirer votre attention sur les femmes qui ont déjà vingt ou trente ans d’ancienneté dans une ou plusieurs entreprises. Comment la question de leur inégalité salariale peut-elle être réglée ? Jamais les entreprises ne seront financièrement en mesure de régler ces trop longues injustices, sauf à priver tous leurs salariés – hommes ou femmes – récemment embauchés de progression salariale pendant plusieurs années, ce que je ne demande évidemment pas.
Avant de conclure, je voudrais évoquer l’adoption récente de la proposition de loi de Mme Zimmermann visant à instaurer des quotas de femmes dans les conseils d’administration des grandes entreprises.
Il apparaît en effet que les femmes sont sous-représentées dans les lieux de décision : les conseils d’administration des sociétés du CAC 40 ne comptent que 10 % de femmes.
La proposition de loi a prévu un objectif de 40 % de femmes dans les conseils d’administration d’ici à cinq ans, avec un palier de 20 % au minimum d’ici à trois ans. En outre, les conseils d’administration exclusivement masculins devront compter au moins une femme dans les six mois suivant la promulgation de la loi.
Je tiens à souligner l’apport du Sénat et le travail du rapporteur, Mme Des Esgaulx : le champ d’application de la loi a été élargi aux entreprises non cotées qui, trois ans durant, remplissent deux critères, à savoir employer plus de 500 salariés et afficher un chiffre d’affaires supérieur à 50 millions d’euros. Cette disposition portera de 700 à 2 000 le nombre des entreprises concernées. Notre assemblée a également introduit un mécanisme de sanction financière, prévoyant une suspension temporaire des jetons de présence.
Cependant, plus encore que l’absence de femmes dans les conseils d’administration, leur absence des comités de direction est choquante dans des entreprises qui comptent souvent au moins autant de femmes que d’hommes. Il suffit de voir les trombinoscopes publiés dans les magazines : quand il y a une femme, c’est parce que l’on a cité la direction des ressources humaines ou celle de la communication ! Il faut donc aller plus loin que les seuls conseils d’administration.
Les encouragements sont indissociables des sanctions, car, dans le pays qui a instauré la loi salique en système de gouvernement politique et économique, on ne peut compter sur la seule évolution naturelle pour voir s’installer une véritable mixité dans les lieux de décision français, non plus que pour obtenir l’égalité salariale.