Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin

Réunion du 20 décembre 2010 à 15h00
Égalité professionnelle entre les hommes et les femmes — Discussion d'une question orale avec débat

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre des solidarités et de la cohésion sociale :

qui l’ont alimenté par leurs interventions de grande qualité.

L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est en effet loin d’être réalisée et cette situation pèse lourdement sur la vie quotidienne des femmes et sur les familles. Un tel état de fait mérite d’être abordé avec lucidité et avec une conviction mise au service de l’efficacité.

Permettez-moi de mentionner quelques données, que plusieurs d’entre vous ont d’ailleurs déjà citées tant elles sont éclairantes.

Tout d’abord, les femmes et les hommes n’occupent pas les mêmes emplois : majoritaires parmi les employées, les femmes ne représentent, en 2008, qu’un peu plus du quart des postes d’encadrement des entreprises du secteur privé et semi-public.

Si les femmes représentent 47, 2 % de la population active, force est de constater que la moitié des femmes en activité sont concentrées dans douze des quatre-vingt-six familles professionnelles, essentiellement les métiers des services, de l’éducation et de l’action sanitaire et sociale.

Par ailleurs, les femmes accèdent peu aux hautes responsabilités. C’est le fameux « plafond de verre ». Ainsi, on ne trouve parmi les dirigeants salariés d’entreprise que 17, 2 % de femmes, comme nombre d’entre vous l’ont souligné, et elles ne sont que 5 % à siéger dans les conseils d’administration des grands groupes français.

Tous ces facteurs – la répartition inégale des hommes et des femmes dans l’emploi, dans les différents secteurs, dans les entreprises et dans les types de postes occupés – se cumulent pour expliquer les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, lesquelles se maintiennent au même niveau depuis 1990.

Je remercie Anne-Marie Payet d’avoir apporté un éclairage salutaire sur les difficultés spécifiques de l’outre-mer. Effectivement, les représentations stéréotypées y jouent peut-être encore un rôle plus important qu’en métropole et constituent un frein à l’insertion et à l’égalité. Bien entendu, l’action devra aussi porter à cet égard sur l’orientation des plus jeunes.

Il y a en effet, madame la sénatrice, des femmes tout à fait remarquables outre-mer. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’en rencontrer certaines avec vous.

Je reviendrai tout à l’heure sur l’accompagnement spécifique vers l’emploi des femmes en difficulté et sur le développement d’actions autour de l’articulation des temps.

Catherine Procaccia l’a souligné, tous temps de travail confondus, les salaires des femmes restent inférieurs de 27 % à ceux des hommes.

Face à ce constat, il est crucial d’agir sur l’ensemble des éléments constitutifs du parcours professionnel des salariées. Odette Terrade a rappelé un certain nombre de chiffres et la nécessité d’avoir une vision globale de ces sujets.

L’amélioration de la retraite des femmes implique, par exemple, une réduction des inégalités pendant l’activité, tant en matière de carrière qu’en matière de salaire. Or il ne peut y avoir de réduction des écarts sans diagnostic de la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise.

C’est l’objet du rapport de situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes, institué par la loi du 13 juillet 1983 et enrichi par la loi du 9 mai 2001.

Ce document, qui est soumis pour avis aux institutions représentatives du personnel, rassemble des éléments quantitatifs, c’est-à-dire un certain nombre d’indicateurs chiffrés, toujours utiles, mais aussi qualitatifs, relatifs à la politique de l’entreprise en matière d’égalité, de salaire, de temps de travail, de formation, de promotion et d’articulation des temps de vie professionnelle et familiale.

La réalisation de ce document est un préalable essentiel à la négociation obligatoire sur l’égalité entre les hommes et les femmes, visant à programmer des mesures de suppression des écarts de rémunération en application de la loi du 23 mars 2006.

À l’instar de Catherine Morin-Desailly, j’en appelle à la mobilisation des partenaires sociaux. Ceux-ci pourraient certainement se montrer plus engagés sur les questions d’égalité entre les hommes et les femmes. Je rappelle en effet que la conférence nationale de la négociation salariale a été réunie le 6 novembre 2009. Les partenaires sociaux avaient six mois pour indiquer les sujets sur lesquels ils souhaitaient négocier. Ils ont finalement décliné cette proposition et n’ont engagé aucune négociation. C’est très dommage !

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes, le bilan de la négociation collective montre une augmentation du nombre d’accords collectifs signés, tant dans les entreprises que dans les branches professionnelles.

En 2005, on recensait 295 accords d’entreprise traitant de l’égalité entre les femmes et les hommes ; il y en avait 1 290 en 2009, ce qui représente une amélioration notable. Pour ce qui est des accords de branche traitant de cette question, on en comptait 41 en 2005 et 107 en 2009.

Il reste que ce bilan des négociations mérite d’être amélioré, car des inégalités fortes demeurent. À titre d’exemple, 55 % des entreprises n’effectuent pas le rapport de situation comparée des conditions générales d’emploi et de formation des femmes et des hommes. Il est donc indispensable de renforcer, à la fois qualitativement et quantitativement, le contenu de ce rapport.

Des mesures importantes ont été prises à cet égard ont été intégrées dans la loi portant réforme des retraites du 9 novembre dernier. Cette loi a renforcé, en son article 99, l’obligation pour les entreprises d’au moins cinquante salariés d’établir un rapport de situation comparée, incluant un plan de résorption des inégalités professionnelles.

À cet égard, je précise à Odette Terrade que les décrets d’application de cet article sont en cours d’élaboration et qu’ils seront publiés avant le 31 mars. Une concertation est actuellement en cours avec les partenaires sociaux concernant les modalités des sanctions que vous appelez justement de vos vœux, madame la sénatrice.

La loi précise notamment que le rapport de situation comparée, qui doit d’ores et déjà comporter un volet prospectif, devra dorénavant contenir un véritable plan d’action destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Ce plan déterminera les objectifs de progression, fondés sur des critères clairs, précis et opérationnels, la définition qualitative et quantitative des actions permettant de les atteindre, ainsi qu’une évaluation de leur coût.

Le rapport devra également comporter une analyse permettant d’apprécier, pour chacune des catégories professionnelles de l’entreprise, la situation respective des femmes et des hommes en matière, par exemple, d’embauche, de formation, de qualification, de conditions de travail, de rémunération, d’articulation entre l’activité professionnelle et l’exercice de la responsabilité familiale.

La communication sur le plan d’action en faveur de l’égalité professionnelle sera organisée. L’employeur devra en effet porter à la connaissance de ses salariés, par voie d’affichage sur le lieu de travail ou tout autre moyen adapté, la synthèse de ce plan, comprenant des indicateurs et des objectifs de progression définis par décret. Cette synthèse sera tenue à la disposition de toute personne qui la demandera et sera publiée, le cas échéant, sur le site Internet de l’entreprise.

Une autre disposition importante de la loi du 9 novembre dernier est l’application d’une sanction financière en cas d’absence d’accord collectif ou de plan d’action relatif à l’égalité professionnelle. Le montant de la sanction, qui sera fixé par l’inspection du travail, pourra représenter jusqu’à 1 % de la masse salariale des rémunérations et gains bruts. Il pourra être modulé par les services de l’inspection du travail, tant en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité professionnelle qu’au regard des difficultés objectives particulières que rencontrerait l’entreprise, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État.

Le but, chère Catherine Morin-Desailly, est d’inciter les entreprises à s’engager sur le chemin de l’égalité professionnelle. Toutefois, un peu de contrainte ne nuit pas à la conviction ! §

Les modalités de suivi et de réalisation des objectifs et des mesures de l’accord et du plan d’action seront fixées par décret, et le produit de la sanction sera affecté au Fonds de solidarité vieillesse.

La loi portant réforme des retraites prévoit également, dans son article 102, que les négociations engagées chaque année sur les objectifs d’égalité professionnelle dans l’entreprise devront également porter sur les conditions dans lesquelles, en cas d’activité à temps partiel, l’employeur peut prendre en charge tout ou partie du supplément de cotisations lié au maintien de l’assiette des cotisations d’assurance vieillesse à hauteur d’une rémunération à temps plein.

Plus largement, sur le sujet essentiel et sensible du temps partiel, qui pénalise si souvent les carrières des femmes, je souhaite organiser, au cours du premier semestre de 2011, avec Xavier Bertrand, une table ronde tripartite, rassemblant l’ensemble des parties prenantes, comme je l’ai annoncé voilà quelques jours lors de l’anniversaire de l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes.

Cet événement devrait nous permettre d’affiner les pistes existantes et, à tout le moins, de contribuer à sensibiliser le grand public à cette thématique.

Nous le savons, la différence sémantique faite entre le temps partiel choisi et le temps partiel subi est des plus artificielles puisque le recours au temps partiel prétendument choisi est à 80 % féminin.

Pour les femmes qui font le choix de se consacrer à leur famille ou à un proche en situation de dépendance, les conséquences peuvent être dramatiques sur la carrière et la rémunération. Cela est évidemment intolérable. Nous devons briser ensemble ce cercle vicieux.

Toutes ces dispositions doivent entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2012. La loi du 23 mars 2006 avait donné aux entreprises un délai de cinq ans, soit jusqu’au 31 décembre 2010, pour négocier des mesures de résorption des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes.

Je veux, sur ce point, rassurer Mme Terrade : cette date butoir est supprimée et on y a opportunément substitué un dispositif de sanction plus dissuasif. Le dispositif est donc désormais pérenne – Catherine Procaccia y a fait référence dans son intervention. La mise en place va être évidemment renforcée par l’action de l’inspection du travail, chargée d’effectuer des contrôles.

Cela étant, pour progresser vers l’égalité professionnelle, nous devons aussi agir en amont, dès la formation initiale des jeunes filles et des jeunes garçons.

Nous connaissons, nous, une meilleure réussite sur le plan scolaire que les garçons. Les filles sont en effet aujourd’hui en moyenne plus diplômées qu’eux : en 2006, 25 % des femmes âgées de 25 ans à 34 ans disposent d’un diplôme supérieur à bac+2, contre 19, 9 % des hommes du même âge. Tous baccalauréats confondus, à la session 2008, 85, 3 % de filles avaient obtenu leur diplôme, contre 81, 5 % des garçons. Je prie les sénateurs ici présents de nous en excuser ! §

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