Quoi qu'il en soit, il faut bien constater que les filles n’en tirent pas suffisamment parti au moment de leur choix d’orientation scolaire et professionnelle, car elles sont encore trop peu nombreuses à se diriger vers les filières et les écoles les plus valorisées sur le marché du travail. Elles sont minoritaires dans les formations des secteurs des sciences fondamentales et technologiques, majoritaires dans les séries littéraires et les sciences médico-sociales.
Il est de notre responsabilité collective de mettre fin à ce paradoxe et d’anéantir certains mécanismes de censure que s’imposent les filles elles-mêmes et leurs familles. On sait, par exemple, que les filles accèdent aux filières qui conduisent à des professions plus valorisantes et plus rémunératrices avec des moyennes supérieures à celles des garçons.
Favoriser l’insertion professionnelle des femmes consiste ainsi à assurer l’élargissement des choix d’orientation scolaire et professionnelle des filles, notamment en direction de ces filières prometteuses au regard du marché du travail.
C’est dans cette perspective de diversification des choix professionnels qu’est organisé, chaque année, le Prix de la vocation scientifique et technique des filles, à destination des élèves de terminales : 650 prix, d’un montant de 1 000 euros chacun, sont remis, sur l’ensemble du territoire, à des jeunes filles qui font le choix de s’orienter vers ces filières scientifiques ou technologiques de l’enseignement supérieur, où l’on compte moins de 40 % de filles.
Il est également essentiel d’accompagner les secteurs professionnels et les entreprises dans leur démarche vers l’égalité professionnelle.
À cette fin, des dispositifs spécifiques sont mobilisés, à hauteur de plus de 1 million d’euros par an. Je pense notamment aux aides financières à destination des PME. Il s’agit à la fois d’aides au conseil, pour étudier leur situation en matière d’égalité professionnelle ainsi que la mise en place de mesures, et d’aides à l’action, comme le contrat pour l’égalité professionnelle et le contrat pour la mixité des emplois.
Ces deux contrats permettent la prise en charge par l’État d’une partie des coûts des mesures de sensibilisation, de formation, de promotion ou d’amélioration des conditions de travail, dès lors qu’elles ont pour objectif l’amélioration significative de la place des femmes en termes d’emploi et de qualification.
Toutefois, ces dispositifs sont peu utilisés en pratique. Aussi a-t-il été décidé d’en opérer la fusion de manière simplifier les modalités de leur mise en œuvre et à susciter davantage de mesures en faveur de l’égalité professionnelle. Ce dispositif unique, ouvert aux seules entreprises, permettra de cofinancer des mesures aussi bien individuelles que collectives.
Une autre piste est la contractualisation avec des secteurs professionnels porteurs d’emplois. Je compte notamment développer le travail entamé, il y a quelques années, avec le secteur du bâtiment, en l’occurrence la Fédération française du bâtiment et la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, la CAPEB, pour introduire davantage de mixité dans un domaine d’activité où de nombreuses femmes travaillent et obtiennent des qualifications. Le concours intitulé « Conjuguez les métiers du bâtiment au féminin », lancé par la CAPEB avec le soutien de mon ministère et destiné aux jeunes filles de troisième, s’est déployé dans tous les départements.
Je souhaite également mobiliser d’autres secteurs, tel que celui des nouvelles technologies de l’information et de la communication, qui souffrent aujourd’hui d’une désaffection des jeunes femmes. En France, la proportion de femmes parmi les ingénieurs n’est que de 17 %, et leur nombre est en légère diminution.
Il importe de mieux faire connaître les formations et les métiers, de revisiter une image très stéréotypée du secteur et de valoriser ses atouts. C’est pourquoi un travail avec la branche professionnelle des bureaux d’études techniques, concernée par les nouvelles technologies de l’information et de la communication, est absolument nécessaire.
Catherine Morin-Desailly a beaucoup insisté sur l’articulation entre temps de la vie professionnelle et temps de la vie personnelle, et cet angle d’analyse me paraît également très pertinent. La palette des mesures concrètes que peuvent, à cet égard, appliquer les entreprises est extrêmement diversifiée.
La fixation d’un entretien avec les femmes enceintes avant leur congé de maternité et à leur retour, afin de leur permettre de reprendre le travail dans les meilleures conditions possibles, s’est concrétisée dans de nombreuses entreprises.
N’oublions pas que la France constitue un modèle de société où l’augmentation du taux d’activité des femmes n’a pas eu d’impact négatif sur l’indice de fécondité.
Les actions à mener impliquent la mobilisation des trois acteurs principaux que sont l’État, les collectivités locales et les entreprises pour guider l’action, en lien avec les initiatives européennes sur l’évolution démographique.
Ce thème, qui fait partie des axes pris en compte dans le cadre de la négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les entreprises, mobilise les acteurs du territoire qui mènent des actions innovantes, financées pour partie par le Fonds social européen ou s’inscrivant dans le cadre de programmes communautaires.
Il convient, en la matière, de valoriser les entreprises qui s’engagent, de saluer des initiatives nouvelles, telles que l’Observatoire de la parentalité, qui fédère les entreprises amies des familles et regroupe d’ores et déjà 130 entreprises.
Le label « Égalité » consacre les organismes novateurs dans leur approche de l’égalité entre les femmes et les hommes, et récompense l’exemplarité de leurs pratiques.
Depuis le 10 mars 2005, date de la première labellisation, un nombre croissant d’organismes, issus de secteurs aussi variés que l’électronique, les transports, les assurances, la communication, l’agro-alimentaire ou les banques, se sont ainsi employés à l’obtenir. Près de 800 000 salariées et salariés travaillant au sein d’entreprises ou d’administrations sont aujourd’hui concernés et bénéficient de cette démarche.
Il nous faut enfin œuvrer à la sensibilisation du grand public, des partenaires sociaux et de la classe politique aux questions des violences et des discriminations salariales auxquelles les femmes sont confrontées dans le monde du travail. Je compte y consacrer une partie du nouveau plan contre les violences. Jusqu’à présent, nous nous sommes surtout préoccupés des violences qui surviennent dans le cadre familial ; il convient de se préoccuper aussi de celles qui existent dans le cadre professionnel.
Une campagne de communication, à la fois pour lutter contre les discriminations salariales et encourager le partage des responsabilités familiales, nous permettrait de porter haut les valeurs qui nous rassemblent. Soyez certains que je mettrai tout en œuvre pour qu’elle soit mise en place dès 2011.
L’entreprise mobilise ainsi différents leviers pour faire progresser l’égalité de traitement. Davantage de femmes ont, de cette façon, accédé à des postes de direction et, même s’il reste des progrès à faire, les écarts de rémunération se sont réduits.
Je souhaite également développer la création d’entreprises par les femmes, source de création d’emplois. Seulement 29 % des entreprises sont créées par des femmes, ce qui est encore insuffisant.
Le Fonds de garantie pour la création, la reprise et le développement d’entreprises à l’initiative des femmes, le FGIF, a permis, en vingt ans, la création de plus de 5 000 entreprises. Institué en 1989 pour faciliter l’accès au financement bancaire par les femmes qui souhaitent créer une entreprise, il leur apporte un soutien personnalisé dans leur démarche.
Ce dispositif, géré par France Active et France Initiative, doit pouvoir être davantage mobilisé et couplé avec d’autres prêts bancaires complémentaires, comme le Nouvel accompagnement pour la création et la reprise d’entreprise, le NACRE. Je souhaite pour cela renforcer les partenariats, notamment avec la Caisse des dépôts.
La lutte pour l’égalité entre les femmes et les hommes est donc une action transversale, qui doit se décliner dans toutes les politiques conduites par les différents ministères, ainsi qu’aux niveaux régional et départemental, pour reprendre le concept européen de gender mainstreaming.
Afin d’élaborer et de mettre en œuvre une politique volontariste, pour faire coïncider égalité de droit et égalité réelle, un plan d’action interministériel en faveur de l’égalité entre les hommes et les femmes servira de feuille de route aux décideurs et permettra de concevoir, d’adapter et de mettre en œuvre des programmes appropriés et des stratégies novatrices.
Ce plan, d’une vaste portée, couvrira tous les domaines essentiels pour la politique de l’égalité entre les femmes et les hommes : accès des femmes aux responsabilités dans la vie politique, économique et associative ; égalité professionnelle et salariale ; accès au droit et respect de la dignité ; articulation entre vie professionnelle et vie personnelle.
Il comportera une vingtaine d’axes prioritaires d’action, déclinant pour chaque ministère, dans un document unique, une série d’engagements primordiaux. Un comité de pilotage et de suivi regroupant des représentants de chaque administration sera mis en place, afin de suivre, d’ajuster et d’évaluer, ministère par ministère, les actions menées dans le cadre du plan.
C’est ainsi que nous tirerons toutes les leçons utiles du rapport confié à Mme Guégot. Des actions de communication, interne et externe, accompagneront ces travaux au fur et à mesure de leur déroulement.
Le plan d’action interministériel aura vocation à être décliné au niveau régional dans le cadre de la mise en œuvre des stratégies régionales en faveur des femmes. Il s’accompagnera, par ailleurs, de la réactivation du comité interministériel aux droits des femmes. Ce plan, qui pourrait être d’une durée de cinq ans, sera validé en janvier 2011 lors du comité interministériel, puis lancé par le Premier ministre dans les semaines qui suivront.
J’ai bien entendu ce qu’a dit M. Kerdraon dans la partie de son discours qui concernait l’Europe. Bien entendu, la France a encore du chemin à faire, mais elle n’est pas, tant s’en faut, une mauvaise élève en matière d’égalité professionnelle à l’échelle communautaire.
Les travaux menés au sein de l’Union européenne montrent que la France a mis en place des actions courageuses et efficaces : lois, sanctions, accompagnement des entreprises. Certains États envient même notre efficacité. Quoi qu’il en soit, je porterai ces dossiers relatifs à l’égalité au sein du Conseil. Ainsi, lors du dernier Conseil des ministres européens chargés de l’emploi et des politiques sociales, dit EPSCO, voilà quelques jours, j’ai invité mes collègues à adopter la démarche de la « clause de l’Européenne la plus favorisée » et demandé la saisine de l’Institut européen pour l’égalité des sexes, inauguré en 2010 à Vilnius.
Les interventions dans ce domaine sont donc multiples : actions de l’État, des collectivités territoriales, des entreprises, action européenne et mobilisation de l’opinion publique.
Je sais pouvoir compter sur les parlementaires de toutes sensibilités politiques pour prendre en compte cet enjeu de l’égalité entre les femmes et les hommes, non seulement au travers du présent débat, que nous devons à l’initiative de Catherine Morin-Desailly, mais aussi de tous les débats d’importance qui vont se succéder.
En tant que ministre en charge des droits des femmes, je veux, avec Marie-Anne Montchamp, secrétaire d’État, soutenir l’idée selon laquelle le partage des responsabilités professionnelles entre les femmes et les hommes est directement lié au partage des responsabilités familiales, autrement dit au partage des droits mais aussi des devoirs familiaux, à la prise en charge des enfants et des personnes dépendantes, des personnes âgées ou en situation de handicap.
Cela implique notamment de ne pas faire reposer la prise en charge de la dépendance sur les seules épaules des femmes, comme c’est encore trop souvent le cas.