Intervention de Patrick Ollier

Réunion du 20 décembre 2010 à 21h30
Contrôle de l'action du gouvernement — Adoption d'une proposition de loi en deuxième lecture

Patrick Ollier, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la rénovation de la vie politique et parlementaire demeure une idée en perpétuel mouvement. Nous voulons la faire vivre, vous entendez lui donner corps. Mon expérience de parlementaire ne peut que m’inciter à vous inviter à être innovants au service de l’intérêt général.

Pour donner au Parlement la place qui lui revient au cœur d’une démocratie comme la France, il nous faut affirmer des responsabilités ambitieuses au service d’une plus grande efficacité de l’action publique.

Le rôle des assemblées s’ordonne traditionnellement autour de trois missions : voter le budget, voter la loi, mais aussi contrôler celle-ci, ainsi que l’action du Gouvernement, et évaluer l’efficacité des politiques publiques.

C’est cette dernière mission qu’il s’agit de renforcer pour répondre aux exigences démocratiques d’aujourd’hui, car elle donne toute sa crédibilité aux deux autres. En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, à quoi servirait-il de légiférer si vous ne pouviez à la fois contrôler l’action du Gouvernement et évaluer l’efficacité des réformes que vous avez votées ?

Permettez-moi de citer le général de Gaulle : « Les plus nobles principes du monde ne valent que par l’action ». C’est par l’action que vous pourrez apprécier les effets des mesures prises au regard des objectifs retenus et des moyens utilisés.

La réforme de la Constitution a contribué à renforcer le rôle et les pouvoirs du Parlement. À ce titre, l’article 24 de la Constitution, modifié par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, prévoit désormais de manière expresse que le contrôle de l’action du Gouvernement et l’évaluation des politiques publiques sont dévolus aux assemblées parlementaires.

Ainsi, la proposition de loi du président de l’Assemblée nationale, M. Bernard Accoyer, soumise en deuxième lecture à votre examen, vise à donner aux organes parlementaires chargés du contrôle et de l’évaluation des politiques publiques les voies et moyens adaptés pour mener à bien cette mission.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement soutient cette initiative du président de l’Assemblée nationale. C’est une nouvelle pierre à l’édifice que nous bâtissons ensemble pour une plus grande efficacité de l’action du Gouvernement et des prérogatives du Parlement, appelée de ses vœux par le Président de la République.

Comme vous le savez, deux des quatre dispositions de ce texte ont été adoptées conformes.

Elles concernent, d’une part, l’inscription dans l’ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, des modalités selon lesquelles les personnes entendues par une commission d’enquête peuvent prendre connaissance du compte rendu de leur audition et communiquer leurs observations, et, d’autre part, la consécration dans le code des juridictions financières du rôle de la Cour des comptes en matière d’évaluation des politiques publiques.

Je tiens, à cet instant, à saluer le remarquable travail de votre rapporteur, M. Patrice Gélard, et à remercier le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, pour la qualité des débats menés au sein de cette commission.

Sur chacun des deux points restant en discussion, à l’évidence, des nuances demeurent entre la position de l’Assemblée nationale et celle du Sénat.

Le premier point concerne l’article 1er, qui tend à étendre le champ des instances susceptibles de convoquer les personnes dont l’audition semble nécessaire et à élargir les pouvoirs des rapporteurs de ces instances en matière de contrôle sur pièces et sur place et de droit de communication de tout document.

Je pense que, sur le fond, Assemblée nationale et Sénat sont d’accord. Toutefois, la différence essentielle réside dans le fait que l’Assemblée nationale s’est dotée d’un comité de contrôle et d’évaluation des politiques publiques – j’en faisais partie voilà quelques semaines, je connais donc sa vocation –, ce qui, bien entendu, rend plus difficile l’harmonisation des procédures entre les deux chambres.

Le souci de la Haute Assemblée de ne pas réduire les pouvoirs des commissions permanentes – leur statut est constitutionnel – par rapport à ceux des délégations est légitime et compréhensible, puisque vous n’avez pas choisi, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous doter d’un organe spécialement dédié au contrôle.

Le rôle d’un ministre chargé des relations avec le Parlement – pour avoir été président de l’Assemblée nationale et président de commission permanente, j’en perçois toute la mesure – est de respecter l’autonomie d’organisation des assemblées tout en veillant au respect des prérogatives que la Constitution accorde à chaque institution et des principes qui fondent de notre République.

Cependant, je tiens à rappeler que seul le Gouvernement a la faculté de permettre aux responsables administratifs des services de l’État de se rendre devant un organe du Parlement. Il faut donc en passer par lui pour qu’il puisse y souscrire, mais je sais par avance que vous en serez d’accord. D’ailleurs, la modification de l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ne remet nullement en cause ce principe, ainsi que l’a confirmé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 25 juin 2009.

Pour autant, le Gouvernement entend répondre à toutes les demandes d’information. L’ordonnance du 17 novembre 1958 à laquelle je viens de faire référence lui fait déjà obligation de communiquer aux commissions et délégations parlementaires les informations utiles et les documents nécessaires à l’accomplissement de leur mission.

Le second point de discussion entre les deux assemblées concerne la mise en œuvre du nouvel article 47-2 de la Constitution, qui précise les modalités d’assistance de la Cour des comptes dans l’évaluation des politiques publiques.

L’article 3 de la proposition de loi prévoit que la Cour des comptes peut être saisie par le président du Sénat ou le président de l’Assemblée nationale, de leur propre initiative ou sur proposition d’une commission permanente ou de toute instance permanente d’évaluation créée au sein d’une des deux chambres.

Le Gouvernement n’a évidemment pas d’appréciation à porter sur les modalités de l’assistance que la Cour des comptes peut apporter au Parlement dans l’évaluation des politiques publiques. Il peut néanmoins se référer aux avis rendus par les juridictions compétentes, notamment par le Conseil constitutionnel.

À cet égard, ce dernier a rappelé, dans sa décision du 25 juin 2009, les conditions dans lesquelles les organes de contrôle peuvent exercer leur mission. Il a confirmé que le législateur organique avait confié à la commission des finances et à la commission des affaires sociales le soin de suivre le contrôle et l’exécution des lois de finances et de financement de la sécurité sociale et d’évaluer toute question relative à ces sujets.

C’est pourquoi je peux tout à fait comprendre que vous soyez soucieux de le rappeler dans la loi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il est important de poursuivre la mise en œuvre de l’élargissement des pouvoirs du Parlement qu’a souhaité le constituant.

Il faut bâtir au quotidien, avec détermination et persévérance, un Parlement plus efficace. Par cette proposition de loi, vous y contribuez. Nous avons la République en partage, la vitalité de l’esprit démocratique de notre pays en dépend. Le respect profond dû à nos concitoyens, qui ont placé leur confiance dans la représentation nationale, est à ce prix.

C’est pour ces raisons que le Gouvernement émet le vœu que les deux assemblées de notre Parlement trouvent ensemble et de manière consensuelle le chemin des progrès à accomplir pour renforcer encore les principes qui animent notre démocratie.

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