Intervention de Nelly Olin

Réunion du 7 mars 2006 à 16h10
Transparence et sécurité en matière nucléaire — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable :

Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, que j'ai l'honneur de présenter devant vous au nom du Gouvernement, est un texte de première importance.

Il rénove en profondeur le cadre législatif applicable aux activités nucléaires et à leur contrôle.

Il marque des avancées importantes concernant la transparence en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.

Il crée, conformément au voeu du Président de la République, une Haute autorité de sûreté nucléaire chargée du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, ainsi que de l'information du public dans ces domaines.

Cette loi est particulièrement nécessaire au moment où la France opère des choix importants concernant le nucléaire civil. En effet, le maintien d'un haut niveau de sûreté, la poursuite des progrès en matière de transparence et la définition de solutions pérennes pour la gestion des déchets radioactifs sont les conditions d'un nucléaire au service des générations présentes et respectueux des générations futures.

Particulièrement attentif au respect de ces conditions compte tenu de la place qu'occupe le nucléaire dans notre politique énergétique, aux cotés des économies d'énergie et du développement des énergies renouvelables, le Gouvernement estime indispensable que les décisions à venir soient prises dans le cadre d'une nouvelle organisation institutionnelle du contrôle et sur la base d'une législation rénovée, aptes à renforcer la confiance des Français.

Vous savez, par ailleurs, que le Gouvernement a préparé avec soin l'échéance de 2006 pour les déchets radioactifs. Il a, en particulier, souhaité lancer un débat public, mené sous l'égide de la Commission nationale du débat public de septembre à décembre dernier. Un projet de loi sur la gestion des déchets radioactifs vous sera soumis dans les prochaines semaines.

J'ajoute que je suis particulièrement heureuse qu'il revienne à la ministre chargée de l'écologie de présenter le projet de loi dont nous allons débattre. Le Gouvernement met ainsi l'accent sur le fait que le ministère de l'écologie et du développement durable est un ministère majeur, qui occupe une place centrale dans le contrôle des activités pouvant présenter des risques pour les personnes et pour l'environnement.

Avant de vous présenter les quatre grands objectifs de la loi, je voudrais revenir d'abord sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à souhaiter l'examen de ce projet de loi, qui, rappelons-le, a été présenté par un gouvernement précédent.

Tout d'abord, un constat : la base législative du contrôle de la sûreté des grandes installations nucléaires est aujourd'hui ancienne et incomplète. Elle est constituée de quelques articles de la loi sur l'air de 1961.

À côté de cela, la sûreté nucléaire et la radioprotection sont en France à un niveau qui n'a rien à envier aux meilleures pratiques étrangères. Leur contrôle est efficace et sa qualité est internationalement reconnue. La transparence a fait d'importants progrès au fil des années.

Notre législation n'est donc pas ou plus à la hauteur de notre pratique et de nos résultats. Nous nous devons d'y remédier.

Ce constat avait été fait de façon extrêmement claire dès 1998 par Jean-Yves Le Déaut, député de Meurthe-et-Moselle et, à l'époque, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dans son rapport au Gouvernement intitulé : « Le système français de radioprotection, de contrôle et de sécurité nucléaire », au sous-titre prémonitoire : « La longue marche vers l'indépendance et la transparence ».

Ce rapport avait déjà débouché en 2002 sur une première réforme de l'organisation du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

Le Gouvernement de Lionel Jospin avait, à l'époque, également envisagé la création d'une autorité administrative indépendante chargée du contrôle de la sûreté nucléaire, préconisée par le rapport de M. Le Déaut, mais y avait renoncé. A la place, il avait déposé le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire à l'Assemblée nationale en 2001.

Sans esprit partisan, le Gouvernement qui lui a succédé l'a transféré au Sénat en 2002, pour ne pas perdre le bénéfice du travail accompli, tout en estimant que le dispositif proposé manquait d'ambition et qu'il pouvait, et devait, être considérablement amélioré.

C'est pourquoi il l'a modifié au moyen d'une lettre rectificative, qui introduit deux nouveautés majeures : d'abord, la création d'une Haute autorité de sûreté nucléaire, chargée du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, et de l'information du public dans ces domaines ; ensuite, le renforcement significatif des outils de contrôle de la sûreté des grandes installations nucléaires et des transports de matières radioactives.

Un travail approfondi a été mené avec MM. les rapporteurs Bruno Sido et Henri Revol afin d'améliorer le projet initial sur d'autres points importants, comme les principes applicables, les commissions locales d'information ou le Haut comité de transparence. Je tiens à saluer la très grande qualité de leur travail, réalisé dans un temps compté, et l'intérêt des amendements qu'ils proposent. J'en évoquerai plusieurs dans la suite de mon intervention.

J'en viens maintenant aux quatre grands objectifs du projet de loi.

Premier objectif : poser les grands principes applicables aux activités nucléaires.

Le projet de loi confirme que les principes maintenant classiques en matière de protection de l'environnement s'appliquent aux activités nucléaires : principe de prévention, principe de précaution, principe pollueur-payeur, principe d'information du public.

Il décline à cet égard parfaitement les grands principes de la Charte de l'environnement, texte majeur qui fait partie de notre acquis constitutionnel depuis un an.

Le Gouvernement estime utile d'y ajouter un principe fondamental en matière de sûreté nucléaire, inscrit dans le droit international : le principe de la responsabilité première de l'exploitant de l'installation, d'application quotidienne et absolument essentielle pour que chacun, exploitant et autorité de contrôle, ait une claire conscience de ses devoirs.

Le Gouvernement estime également indispensable que la loi énonce le rôle et les responsabilités de l'État en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.

Sur ces deux points, vos rapporteurs proposent des amendements tout à fait pertinents.

Deuxième objectif : créer une Haute autorité de sûreté nucléaire, chargée du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, ainsi que de l'information du public dans ces domaines.

Cette réforme institutionnelle majeure a été voulue par le Président de la République. Pourquoi ?

L'acceptation des activités nucléaires par le public repose notamment sur la confiance qu'il accorde au dispositif mis en place pour le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.

La situation actuelle dans laquelle les services chargés de ce contrôle sont intégralement placés sous l'autorité du Gouvernement peut susciter des interrogations. En effet, le Gouvernement doit assumer d'autres responsabilités, toutes aussi importantes pour la collectivité, par exemple, veiller à l'approvisionnement énergétique ou jouer son rôle d'actionnaire principal des grands opérateurs du secteur nucléaire.

Le Gouvernement a donc considéré qu'il fallait apporter à de telles interrogations une réponse dénuée d'ambiguïté. C'est pourquoi il a inséré dans le projet de loi, au moyen d'une lettre rectificative, un nouveau titre qui donne le statut d'autorité administrative indépendante à la structure chargée, au sein de l'État, du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Il a également veillé à conserver les pouvoirs nécessaires à l'exercice de ses missions essentielles.

La Haute autorité comportera un collège de cinq membres nommés pour six ans par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat. Ces membres seront inamovibles et astreints à un devoir d'impartialité.

Le Gouvernement continuera à définir la réglementation s'appliquant aux activités nucléaires. Il continuera à prendre les décisions individuelles majeures présentant une forte dimension d'opportunité politique, à savoir les autorisations de création et de démantèlement des grandes installations nucléaires. En cas de risque grave, il pourra suspendre le fonctionnement d'une installation. Il conservera toutes ses responsabilités en matière de protection civile en cas d'accident, notamment en ce qui concerne les mesures de protection de la population ou les mesures sanitaires.

La Haute autorité de sûreté nucléaire sera consultée sur les projets de textes réglementaires. Elle sera chargée du contrôle des activités nucléaires, à la fois des grandes installations nucléaires et des installations nucléaires dites « de proximité », laboratoires de recherche ou installations industrielles mettant en oeuvre des sources radioactives ou installations médicales. Elle pourra définir des prescriptions techniques individuelles s'appliquant à ces activités.

Elle aura également la responsabilité de contribuer à l'information du public sur la sûreté nucléaire et la radioprotection.

La Haute autorité disposera des services relevant aujourd'hui de la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et de ses onze divisions territoriales.

Le Gouvernement estime qu'au travers de ce dispositif un point d'équilibre satisfaisant est atteint. Le Gouvernement n'a pas de doute sur sa conformité avec la Constitution. Je sais que c'est là une question que certains d'entre vous se sont posée. Le Conseil d'État a été consulté comme il se doit sur le projet de lettre rectificative et n'a pas soulevé d'objection.

Troisième objectif : garantir les conditions effectives de la transparence en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.

La transparence est une notion qui paraît évidente à tout un chacun. Cette évidence est trompeuse. L'ambition du projet de loi est de dépasser les incantations trop souvent entendues et de donner un contenu concret à cette notion.

La transparence, c'est d'abord la mise à la disposition du public d'une information complète sur la sûreté nucléaire et la radioprotection.

Des efforts importants en la matière sont faits depuis de nombreuses années par l'administration, sous l'impulsion du Gouvernement : information donnée quotidiennement sur Internet, telles que les lettres de suite des inspections ou les évènements significatifs avec leur classement sur l'échelle INES, échelle internationale des évènements nucléaire ; revue mensuelle et rapport annuel sur la sûreté et la radioprotection. Des progrès notables ont également été réalisés par les exploitants, il est juste de le reconnaître.

Le projet de loi donne un cadre et une légitimité nouvelle à ces efforts.

La transparence, c'est aussi l'existence des conditions effectives du droit d'accès à l'information.

Le droit d'accès à l'information concernant la sûreté nucléaire et la radioprotection détenue par les autorités publiques existe déjà en vertu du code de l'environnement.

Le projet de loi porte l'exigence bien au-delà en instituant un droit d'accès du public à l'information détenue par les exploitants d'installations nucléaires et les responsables de transports de matières radioactives. Cette innovation majeure distinguera les activités nucléaires des autres activités industrielles, qui ne sont pas soumises à une telle obligation de transparence.

La transparence, c'est enfin l'existence de lieux spécifiquement consacrés à l'information et au débat pluriel sur la sûreté nucléaire et la radioprotection.

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