Intervention de Henri Revol

Réunion du 7 mars 2006 à 16h10
Transparence et sécurité en matière nucléaire — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Henri RevolHenri Revol, rapporteur :

En revanche, il est une chose que l'on sait beaucoup moins, c'est que tout ce qui a été mis en place pendant quarante ans en matière de sûreté nucléaire et de transparence l'a été quasiment sans base législative !

En fait, la seule base légale actuelle se résume à deux petites lignes de la loi de 1961 portant sur la pollution de l'air et les odeurs, et permettant aux installations nucléaires de disposer de règles spécifiques, distinctes de celles qui sont applicables aux installations classées.

Certes, en août 2004 - assez récemment donc - un régime de la radioprotection a été adopté dans le cadre de la loi relative à la politique de santé publique, mais, pour le reste, nous ne disposons toujours pas de texte législatif.

En fait, le régime de sûreté des installations repose essentiellement sur un décret de 1963, ainsi que - disons-le - sur les bonnes pratiques de l'administration et des exploitants qui se sont progressivement érigées en doctrine.

En matière de transparence également, beaucoup a reposé sur les circulaires et les bonnes pratiques.

Quant à la loi, que nous connaissons tous, sur l'accès aux documents administratifs en général, avec la commission d'accès aux documents administratifs, la CADA, elle ne s'applique exclusivement qu'aux services publics.

Dès lors, le constat est clair : si le nucléaire français répond aux meilleurs standards de sécurité technique, il lui manque, toutefois, une réelle sécurité juridique.

En effet, il n'est pas normal que la partie législative du code de l'environnement consacre un titre entier aux installations classées, alors que rien n'est prévu pour les installations nucléaires !

D'ailleurs, mes chers collègues, nous pouvons nous féliciter qu'un certain consensus se soit fait jour sur le cadre légal dont a tant besoin le secteur nucléaire français.

J'en veux pour preuve que, jusqu'au 22 février dernier, le projet de loi qui nous était soumis ne différait en rien de celui qu'avait déposé Mme Bachelot en 2002, et qui reprenait lui-même les termes du projet de loi présenté en 2001 par Mme Dominique Voynet, au nom du gouvernement Jospin.

Le texte que nous examinons aujourd'hui reprend d'ailleurs très largement le projet de loi initial.

Cela étant dit, sans remettre en cause la base qui a été léguée par les gouvernements successifs, le texte dont nous discutons va plus loin dans la recherche d'un cadre au sein duquel les missions de chacun sont clairement définies.

À ce titre, il transforme les actuels services interministériels de l'Autorité de sûreté nucléaire en une autorité administrative dénommée « Haute autorité de sûreté nucléaire », qui sera également compétente en matière de radioprotection.

Je laisserai à mon collègue Bruno Sido le soin de revenir plus avant sur la création de cette Haute autorité.

En effet, conformément à la répartition des tâches entre les deux rapporteurs de la commission des affaires économiques, Bruno Sido vous présentera plus particulièrement les résultats de son travail sur les titres I, II et III.

Pour ma part, je traiterai des titres IV et V du projet de loi, qui regroupent respectivement les articles 12 à 29 et 31 à 38.

Le titre IV, qui comprend donc les articles 12 à 29 , constitue une avancée essentielle, après environ un demi-siècle de réalisations nucléaires françaises en ce qu'il institue le premier régime légal complet en matière d'installations nucléaires de base et de transport de matières radioactives.

Sont ainsi désormais définis dans la loi l'ensemble des actes, allant des autorisations de création jusqu'au démantèlement des installations, en passant par les contrôles réalisés par les inspecteurs, ainsi que les sanctions pénales applicables en cas de manquement aux dispositions prévues.

Le point de départ de ce régime a été celui qui est aujourd'hui applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement.

Les règles des installations classées ont été adaptées, en tant que de besoin, au secteur nucléaire, afin de tenir compte de ses spécificités. C'est ainsi, par exemple, que les prérogatives des inspecteurs sont plus importantes en matière nucléaire s'agissant de l'accès aux installations.

De la même façon, le régime des installations nucléaires de base est adapté à l'intervention possible de deux autorités de l'État, à savoir les services des ministères, d'une part, et la Haute autorité de sûreté, d'autre part.

Les décisions les plus importantes, telles que la création d'une installation ou sa mise à l'arrêt définitif, continuent de relever de la seule compétence gouvernementale.

J'ajoute que le travail de mise en cohérence avec la création de la Haute autorité ne se limite d'ailleurs pas au nouveau régime des installations nucléaires de base.

Quant au titre V, il tend à rendre cohérentes les innovations du présent projet de loi avec le droit existant, qu'il s'agisse du code de la santé publique, du code du travail ou des règles applicable en matière de police des transports.

Sur ces titres IV et V, la commission des affaires économiques présentera plusieurs amendements, dont je vous livre ici l'essentiel, mes chers collègues.

Je commence par le titre IV.

À l'article 13, la commission propose de mieux préciser les compétences du Gouvernement et de la Haute autorité, en donnant à cette dernière le pouvoir d'autoriser la mise en service des installations nucléaires de base, les INB, en prévoyant que celles qui présentent des risques graves peuvent voir leur fonctionnement suspendu par arrêté du ministre, en rétablissant le parallélisme des formes pour les décisions relatives aux INB qui n'auront pas été mises en service dans le délai fixé par le décret d'autorisation.

À l'article 14, votre commission souhaite aligner les dispositions relatives aux permis de construire des INB sur celles qui régissent les installations classées pour la protection de l'environnement.

À l'article 17, elle vous soumettra des amendements qui visent à rendre plus efficaces les consignations financières imposées aux exploitants, à clarifier la portée des mesures transitoires décidées par la Haute autorité de sûreté nucléaire et à encadrer très strictement le droit laissé au ministre de s'opposer à une décision individuelle prise par cette instance.

À l'article 20, nous proposons de préciser les pouvoirs du juge en matière de consignations financières.

À l'article 23, un amendement vous sera soumis afin que soient mieux définies les conditions dans lesquelles les prélèvements d'échantillons seront réalisés.

Nous souhaitons aussi modifier l'article 24 du projet de loi, afin de mieux proportionner les sanctions pénales à la gravité des infractions, et encadrer, à l'article 30, les obligations de déclaration des incidents ou accidents.

S'agissant du titre V, les amendements de votre commission des affaires économiques visent à rétablir, à l'article 31, le parallélisme des procédures en matière de retrait d'autorisation des activités nucléaires de faible importance.

Enfin, par un article additionnel après l'article 33, nous prévoyons de mettre le code de la défense en cohérence avec les dispositions du projet de loi.

À tous ces amendements s'ajouteront, bien sûr, ceux qui seront présentés par mon collègue Bruno Sido.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'appellerai une fois de plus votre attention sur l'importance de ce texte pour notre démocratie. Il ne faudra pas attendre longtemps pour en apprécier tout le bénéfice.

En effet, lorsque nous reviendrons dans cet hémicycle, dans quelques mois, pour traiter de la question des déchets nucléaires, le cadre légal que nous créons aujourd'hui nous procurera, me semble-t-il, la sérénité et les garanties de transparence indispensables pour faire les choix que nos concitoyens attendent.

Le débat qui s'ouvre aujourd'hui au Sénat marque le début d'une nouvelle ère dans la manière dont la Nation et ses représentants abordent les questions nucléaires. Votre commission des affaires économiques s'en félicite.

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