Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vient de le rappeler notre collègue Henri Revol, le projet de loi qui nous est soumis vise à combler de réelles lacunes.
Lacunes du cadre juridique des installations nucléaires de base, c'est-à-dire des installations les plus importantes. Le projet de loi institue - enfin ! - un régime légal pour ces installations, régime que les amendements présentés par Henri Revol au nom de la commission améliorent substantiellement.
Lacunes encore dans la chaîne de confiance qui doit relier nos concitoyens à des activités si essentielles pour notre pays.
Vingt ans après l'accident de Tchernobyl, les interrogations qui portent sur les activités nucléaires ont changé. L'intérêt du nucléaire est largement reconnu, dans un contexte de crise énergétique et, surtout, pour faire face aux enjeux du réchauffement climatique.
Néanmoins, des questions subsistent, fondées ou non, sur la transparence des activités nucléaires, sur ce qui se passe réellement dans les centrales et sur la gestion des déchets.
C'est d'ailleurs sur le problème de la transparence, au sens large, que j'ai été mandaté par la commission des affaires économiques, puisque, comme vous l'a indiqué Henri Revol, j'ai eu pour mission d'être le rapporteur des titres Ier, II et III du projet de loi.
Le titre Ier regroupe les articles 1 et 2, qui soumettent toutes les activités nucléaires - y compris celles relatives à la défense, ce qui constitue une garantie démocratique importante - à plusieurs principes fondamentaux, telles que les principes de précaution ou d'information.
Le titre II comprend les articles 2 bis à 2 duodecies, qui ont été introduits par lettre rectificative. Ils instituent la Haute autorité de sûreté nucléaire, une autorité administrative indépendante compétente pour le contrôle de la sûreté et de la radioprotection. La création de cette instance procède du souhait formulé par le Président de la République et permet de répondre à une double attente.
D'une part, en effet, en matière d'énergie nucléaire, le Gouvernement, à la fois initiateur, promoteur, financeur, exploitant, actionnaire et contrôleur, a longtemps été juge et partie. Les standards internationaux, issus de l'expérience d'autres grands pays nucléaires, amènent aujourd'hui à chercher une répartition des rôles plus claire, sans mélange des genres entre les acteurs de la filière nucléaire.
D'autre part, une plus grande transparence dans les fonctions des différents intervenants, constitutive d'un pacte de confiance avec les Français, permettra d'accompagner, dans un climat serein et apaisé, les grands projets du nucléaire français, qu'il s'agisse du lancement effectif de l'EPR, de la préparation des réacteurs de quatrième génération ou de la recherche sur la fusion nucléaire, à travers le projet ITER.
S'il est un domaine où une autorité administrative indépendante pouvait se justifier, c'est bien celui du contrôle de la sûreté nucléaire ! Toutefois, mes chers collègues, compte tenu des enjeux qui s'attachent à ce secteur, cette instance ne peut bien évidemment pas être une autorité administrative indépendante comme les autres.
Vous ne serez donc pas surpris de voir à quel point la répartition des compétences entre les ministres et la Haute autorité a été précisée, ciselée, à la fois par le projet de loi et par les amendements que vous proposera votre commission. Le but recherché a toujours été le même : être « gagnant-gagnant ».
Il s'agit pour nous, en effet, d'être gagnants à la fois en accroissant l'indépendance et la transparence, afin d'augmenter la confiance dans la sûreté nucléaire, et en préservant l'essentiel des attributions du pouvoir politique dans ce domaine stratégique. Je crois sincèrement que nous y sommes parvenus, puisque la répartition des rôles est claire.
Le Gouvernement est seul compétent pour définir les règles du jeu, c'est-à-dire la réglementation de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ; quant à la Haute autorité, elle a pour mission de contrôler le respect de ces règles, c'est-à-dire de réaliser les inspections sur le terrain et de prendre les sanctions qui s'imposent en cas de manquement.
La politique nucléaire, c'est-à-dire la décision de créer ou de fermer définitivement une installation nucléaire, demeure bien évidemment une compétence exclusive du pouvoir politique, c'est-à-dire du Premier ministre, et non de la Haute autorité. Celle-ci, je le rappelle, est chargée seulement de veiller au respect de la réglementation gouvernementale. Nous reviendrons plus précisément sur ce partage des rôles lors de la discussion du texte.
J'en viens à l'organisation de la Haute autorité. Cette instance sera dirigée par un collège de cinq membres nommés par le Président de la République, pour trois d'entre eux, et par les présidents des assemblées, pour les deux autres.