Intervention de Paul Girod

Réunion du 7 mars 2006 à 16h10
Transparence et sécurité en matière nucléaire — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Paul GirodPaul Girod :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, le nucléaire est entré dans l'histoire des hommes par la mauvaise porte, depuis la tragédie d'Hiroshima jusqu'aux accidents de Three Mile Island et de Tchernobyl, et nos concitoyens ont évidemment à l'égard de cette énergie une attitude empreinte à la fois de prudence, d'interrogations et de craintes. Il est donc tout à fait normal que le législateur puisse, à un moment ou à un autre, faire en sorte que ces méfiances, ces craintes, ces peurs puissent être, sinon supprimées, du moins apaisées et rationalisées.

Pour autant, même si le nucléaire est entré dans l'histoire des hommes par la mauvaise porte, d'une façon dramatique, il représente en même temps l'une des rares chances qui s'offrent à nous pour les siècles à venir.

Malgré tous les discours tenus actuellement sur la multiplicité des énergies alternatives et renouvelables, chacun d'entre nous doit bien avoir conscience que notre civilisation repose, telle une pyramide sur la pointe, sur la simple caractéristique d'une énergie abondante et bon marché, sans laquelle rien de ce que nous avons construit depuis deux siècles n'aurait été possible. Or, pour les prochains siècles, rien ne saurait être préservé sans un large recours à l'exploitation raisonnée, raisonnable et encadrée de l'énergie nucléaire. Cela permettra aux pays développés de maintenir leurs avances technologiques et aux pays du tiers-monde de sortir des situations effroyables dans lesquelles ils se trouvent.

En la matière, il faut saluer tous ceux qui, à la suite du président Giscard d'Estaing, se sont succédé pour faire en sorte que la France acquière et conserve l'avance technologique et l'expérience dont nous bénéficions actuellement par rapport aux autres pays. Moi qui ai eu l'occasion de discuter souvent avec des hommes politiques américains, je ne peux pas ne pas me rappeler que, depuis deux ou trois ans, ceux-ci expriment tous, les uns après les autres, sur des modes différents, leurs regrets de voir que leur grand pays n'ait pas suivi les pistes ouvertes par la France en matière d'exploitation de l'énergie nucléaire civile.

À l'évidence, compte tenu des deux aspects du sujet que je viens d'évoquer, nos concitoyens sont tout à fait en droit d'être particulièrement exigeants sur l'encadrement de cette activité et la manière dont elle est contrôlée, comme sur les modalités prévues pour sanctionner éventuellement les dérapages de tel ou tel exploitant ou utilisateur. À cet égard, il est heureux que nous puissions, enfin, légiférer.

Madame la ministre, voilà plus de vingt ans que je siège dans cette assemblée et que je peux apprécier l'excellence des rapports qu'elle publie, même si j'accorderai une mention toute particulière à celui de nos collègues Henri Revol et Bruno Sido, compte tenu de leurs grandes compétences en la matière. Cela étant, c'est la première fois, me semble-t-il, que la colonne « textes en vigueur » du tableau comparatif figurant dans le rapport de la commission est totalement vide et que, s'agissant d'un sujet aussi grave, il nous appartient de légiférer à partir de rien.

Ce point est d'autant plus important à souligner que, je le répète, nous avons énormément avancé en matière de nucléaire dans les réalisations, les investissements et les utilisations. Par conséquent, peut-être plus encore que d'autres pays, nous sommes très exposés aux réactions de notre population et nous avons un devoir de clarté à son égard.

Madame la ministre, nous avons également un devoir de clarté par rapport à la tutelle ministérielle. Dans un tel domaine, tous ceux qui, de près ou de loin, sont concernés par l'activité nucléaire, qu'ils soient exploitants, transporteurs ou « retraiteurs », ont besoin de savoir exactement à qui ils doivent rendre compte et quel est celui qui a l'autorité pour, éventuellement, entrer chez eux et les protéger contre leur gré. Ainsi, tout cela se rapporte à des problèmes de sécurité et, notamment, de terrorisme, ce qui rend la clarification sur la tutelle d'autant plus nécessaire. Dans ce projet de loi, mais aussi dans les prochains textes, nous devrons nous en souvenir et avoir présent à l'esprit cet aspect particulier.

L'ensemble de ceux - dont je fais partie - qui s'intéressent aux questions de protection et de défense civiles de notre population ressentent la nécessité d'une législation sur le sujet. Même si je ne suis pas, loin s'en faut, le plus grand spécialiste en la matière, j'assiste à beaucoup de colloques, pour connaître les nouvelles réflexions et les avancées intellectuelles.

Dans ce domaine, comme dans d'autres, la première des actions à mener est d'informer clairement la population des risques encourus, tant sur le plan théorique que sur le plan pratique, en précisant ce qu'il convient de faire, ponctuellement, au niveau local. Même si cela n'a rien à voir avec la sécurité nucléaire, je suis de ceux qui déplorent que, dans notre pays, par crainte d'affoler la population, aucun exercice public d'évacuation des tours n'ait été organisé. Or, le 11 septembre 2001, les Américains ont pu sauver nombre de leurs concitoyens parce que, justement, ils avaient l'habitude de ces exercices d'évacuation.

Par conséquent, l'information du public doit être la plus claire, la plus large, la plus précise et la plus près du terrain possible.

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