Intervention de Paul Girod

Réunion du 7 mars 2006 à 16h10
Transparence et sécurité en matière nucléaire — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Paul GirodPaul Girod :

Madame la ministre, si vous me le permettez, je vais prendre le texte un peu à l'envers. Vous mettez en place un Haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire et vous voulez développer le rôle des commissions locales d'information, ce qui me paraît absolument indispensable. Sur ce sujet particulier, les amendements de la commission sont spécialement bienvenus, car il faut effectivement, sur ce point également, que la population et nos médias soient éclairés. En effet, ces derniers, sans le vouloir, divulguent tellement de sottises sur des sujets aussi graves qu'une telle information me semble nécessaire.

Le Gouvernement met aussi en place une Haute autorité de sûreté nucléaire. Voilà quelque temps, lors d'un tout autre débat, nous avons assisté dans cet hémicycle à une diatribe enflammée de l'un de nos collègues au grand talent oratoire, M. Mélenchon, sur la notion des hautes autorités administratives. Il indiquait qu'il était peu favorable à la création de ce genre d'organismes, démembrements de l'État, de l'autorité. Sur nombre de sujets, je partage totalement son analyse. Mais, sur ce point particulier, tel n'est pas le cas. En l'espèce, madame la ministre, vous avez raison de créer une telle instance.

Je regrette quelque peu que la désignation des membres de cet organisme incombe exclusivement à des autorités politiques, non que je me méfie d'elles, mais le fait que lesdits membres soient nommés par le Président de la République et par les présidents des deux assemblées peut rendre cette instance un peu plus « douteuse » vis-à-vis du public. C'est une des raisons pour laquelle j'ai déposé un amendement relatif au secret de ses délibérations, de telle manière qu'elle ne puisse pas être accusée d'agir de façon partisane.

Par ailleurs, son rôle et sa nature exacts doivent être parfaitement définis. Les fonctions de conseil, le pouvoir normatif et les sanctions doivent être davantage clarifiés. La commission des affaires économiques a proposé des avancées, mais il faudra, à l'avenir, poursuivre en ce sens. Il faudra exactement clarifier les domaines d'intervention de la Haute autorité, les domaines dans lesquels elle peut conseiller, réglementer et les sujets sur lesquels elle peut sanctionner. À mon avis, son champ d'intervention ne peut être que très limité, en raison de sa qualité d'autorité politique, le ou les ministres concernés devant garder la totalité de leurs attributions.

Aux termes du projet de loi, la haute autorité doit participer à l'information. Cette prérogative a retenu mon attention. En effet, on ne peut pas avoir simultanément un Haut conseil de l'information et une Haute autorité qui participent à l'information. Sur ce point également, des clarifications doivent être apportées afin de connaître avec exactitude la compétence de chacun.

Madame la ministre, malgré le soutien, qui vous est acquis, des membres du groupe UMP à ce projet de loi, je veux formuler quelques réflexions sur un point particulier.

Faites attention au blocage ! Le mieux est souvent l'ennemi du bien ! Je comprends aisément que les publications relatives à la sûreté doivent être nombreuses. Mais bien souvent, les domaines de la sûreté, de la sécurité, des processus industriels ou des brevets sont ambigus. Pour ma part, je souhaite que, sous prétexte d'agir au mieux, le bien ne soit pas oublié et que soit conservée l'avance, tellement remarquable et tant essentielle, que possède la France sur ce sujet. Les textes d'application devront être certes clairs mais extrêmement prudents quant aux renseignements qui seront mis à la disposition du public et à ceux qui doivent relever du secret industriel, voire du « secret défense », dans un certain nombre de cas.

J'en viens aux voies de recours.

Je comprends bien que le contentieux de pleine juridiction soit envisagé en la matière par rapport à d'autres installations classées. Mais les investissements sont tellement lourds et les difficultés d'application tellement grandes que je ne suis pas certain qu'abandonner la voie de l'abus de pouvoir au bénéfice du plein contentieux - notons les quatre ans de délai avant la saisine - soit la meilleure façon de procéder, eu égard au dynamisme que doit garder la filière nucléaire française. Sur ce point précis, madame le ministre, je me permets de vous faire part à la tribune d'une certaine crainte.

L'IRSN vient d'être évoqué, sujet dont j'ai traité lors de précédents débats dans cet hémicycle. Madame la ministre, je sais que vous avez récemment visité cet institut. Vous avez notamment dit qu'il permettait, entre autres, « d'être immédiatement opérationnel pour conseiller les autorités publiques et si nécessaire intervenir en cas d'accident ». À l'issue de votre visite, vous avez estimé que cette mission était bien remplie.

Mais, dans l'application de la LOLF, j'ai constaté que l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire était rattaché au ministère de l'industrie et à la direction de la recherche, et que l'indice de performance retenu était le nombre de publications annuelles. Je suis navré, mais, sur ce point également, par le biais du projet de loi que nous examinons, s'agissant de la LOLF et des indicateurs de performance, ainsi que de l'organisation générale de la hiérarchisation de l'action de l'IRSN, les choses doivent être rendues un peu plus cohérentes. En effet, juger un organisme d'intervention sur ses publications scientifiques, si essentielles soient-elles, ne peut pas être, me semble-t-il, la meilleure des solutions.

Madame la ministre, vous avez compris que les membres du groupe UMP vous apporteront leur soutien lors de l'examen de ce projet de loi, comme à leur habitude. Nous souhaitons que la clarification de notre législation relative au nucléaire fasse partie de la réhabilitation vis-à-vis de nos concitoyens de l'un des grands atouts que la France possède par rapport au reste du monde, dans le siècle qui s'annonce.

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