Intervention de Christian Gaudin

Réunion du 7 mars 2006 à 16h10
Transparence et sécurité en matière nucléaire — Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Christian GaudinChristian Gaudin :

... enfin, le cadre et les choix de la nation en matière nucléaire seront toujours fixés par les autorités politiques.

En se référant à trois principes fondamentaux déjà reconnus en matière d'environnement - le principe de précaution, celui du « pollueur-payeur » et celui de l'information du public -, ce texte s'inscrit parfaitement au centre des préoccupations actuelles, à une époque où le besoin de transparence et l'exigence de sécurité par rapport à des activités dangereuses dépassent le cercle des riverains des installations nucléaires.

Sans doute, en donnant un cadre légal aux activités nucléaires, le présent texte vise à se conformer au droit international. Mais, en pratique, il structure et consolide essentiellement une expérience qui s'est peu à peu élaborée dans notre pays, au fil du temps, en matière de sécurité et de transparence. L'absence d'accident majeur constitue d'ailleurs une preuve de la qualité des pratiques suivies jusqu'à présent tant par les exploitants que par l'administration.

Le choix du nucléaire en France est, en effet, déjà ancien. Il faut reconnaître qu'il n'allait pas de soi et qu'il a longtemps suscité des débats passionnés.

Ce fut, au lendemain de la guerre, un choix politique, à la fois courageux et clairvoyant. Le nucléaire français est une réussite, à la fois technique et économique, puisqu'il constitue, avec l'aéronautique, un secteur d'excellence pour la France.

Nous avons ainsi acquis, au fil des ans, une maîtrise complète de la production, alors que de nombreux pays ont hésité à développer ce secteur et à progresser dans cette voie.

Aujourd'hui, il en est tout autrement.

Récemment, nombre de pays - comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l'Italie - ont annoncé leurs intentions de développer et de relancer des programmes nucléaires importants.

L'objectif, pour la France, est à présent de rester à l'avant-garde de la technologie nucléaire, notamment avec le projet de réacteur de quatrième génération.

La relance de ces nouveaux projets ainsi que le renouvellement du parc nucléaire actuel sont de réelles nécessités, malgré le coût du démantèlement des plus anciennes centrales et la question délicate du traitement des déchets nucléaires.

Cependant, pour conforter ce choix, il est nécessaire d'obtenir l'adhésion d'une large majorité de la population. C'est dans ce but que dorénavant « la transparence et la rigueur des contrôles vont de pair avec le développement de notre programme nucléaire », comme l'a souligné le Président de la République, le 22 février dernier.

Cette adhésion repose essentiellement sur la confiance. Le développement du nucléaire sera d'autant mieux accepté que le pays accordera sa confiance à cette technologie.

La France a tiré depuis longtemps - et c'est heureux - des leçons de sa gestion et, surtout, de sa mauvaise communication au sujet de l'accident de Tchernobyl.

D'ailleurs, alors qu'ils accordent de plus en plus d'intérêt aux problèmes de santé publique et d'environnement, les Français semblent porter un autre regard sur le nucléaire. Bien sûr, il y aura toujours des « antinucléaires », mais l'opinion dans sa majorité a pris conscience du fait que le nucléaire était, en définitive, une énergie non polluante, sans rejet de CO2, ce qui, au regard des menaces du changement climatique, est un argument qui compte. J'en veux pour preuve que la France, aujourd'hui, est un des pays d'Europe qui émet le moins de gaz à effet de serre.

Il faut le souligner, le nucléaire a également acquis une nouvelle légitimité face à l'enjeu majeur du réchauffement climatique.

La publication, aujourd'hui même, dans un grand quotidien, des résultats d'une étude récente sur l'accélération de la fonte des glaces en Antarctique, nous rappelle, s'il en était besoin, combien cette préoccupation est majeure.

Comme je vous l'ai indiqué, madame la ministre, j'ai participé, en fin d'année dernière, à une mission scientifique sur ce continent soumis aux conditions les plus extrêmes. Trois membres du Congrès américain s'y sont également rendus trois semaines plus tard : c'est dire toute l'importance que les pays accordent aujourd'hui à ce continent, eu égard non seulement aux ressources qu'il recèle, mais aussi à la mémoire climatique qu'il contient. Je serai amené à les rencontrer en mai prochain à Washington dans le cadre d'une étude que je conduis pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Le réchauffement climatique a replacé la question du nucléaire au centre des débats. Malgré le protocole de Kyoto, la hausse annuelle des émissions de gaz à effet de serre n'est pas près de s'inverser, notamment à cause des pays émergents.

Ainsi, la croissance de la Chine entraîne une pollution qui représente plusieurs années d'efforts de réduction de ces gaz en Europe. Toutefois, l'annonce récente de son intention de produire 20 % de sa consommation d'énergie à partir du nucléaire en 2045 - ce qui équivaut à la production de 500 centrales nucléaires -, est déjà une avancée.

Comme toujours, les craintes proviennent souvent de l'ignorance. L'information, la pédagogie et, surtout, une plus large diffusion de la culture scientifique - que le Sénat a appelée de ses voeux à plusieurs reprises -, doivent participer davantage à l'information de l'opinion.

Jamais la relation science-société n'avait atteint un tel degré d'importance.

Certes, des interrogations demeurent : des imperfections, des imprécisions subsistent dans le texte, même si le travail remarquable des rapporteurs, que je tiens à saluer, a permis de recadrer les objectifs et les compétences des divers organismes.

Des décrets devront apporter les précisions nécessaires. Ainsi, pour répondre à l'inquiétude des exploitants quant aux informations qu'ils seront dans l'obligation de présenter au nom de cette transparence, il est important de prévoir très précisément ce qui relève du secret industriel et ce qui doit légitimement contribuer à une information claire de nos citoyens.

Madame la ministre, le groupe de l'Union centriste-UDF votera ce texte, qui conforte et légitime un choix stratégique qui fut clairvoyant.

Toutefois, il convient de rappeler que la raréfaction des ressources naturelles, l'instabilité géopolitique des pays fournisseurs de pétrole, la crise du gaz russe intervenue voilà quelques semaines et, enfin, l'explosion du prix de l'électricité ont mis la question de l'énergie au centre des préoccupations de nombreux pays.

L'expérience et l'avance de la France en matière nucléaire devraient être mieux prises en considération au sein de l'Europe, et cette dernière doit affirmer davantage sa politique énergétique. Mais l'indépendance énergétique ne peut se passer de l'adhésion des populations aux choix qui sont opérés. Par son contenu, ce texte apporte aussi toute sa contribution au sujet européen.

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