Au demeurant, certains politiques continuent de « surfer » sur les peurs !
Au-delà du problème de la confiance, il s'agit de traiter de notre industrie nucléaire dans le cadre d'une actualité et d'un contexte énergétique particuliers.
Nucléaire et inquiétude vont toujours de pair, en raison peut-être de la confusion fréquente entre le mot « atomique » et le mot « nucléaire ». C'est le cas lorsqu'on évoque les choix actuels de l'Iran et la menace que ce pays veut faire peser sur la communauté internationale ou que l'on célèbre - avec tristesse ! - le vingtième anniversaire de Tchernobyl.
En outre, comme l'a dit notre collègue Yves Coquelle, le nouveau statut d'EDF n'incite pas les Français à plus de sérénité. Je ne reviendrai pas sur le débat qui a animé notre hémicycle à l'occasion de son changement de statut, mais je souhaite que les mises en garde et les préconisations que mes collèges socialistes et moi-même avions alors émises soient présentes à l'esprit de chacun.
M. Piras a eu l'occasion de vous présenter avec précision la position de notre groupe s'agissant de la rédaction actuelle de ce projet de loi. Permettez-moi d'entrer un peu plus dans le détail sur certains aspects.
Dans un premier temps, je ne me référerai qu'à la lettre rectificative. Je rendrai hommage tout à l'heure au travail des rapporteurs, mais je ne le prends pas en compte pour le moment.
Réconcilier les Français avec le nucléaire, ou du moins créer la base législative le permettant, est donc l'un des objectifs que nous devons nous assigner. Et nous ne pourrons y parvenir qu'en réunissant les conditions d'une réelle transparence et en renforçant les contraintes pesant sur les exploitants. C'est encore plus vrai dans un contexte où chacun se demande avec inquiétude si les critères de rentabilité et de dividendes ne seront pas, à terme, préférés à ceux de sécurité et d'information.
L'information est bien la clé maîtresse de la transparence. Elle s'inscrit d'ailleurs totalement en cohérence avec le droit européen, en particulier avec la directive du 28 janvier 2003, concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement.
Selon les termes de cette directive, « l'accès accru du public à l'information en matière d'environnement ainsi que la diffusion de cette information favorisent une plus grande sensibilisation aux questions d'environnement, le libre échange d'idées, une participation plus efficace du public à la prise de décision en matière d'environnement et, en définitive, l'amélioration de l'environnement ».
Une telle démarche doit également être en phase avec les conventions internationales, notamment avec la convention d'Aarhus, ratifiée par la France alors que M. Hubert Védrine était ministre des affaires étrangères.
Cette convention porte sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement.
Son article 1er énonce son objet même : « Afin de contribuer à protéger le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être, chaque partie garantit les droits d'accès à l'information sur l'environnement, de participation du public au processus décisionnel et d'accès à la justice en matière d'environnement conformément aux dispositions de la présente convention. »
Nous avons d'ailleurs déposé plusieurs amendements tendant à intégrer certaines dispositions de cette convention. Je connais le sort que la commission leur a réservé.
C'est dans cet esprit de transparence et d'information que chacun pourra appréhender les éventuels risques encourus.
Ainsi, nous vous proposerons un certain nombre d'amendements allant dans ce sens, notamment à l'article 6. Il nous paraît indispensable de préciser que le rôle de la CLI est d'assurer auprès du public la diffusion de l'information, y compris la sienne, par une large communication des résultats de ses travaux, et ce - c'est un ancien enseignant qui vous parle - sous une forme accessible à tous.
En outre, la mission d'information des CLI ne doit pas se limiter à la sûreté et à la radioprotection relative à l'installation. Elle doit également prendre en compte les effets à moyen et à long terme sur l'environnement et sur la santé, car c'est bien sur ces aspects que portent un grand nombre d'inquiétudes.
Le code de l'environnement prévoit par ailleurs la création de commissions au statut spécifique pour les laboratoires souterrains de recherche sur la gestion des déchets radioactifs et les comités locaux d'information et de suivi, les CLIS. Or on a pu observer combien la multiplication des commissions d'information avec des statuts différents contribuait à une moindre efficacité globale. C'est pourquoi nous souhaiterions une uniformisation des instances de concertation et la création de CLI, y compris autour des laboratoires de recherche souterrains, des installations classées détenant des matières radioactives ou fissiles et des centres de stockage ou d'entreposage des déchets radioactifs.
Permettez-moi de faire une remarque à ce sujet, madame la ministre : il faut non pas faire entrer les CLI dans la société civile, mais plutôt faire entrer la société civile dans les CLI !
Si la transparence doit être assurée à chaque niveau, il en est de même pour les liens que chacun de ces niveaux entretient avec les autres. Ainsi, l'équilibre entre les différents acteurs doit être garanti. Ce n'est pas le cas dans la version du projet de loi qui nous est présentée.
Il faut particulièrement veiller à une bonne articulation et à une distribution des rôles équitable entre la Haute autorité de sûreté nucléaire et le Haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire, qui s'occupe de l'information du public. De ce point de vue, la rédaction actuelle du projet de loi ne nous satisfait pas.
Comme l'ont fait remarquer certains juristes, la Haute autorité de sûreté nucléaire apparaît comme un démembrement de l'administration, tous les moyens humains, financiers et techniques étant attribués à un collège de cinq personnes désignées pour six ans et inamovibles durant cette période. Cette structure dispose, de surcroît, d'énormes pouvoirs juridiques pour édicter des règlements et effectuer des contrôles. Elle se substitue en réalité aux services du ministère délégué à l'industrie. Ne recevant aucune instruction d'un ministre ni du Gouvernement - je me réfère à l'article 2 octies -, elle échappe donc à tout contrôle hiérarchique ou politique du Parlement et du Gouvernement.
Un organe de ce type n'a aucun équivalent. En effet, les autorités administratives indépendantes existantes n'ont pas un pouvoir aussi étendu, associant pouvoirs de police spéciale - ce qui implique la faculté d'édicter des règlements -, de contrôle et d'information.
À ce propos, il ne se passe pas un mercredi sans que l'on ne nous annonce la création d'une agence ou d'une autorité qui démantèle le rôle du politique et de l'État, donc du Gouvernement et du Parlement. Il faudra bien un jour s'interroger sur le rôle et le bilan de toutes ces structures.