Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la crise du début de l'année entre Kiev et Moscou, la vague de froid qui s'est abattue sur l'Europe de l'Est, les prix toujours plus élevés du pétrole concourent à faire de l'énergie un sujet important tant pour la France que pour l'Europe.
La Commission européenne prépare d'ailleurs un Livre vert sur ce thème, qui devrait être rendu public très prochainement. L'un de ses volets majeurs sera la place du nucléaire.
La très forte augmentation des prix du pétrole et la raréfaction, à terme, des ressources facilement accessibles en hydrocarbures nous conduisent à poser la question de nos choix en matière énergétique. Dans ce contexte, le nucléaire civil a fait l'objet d'une attention renouvelée. En effet, cette énergie peut être considérée comme « propre » en termes d'émission de gaz à effet de serre.
Permettez-moi à ce sujet de mentionner un exemple que je connais bien. En tant qu'élu du département de la Vienne, j'ai participé à la création de la centrale nucléaire de Civaux, qui a connu moult péripéties.
D'abord annoncé alors que M. Valéry Giscard d'Estaing était Président de la République, le projet a été interrompu sous le Président Mitterrand. Il a ensuite été repris, puis de nouveau interrompu, avant d'être à nouveau relancé. La centrale a finalement été réalisée quelques années plus tard, mais tout cela a coûté fort cher.
Or les deux unités de cette centrale permettent d'éviter chaque année - c'est également vrai pour d'autres - le rejet de plus de 20 millions de tonnes de gaz carbonique, principale cause de l'effet de serre !
Garant d'une relative indépendance et illustration de la maîtrise d'une technologie de pointe, le nucléaire pourvoit déjà à près de 80 % de nos besoins nationaux en électricité.
Le secteur industriel concerné évolue. Les technologies se renouvellent. Le parc nucléaire français vieillit, en tout cas pour ce qui concerne un certain nombre de centrales. Les citoyens exigent - et c'est bien naturel - une plus grande information. La démocratie moderne s'enorgueillit de l'indépendance des contrôles dans les domaines où la santé et la sécurité sont en jeu.
De fait, la sûreté des installations nucléaires est un enjeu majeur, tout comme la divulgation des informations la concernant.
C'est la raison pour laquelle, depuis plusieurs années, les gouvernements successifs ont souhaité que le Parlement discute un projet de loi sur la transparence et la sûreté en matière nucléaire. Je vous remercie, madame la ministre, ainsi que le Gouvernement, de votre initiative.
Je concentrerai plus particulièrement mon propos sur l'information du public et sur les contrôles des installations nucléaires de base.
Tout d'abord, en dépit des polémiques suscitées par les activités nucléaires, la transparence et l'information du public sont devenues une réalité dans notre pays, tant à l'échelle nationale qu'au niveau local. Elles peuvent, certes, être améliorées. Mais les dispositifs les concernant ont été substantiellement renforcés depuis le début des années quatre-vingt. En plus de quarante ans, le secteur nucléaire français s'est progressivement doté de règles et de bonnes pratiques qui ont permis d'accompagner son développement avec un niveau satisfaisant de sécurité et de transparence.
Aussi le projet de loi qui nous est soumis vient-il à la fois consolider juridiquement l'existant, tout en l'améliorant.
Comme cela est précisé dans le rapport, « une loi est aussi en elle-même un acte de transparence vis-à-vis des exploitants, puisqu'elle garantit un cadre juridique clair où droits et obligations sont connus et affichés ».
Ce qui est valable pour les exploitants l'est également pour le public. Cette orientation se traduit notamment par la création d'un Haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire, dont les avis comme le rapport annuel d'activité seront publics. De même, un droit d'accès à l'information détenue par les exploitants et les personnes responsables de transports nucléaires est institué.
L'exploitant d'une installation nucléaire de base devra établir chaque année un document d'information à l'usage du public, qui sera transmis à la CLI et à la Haute autorité et mis à la disposition des personnes qui en feront la demande.
Je ne saurais conclure sur le thème de la transparence sans témoigner du succès des commissions locales d'information. Leur composition est judicieuse, permettant l'implication des élus locaux, des associations, des représentants du monde socio-économique et du corps médical.
Leur souplesse d'organisation et de fonctionnement ainsi que leur indépendance, vis-à-vis tant de l'exploitant que des services de l'État chargés du contrôle, leur ont permis de devenir des lieux essentiels du débat et de la transparence autour des activités nucléaires.
L'absence d'un cadre rigide explique sans doute cette réussite. Il n'en demeure pas moins que les fondements juridiques de ces commissions, qui reposent tout entier sur la circulaire du Premier ministre du 15 décembre 1981, méritent d'être consolidés. C'est l'objet de l'article 6 du projet de loi, sur lequel j'ai déposé deux amendements, dans le souci d'accroître la transparence et de prévenir certains dérapages qui ne manqueraient pas de se produire.
Nous devons, me semble-t-il, éviter d'ouvrir la boîte de Pandore des analyses des émissions et des rejets des installations nucléaires dans l'environnement. Seules les commissions locales d'information doivent pouvoir demander ces analyses, qui, je le rappelle, coûtent cher aux finances publiques. Et s'il ne faut surtout pas s'en priver dès lors qu'elles sont utiles, on ne peut autoriser les demandes de toutes les personnes intéressées, sinon celles-ci se multiplieront et les refus des commissions locales d'information d'accéder à ces demandes viendront immanquablement alimenter de nouveaux contentieux.
L'innovation majeure qu'apporte ce projet de loi est sans conteste la mise en place d'une Haute autorité de sûreté nucléaire, autorité de contrôle indépendante, telle que l'avait souhaitée le Président de la République lors de la présentation de ses voeux aux forces vives de la nation, le 5 janvier dernier.
La décision de créer cette nouvelle autorité administrative indépendante - j'y insiste - s'inspire des expériences menées aux États-Unis, au Canada et en Espagne.
Je suis néanmoins amené à formuler deux interrogations, s'agissant de ses modalités de fonctionnement et de son coût. Je pense en effet qu'il faut absolument éviter d'accréditer l'idée selon laquelle nous aurions vécu dangereusement jusqu'à ce jour, car tel n'est pas le cas.
Ainsi, l'activité du site nucléaire que je connais le mieux, celui de Civaux, est soumise à différents contrôles, au rythme d'un par jour en moyenne, soit par l'autorité de sûreté, soit par des administrations compétentes ou par la commission locale d'information, auxquels le centre nucléaire de production d'électricité de Civaux rend régulièrement des comptes sur le fonctionnement de la centrale.
Les contrôles externes sont très nombreux. La direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection a remplacé la direction de la sûreté des installations nucléaires et son champ d'intervention a été étendu à la radioprotection.
Comme pour les autres centrales, un certain nombre de contrôles sont également effectués à l'échelon régional par la division de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, la DSNR, et la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, ainsi que par les directions départementale et régionale des affaires sanitaires et sociales.
Dans ces conditions, madame le ministre, je souhaiterais avoir un certain nombre d'informations complémentaires. J'aimerais ainsi savoir exactement comment vont se combiner les moyens existants avec les dispositions de l'article 16 du projet de loi relatif aux contrôles et mesures de police, et connaître le coût de l'installation et du fonctionnement de la Haute autorité, la sécurité ayant un coût.
Avant de conclure, je voudrais rendre hommage à tous les professionnels de l'industrie nucléaire, pour qui la sécurité est une préoccupation permanente.
Ce projet de loi, dont l'objectif de consolidation juridique et de transparence est primordial, mérite d'être approuvé.