Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à ce stade du débat, nous n'éviterons pas quelques redondances dans la présentation de certains chiffres. Il me paraît toutefois important de rappeler que la France acquitte chaque année une facture énergétique de 23 milliards d'euros et qu'elle reste dépendante du pétrole à hauteur de 40 %. Elle doit donc trouver les moyens de compenser ses faibles ressources énergétiques fossiles.
Par ailleurs, pour contenir le phénomène de réchauffement climatique, les climatologues estiment que l'humanité doit diminuer ses rejets annuels de carbone de 6 milliards à 3 milliards de tonnes. En se substituant au charbon, qui constitue la source d'électricité la plus importante à l'échelle de la planète, les 440 réacteurs nucléaires aujourd'hui en fonctionnement dans le monde permettent chaque année d'éviter le rejet d'environ 600 millions de tonnes de carbone, soit 20 % du tonnage total devant être économisé.
Dès lors, le nucléaire apparaît comme l'un des outils les plus efficaces pour lutter contre le réchauffement climatique, mais également pour répondre à l'explosion des besoins. Il ne faut pas oublier non plus que le recours à l'énergie nucléaire, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, a été décidé en France dans le but, qui reste d'actualité, de garantir notre indépendance énergétique.
Rappelons que le nucléaire assure aujourd'hui près de 80 % de la production d'électricité du pays, l'hydraulique complétant cette fourniture à hauteur de 14 %.
En ce sens, la décision du Président de la République de développer le nucléaire de quatrième génération, plus économe, plus sûr, produisant moins de déchets et apte au dessalement de l'eau et à la production d'hydrogène, est un engagement conforme au protocole de Kyoto, récemment entré en vigueur. Elle nous satisfait donc pleinement.
Toutefois, le développement de l'énergie nucléaire doit avoir pour corollaire une meilleure prise en compte des problématiques propres à cette énergie.
En conséquence, et au regard des enjeux, la politique énergétique suppose une véritable maîtrise publique, dont découlera la transparence qui permettra aux citoyens de maîtriser pleinement les enjeux liés au développement du nucléaire. La population souhaite en effet mieux connaître les risques liés à cette énergie, qu'ils concernent la gestion des déchets, la protection de l'environnement ou les effets sur la santé.
Le Gouvernement s'était donné pour objectif de répondre à ces aspirations. Qu'en est-il concrètement ?
En préalable, je tiens à souligner les risques qu'entraînent les politiques de libéralisation du secteur énergétique et l'ouverture du capital d'EDF, notamment, en termes de transparence nucléaire.
Le désengagement de l'État dans la définition de la politique énergétique ne permet pas d'assurer la transparence nucléaire dans de bonnes conditions. La gestion privée des entreprises énergétiques - cela a déjà été dit, mais j'y insiste - constitue un recul démocratique important, les citoyens et les salariés n'ayant plus leur mot à dire. Ce déficit démocratique est un facteur potentiel de manque de transparence.
S'agissant plus particulièrement du texte qui nous est soumis aujourd'hui, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen estiment qu'il comporte de nombreux points positifs concernant les objectifs de transparence en matière nucléaire, qui sont principalement issus du projet de loi tel qu'il avait été déposé par Dominique Voynet. Nous estimons en effet que la création d'un Haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire va dans le bon sens.
Par ailleurs, nous voyons dans la présence au sein de cette structure d'une personnalité du Conseil supérieur de l'audiovisuel un engagement de communiquer auprès du plus grand nombre. Cependant, afin d'améliorer la représentativité de ce Haut comité, nous soutiendrons l'amendement de la commission qui vise à élargir sa composition et à intégrer la représentation syndicale des salariés des installations nucléaires de base, mais également celle des services de l'État, notamment de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. De plus, nous souhaitons que sa saisine soit élargie aux parlementaires et aux représentants des organisations syndicales.
L'article 6 du projet de loi légalise les commissions locales d'information, élargit leurs pouvoirs et assure leur financement. Ces garanties nous satisfont, même si, concrètement, ces commissions ne disposent pas de réels pouvoirs de contrainte leur permettant d'obtenir les documents nécessaires à leur travail.
Toujours dans le souci de permettre une meilleure transparence, nous vous proposerons d'améliorer les relations sur site entre les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et les CLI. Il nous semble en effet important de renforcer la discussion entre ces commissions et les salariés des installations nucléaires.
Nous sommes plus réservés sur l'article 4, qui crée le droit à l'information. Cet article prévoit en effet que les exploitants pourront refuser de communiquer certaines informations au nom de la sécurité nucléaire. Cette restriction est bien vague et ne permet pas de garantir effectivement le droit à l'information. On peut en effet refuser de transmettre un grand nombre d'informations au nom de ce principe !
De plus, cette nouvelle obligation sera source d'insécurité juridique pour les exploitants, qui ne sauront pas quels documents ils seront dans l'obligation de fournir. Nous estimons que la liste des documents transmissibles devrait être fixée dans un décret pris en Conseil d'État.
En outre, s'il est indispensable d'informer la population, il ne faut pas non plus oublier les salariés du secteur. L'exercice de la démocratie sociale est un élément important de la transparence nucléaire. De ce point de vue, le statut d'établissement public à caractère industriel ou commercial d'EDF permettait un minimum de consultation des personnels grâce aux dispositions statutaires.
Or, aujourd'hui, la situation s'est nettement dégradée : les salariés sont systématiquement écartés de toutes les questions de sécurité. À titre d'exemple, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne participe pas à l'élaboration du plan d'urgence interne.
En conclusion, nous estimons que le présent projet de loi comporte de réelles avancées en termes de transparence, dont nous sommes satisfaits.
Nous espérons donc, si nous partageons les mêmes objectifs, que vous adopterez les amendements que nous vous proposerons visant à permettre une meilleure information des citoyens, afin qu'ils soient pleinement associés aux choix énergétiques.
Cependant, nous sommes plus réservés sur les mesures du projet de loi concernant la sécurité nucléaire, notamment la création de la Haute autorité de sûreté nucléaire. Le temps me manque pour aborder ce sujet, mais mon ami Yves Coquelle l'a fait. Nous y reviendrons donc au cours du débat sur les amendements.
Nous espérons que ce texte évoluera au fil de son examen, afin qu'il puisse garantir une meilleure transparence et une sécurité renforcée en matière nucléaire. Si tel n'était pas le cas, nous ne pourrions pas le voter.