Permettez-moi, en premier lieu, de vous remercier, madame la ministre, de nous donner l'occasion de nous pencher sur les sujets particulièrement importants que sont la transparence et la sécurité en matière nucléaire, même si l'on peut regretter que de longues années aient été nécessaires avant que nous puissions les aborder.
En effet, si le projet de loi que vous nous présentez a été déposé sur le bureau du Sénat dans le courant de l'année 2002, il est, en fait, en gestation depuis plus de six ans.
Ses objectifs sont pourtant parfaitement louables et croyez bien que nous les partageons : étendre le droit à l'information des citoyens ; conforter le rôle des commissions locales d'information ; garantir la qualité et la fiabilité de l'information du public sur les activités nucléaires ; préciser les conditions d'autorisation des installations nucléaires, ainsi que celles qui sont relatives au transport de substances radioactives ; enfin, renforcer le contrôle de l'application des mesures de radioprotection.
Le Président de la République avait annoncé la création d'une agence administrative indépendante chargée du contrôle de la sécurité nucléaire, de la radioprotection et de l'information. Cette annonce a été suivie d'effet puisque la lettre rectificative à l'actuel projet de loi prévoit la création de la Haute autorité de sûreté nucléaire, pourvue de ces différentes missions.
Cette initiative mérite d'être saluée, car, dans le domaine nucléaire, comme dans tous les autres, il n'y a rien de pire que les instances qui sont, peu ou prou, à la fois juge et partie.
Il semblerait en effet que, par le passé, le Parlement, voire parfois certains ministres n'aient pas toujours bénéficié d'une information objective leur permettant de prendre des décisions pourtant importantes pour l'avenir énergétique de notre pays.
Cela n'est pas admissible et il faut espérer que, à l'avenir, cette autorité indépendante aura le souci de garantir aux citoyens et aux élus une information à la fois objective et d'une très grande qualité scientifique.
Même si le texte dont nous débattons ne constitue pas ce que l'on appelle communément « l'après-loi Bataille », qui fera l'objet d'un débat au cours de la présente année, vous ne serez guère étonné que l'élu de la Meuse que je suis évoque le devenir du laboratoire de Bure, au sujet duquel le Haut-Marnais Bruno Sido partage, je le sais, mes préoccupations.
J'ai déjà eu l'occasion d'aborder ce sujet au cours d'un débat organisé ici même à la suite d'une question orale du président Henri Revol. J'y avais notamment évoqué le dispositif d'accompagnement financier inhérent à la création et à l'exploitation de ce laboratoire, me faisant l'écho du souhait des élus meusiens de voir celui-ci induire un véritable développement économique et la création d'emplois durables aussi bien en Meuse qu'en Haute-Marne. J'avais en outre précisé que la création d'emplois et de richesse serait un facteur déterminant de l'acceptation locale ». C'est en effet une dimension à prendre également en compte.
Lors de ce même débat, j'avais souligné qu'un très grand effort de concertation dans la plus grande transparence devrait nécessairement être conduit, en souhaitant que les résultats, positifs ou négatifs, des recherches sur la faisabilité d'un stockage dans le laboratoire de Bure soient rendus publics et compréhensibles.
J'en reviens ainsi à l'objectif principal du texte que nous examinons, à savoir la « transparence et la sécurité en matière nucléaire ».
Même si celui-ci s'applique aux installations nucléaires de base, vous conviendrez aisément que ces deux notions essentielles ne peuvent être absentes s'agissant du stockage des déchets nucléaires.
À cet égard, je me permets de rappeler les conclusions contenues dans l'excellent rapport publié voilà quelques mois par nos collègues députés MM. Bataille et Birraux sur l'état d'avancement et les perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs, s'agissant plus particulièrement de l'amélioration de l'information à destination des élus et de la population.
Ce rapport prévoit ainsi d'améliorer l'efficacité du comité local d'information et de suivi créé auprès du laboratoire de Bure s'agissant de sa mission de diffusion des résultats des recherches.
Il est également proposé de prolonger, au-delà de 2006, la Commission nationale d'évaluation afin que celle-ci continue à jouer son rôle d'aiguillon, de conseil et d'analyse.
Ce rapport préconise aussi d'assigner au CEA et à l'ANDRA, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, des objectifs ambitieux d'information pour les visites de leurs installations et d'améliorer le dialogue avec les élus et la population, le débat public ayant, au demeurant, été très largement engagé.
Vous n'êtes pas sans savoir, madame la ministre, que la création de ce laboratoire fait l'objet d'une contestation locale émanant davantage - vous n'en serez guère surprise - des milieux se préoccupant de la protection de l'environnement que des élus. Même si ces préoccupations peuvent paraître exagérées, il n'en demeure pas moins qu'il convient d'en tenir compte.
En effet, s'il est parfaitement exact que, s'agissant des centrales électronucléaires, la France possède une très grande expertise et une expérience déjà suffisamment longue pour se rendre compte qu'aucun incident majeur n'est intervenu dans leur fonctionnement - et il convient de s'en féliciter -, nous ne disposons, malheureusement, d'aucun recul concernant le laboratoire souterrain de Bure. Qui plus est, contrairement à ce qui avait été prévu à l'origine, il s'agit d'une installation unique, sans aucune possibilité de comparaison.
On avait évoqué, en d'autres temps, certains départements, tels le Gard ou la Vienne, mais ce site reste, pour l'instant, le seul qui soit véritablement au stade de l'expérience.
Or, à bien des égards, l'avenir de ce site se dessine - à ce jour en tout cas - sans véritable concertation avec les élus locaux. Nous entendons régulièrement parler d'« enfouissement », de « réversibilité ». Ces mots, d'une certaine façon sonnent de manière un peu perturbantes à nos oreilles, car nous savons qu'il y a une différence de taille entre la durée de vie d'une centrale nucléaire, qui est d'environ quarante ou cinquante ans avant son démantèlement, et celle des déchets nucléaires, qui est presque éternelle !
Les élus et la population aspirent donc légitimement à être rassurés quant à l'innocuité d'un tel équipement.
Je souhaite, pour ma part, que toutes les dispositions du présent projet de loi qui vont dans le sens de l'amélioration de la transparence et de la sécurité en matière nucléaire s'appliquent au laboratoire et, éventuellement, au futur centre de stockage de Bure. En tout état de cause, ce site, qui nécessitera un ou plusieurs nouveaux forages, doit rallier les attentes, les ambitions et peut-être aussi les espoirs de nos deux départements de la Meuse et de la Haute-Marne.
Comme je l'indiquais voilà quelques mois, la communauté scientifique mérite notre confiance, mais le passé nous indique qu'elle peut se tromper. Quant à nous, décideurs politiques, sur un sujet aussi sensible et d'une importance capitale, nous n'avons pas le droit à l'erreur ; il y va de l'avenir des générations futures.
C'est donc ensemble que nous devrons assumer nos responsabilités, dans la perspective d'un projet industriel interdépartemental d'intérêt commun, et au service de notre pays.
L'occasion nous est donnée de dynamiser les actions industrielles de nos départements ruraux et de vous accompagner, madame le ministre, dans votre ambition de mettre en place les solutions d'avenir durables qui s'imposent.