Monsieur le secrétaire d'État, comme chacun le sait dans cette enceinte, la publicité en faveur des boissons alcoolisées est autorisée par la loi du 10 janvier 1991, dite loi « Evin », qui l’encadre strictement pour des motifs de santé publique.
Ainsi cette publicité n’est-elle autorisée que sur un certain nombre de supports limitativement énumérés par une disposition maintenant codifiée à l’article L. 3323-2 du code de la santé publique.
Cette énumération, qui comporte, notamment, la presse écrite, la radiodiffusion sonore, les affiches et enseignes, ou encore les messages, circulaires commerciales et brochures diffusées par les producteurs et les négociants, ne prend pas en compte Internet et les réseaux numériques qui, lors de la discussion de la loi précitée, n’avaient pas encore pris l’essor qu’ils connaissent actuellement.
Cependant, la publicité sur Internet a été considérée jusqu’à présent comme autorisée sur le fondement d’une interprétation que le Conseil d’État, dans un rapport publié en 1998 et intitulé Internet et les réseaux numériques, a donnée du champ d’application de l’article L. 3323-2 du code de la santé publique.
Pourtant, cette position équilibrée vient d’être remise en question par deux décisions de justice successives : une ordonnance de référé, rendue le 8 janvier 2008 par le tribunal de grande instance de Paris, ordonnance confirmée quelques jours plus tard, le 13 février 2008, par un arrêt de la cour d’appel de Paris.
Par ces deux décisions, les juges s’en sont tenus à une lecture littérale du code de la santé publique. Constatant qu’Internet ne figurait pas expressément dans la liste limitative des supports autorisés par l’article L. 3323-2 du code de la santé publique, ils en ont déduit que la publicité n’était pas autorisée sur les services de communication en ligne.
À l’heure où Internet prend une place croissante dans le développement de la publicité, cette approche jurisprudentielle n’est pas sans conséquences. Ainsi, l’interdiction sur ce support de toute forme de publicité pour les boissons alcooliques et, par conséquent, pour le vin reviendrait à imposer la fermeture de tous les sites en ligne qui évoquent un cépage, une appellation, voire un terroir.
Ne pouvant s’appliquer qu’aux services de communication en ligne régis par la loi française, cette interdiction pénaliserait les producteurs français par rapport aux producteurs de pays tiers dont les sites, accessibles sur le réseau mondial de la « toile », ne seraient pas soumis à des dispositions aussi contraignantes.
C’est la raison pour laquelle il m’a semblé nécessaire de déposer le 8 février dernier, avec plusieurs de mes collègues, une proposition de loi tendant à procéder à la clarification législative qui s’impose et à confirmer par voie législative une construction juridique qui ne reposait, jusqu’à présent, que sur une interprétation du Conseil d’État.
À toutes fins utiles, j’indique que le dispositif que nous proposons prend soin de préciser que cette présentation de la publicité doit respecter les autres dispositions du code de la santé publique, notamment l’article L. 3323-4, qui énumère les indications et références admises en matière publicitaire.
Par ailleurs, je rappelle que, dans leurs attendus, les juges avaient invité le législateur à clarifier la loi. Ainsi, d’une certaine manière, notre proposition de loi répond à cette invitation. Par cette initiative, une partie du chemin a été effectuée. Il reste à savoir, monsieur le secrétaire d'État, si le Gouvernement a l’intention de nous permettre d’aboutir en inscrivant cette proposition de loi à l’ordre du jour des travaux parlementaires et s’il entend prendre toute initiative dans ce sens.