Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu attirer l’attention de Mme Roselyne Bachelot-Narquin sur l’encadrement de la publicité en faveur de l’alcool.
Je vous rappelle que la loi Évin dresse la liste des supports autorisés pour la publicité en faveur de l’alcool, liste sur laquelle ne figure pas Internet. Cette interdiction de publicité sur Internet a été rappelée par le tribunal de grande instance de Paris, dont le jugement a été confirmé par la cour d’appel de Paris le 13 février 2008.
Cette dernière a souligné que le site concerné, qui appartient à la marque Heineken, était clairement destiné à faire de la publicité en faveur de la bière au moyen, notamment, de jeux, d’animations sonores ou de visuels attractifs. De tels agissements, inacceptables, sont contraires à la loi.
Bien que cette publicité ne fût pas envisagée par le code de la santé publique, jusqu’à cette condamnation, les producteurs d’alcool avaient choisi de considérer la publicité en faveur des boissons alcooliques sur Internet comme permise, sur le fondement d’un avis du Bureau de vérification de la publicité, dont la jurisprudence a rappelé qu’il n’avait pas de portée législative ou juridictionnelle.
Depuis cette décision, certains s’inquiètent que toute personne faisant la promotion de l’alcool sur Internet puisse être théoriquement condamnée. J’insiste sur le mot « théoriquement », car il n’est nullement établi qu’une action en justice puisse être engagée contre un site ne réalisant que de la vente en ligne. Pour poursuivre un site en justice, il faut y être habilité. Ainsi, l’action en justice contre Heineken a été menée par l’ANPAA, l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie.
L’ANPAA est une association responsable et il paraît peu probable qu’elle s’attaque au site de vente en ligne d’un vigneron indépendant ou au site de l’office de tourisme d’une région vinicole.
En outre, il n’est nullement certain qu’une telle action conduirait à la condamnation de l’exploitant du site. Dans l’affaire Heineken, il a ainsi été considéré que le site condamné n’était pas destiné directement à la vente. La marque Heineken dispose d’un autre site dédié à cette activité.
Il me semble logique de considérer que la position juridique puisse être différente pour les sites de vente en ligne. Non considérés comme des supports de publicité, ils pourraient être autorisés.
Néanmoins, cette interprétation n’étant pas juridiquement certaine, Mme la ministre de la santé peut donc comprendre la crainte, notamment de la part de la filière viticole, d’une condamnation d’un site de vente en ligne.
Face à cette incertitude, certains réclament la modernisation de la loi Évin afin de soumettre les sites de vente en ligne au même encadrement publicitaire que les commerces d’alcool « physiques ». Certains vont plus loin en demandant une large diffusion de la publicité en faveur de l’alcool sur Internet.
Je tiens à mettre formellement en garde les tenants d’une libéralisation de la publicité sur Internet, qui représente deux dangers. D’une part, une libéralisation non strictement encadrée de la publicité en faveur de l’alcool sur Internet profiterait d’abord aux grands groupes industriels producteurs d’alcool, qui disposent de moyens publicitaires très importants, plutôt qu’à la filière viticole. D’autre part, les jeunes, dont nous connaissons la vulnérabilité, et qui sont de grands utilisateurs d’Internet, seraient harcelés par l’ensemble des techniques de promotion telles que les pop-up, les spams et les liens sponsorisés. Alors que l’alcoolisation des jeunes est un phénomène croissant, il n’est pas concevable de laisser les publicités en faveur de l’alcool envahir ce média. Toute la littérature scientifique montre le fort impact de la publicité sur les comportements d’alcoolisation.
Il existe un large consensus sur la nécessité de protéger les plus jeunes des dangers de l’alcool. Toutefois, Mme Roselyne Bachelot-Narquin entend le souhait de ne pas laisser peser sur un important secteur économique un risque de contentieux, aussi relatif soit-il. C’est pourquoi elle va engager, en lien avec les ministères concernés, une réflexion sur cette question en y associant les acteurs sanitaires et économiques du secteur.