Intervention de Hubert Haenel

Réunion du 27 octobre 2005 à 15h00
Position de l'union européenne dans les négociations au sein de l'organisation mondiale du commerce avant la conférence de hong-kong — Discussion d'une question européenne avec débat.

Photo de Hubert HaenelHubert Haenel, président  :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi, tout d'abord, de saluer l'initiative de notre collègue Jean Bizet, qui est à l'origine de notre débat d'aujourd'hui.

Cette initiative répond pleinement au souci de revaloriser l'approche des questions européennes au Parlement et de mieux faire comprendre les débats communautaires. Nous devons intervenir en temps utile, c'est-à-dire avant que les décisions soient prises : c'est le cas aujourd'hui, puisque ce débat a lieu bien en amont des négociations de Hong-Kong, qui se dérouleront du 13 au 18 décembre prochain.

L'intervention du Parlement en amont deviendra, je l'espère, de plus en plus souvent la règle. En tout cas, le Premier ministre nous en a fait la promesse. Déjà, le 15 juin dernier, le Gouvernement avait accepté, et c'était une première, un débat en séance publique avant le Conseil européen, afin que nous puissions connaître ses intentions et lui faire part de nos observations. J'espère que cette expérience se renouvellera. Il est très important en effet que les parlementaires puissent agir en amont, plutôt que de constater et de se désoler des résultats de négociations communautaires qui seraient prises en charge et orientées par les seuls gouvernements.

Plusieurs dossiers importants, qu'il s'agisse de la directive dite « Bolkestein » ou d'autres textes moins médiatiques, ont montré qu'il était nécessaire d'avoir un débat d'orientation politique avant d'engager les discussions avec nos partenaires.

Je vous remercie vivement, madame la ministre, d'avoir accepté de venir nous présenter les enjeux de ces négociations et la position du Gouvernement. Cela nous permettra peut-être de relativiser ce que nous lisons dans les journaux, entendons à la radio et voyons à la télévision.

Sur le fond, je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit Jean Bizet, qui connaît très précisément les dossiers commerciaux et le fonctionnement de l'OMC.

L'enjeu des négociations commerciales de Hong-Kong est d'abord et avant tout un enjeu de développement pour les pays les plus pauvres, qui souffrent d'une concurrence parfois faussée - je pense en particulier au dossier du coton -, mais aussi pour nos économies, qui bénéficieront de l'ouverture des marchés extérieurs, lesquels sont actuellement en pleine croissance, en Asie ou en Amérique Latine.

Récemment, l'entrée massive de textiles chinois a légitimement suscité l'émoi et conduit l'Union européenne à négocier des quotas d'importation pour permettre la restructuration de nos industries. En échange de ces ouvertures, douloureuses pour certains secteurs d'activité, nous devons conquérir des marchés extérieurs, dans des secteurs à plus forte valeur ajoutée comme les transports, la téléphonie et les services.

S'agissant de l'agriculture, nous devons sans cesse réaffirmer, à temps et à contretemps, qu'il ne s'agit pas d'un bien comme un autre. Au-delà de l'aspect économique, l'agriculture est en effet un élément du patrimoine européen - et pas seulement français -, un aspect de l'équilibre territorial, social et environnemental de nos pays.

L'Union a besoin d'une politique agricole commune. Si cette politique doit faire l'objet d'adaptations - cela a souvent été le cas ces dernières années -, nous ne devons jamais en perdre de vue les conséquences sur l'aménagement du territoire de l'Europe, la sauvegarde de ses paysages, parties intégrantes de son identité. Il faut certes savoir évoluer, mais sans sacrifier l'essentiel.

Je pense, madame la ministre, que vous nous confirmerez que, sur ce point, un grand nombre d'Etats membres sont en accord avec la France.

Sur les sujets industriels et les services, je rappellerai principalement que, tout comme en matière agricole, il existe des garde-fous, en particulier en ce qui concerne le respect des services publics et de la diversité culturelle.

S'agissant des services publics, l'accord dit « AGCS » - accord général sur le commerce des services - a suscité des craintes dans les collectivités territoriales quant à une possible ouverture à la concurrence des services d'intérêt général, comme la distribution de l'eau. Ces craintes sont infondées, car la Commission a formellement exclu ce type d'offres. D'autres pays pourront le proposer, mais pas l'Union.

Concernant la diversité culturelle, je me félicite de la récente adoption de la Convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, qui constitue une arme juridique supplémentaire pour exclure les produits culturels des procédures habituelles de libéralisation des échanges.

Par ailleurs, comme Jean Bizet, je souligne que le débat public ne doit pas porter uniquement, comme c'est le cas en ce moment, sur le respect par la Commission européenne de son mandat. Certes, ce thème est important, mais il ne doit pas occulter la nécessité, pour l'Union européenne, d'être un interlocuteur unique pour l'OMC et de développer une véritable stratégie de négociation.

A ce propos, je voudrais rappeler le cadre juridique des négociations commerciales - cela me semble nécessaire, et c'est mon job ! Celles-ci sont régies par l'article 133 du traité instituant la communauté européenne.

En vertu de cet article, « si des accords avec un ou plusieurs Etats ou organisations internationales doivent être négociés, la Commission présente des recommandations au Conseil, qui l'autorise à ouvrir les négociations nécessaires ». Le Conseil donne donc un mandat de négociation à la Commission. Pour les négociations de Seattle, le Conseil Affaires générales du 25 octobre 1999 avait ainsi déterminé les grandes lignes du mandat de négociation de la Commission.

Par ailleurs, « les négociations sont conduites par la Commission en consultation avec un comité spécial désigné par le Conseil [...]. La Commission fait régulièrement rapport au comité spécial sur l'état d'avancement des négociations ».

Ainsi, les outils juridiques existent pour permettre une véritable transparence des négociations : le comité spécial, dit « comité 133 », désigné par le Conseil, se réunit régulièrement, tout en laissant à la Commission le soin de conduire les négociations. A cela, il faut bien évidemment ajouter les comités d'experts qui doivent appuyer le rôle du comité 133.

Enfin, il faut rappeler que, toujours en vertu de l'article 133 du Traité, le Conseil statue à la majorité qualifiée, c'est-à-dire qu'aucun Etat membre, pris isolément, ne dispose du droit de veto.

Certaines dispositions requièrent cependant l'unanimité si l'accord comprend des dispositions pour lesquelles l'unanimité est requise pour l'adoption de règles internes, ou pour un accord qui concernerait le domaine des services culturels et audiovisuels, des services d'éducation, ainsi que des services sociaux et de santé humaine, qui relèvent de la compétence partagée entre la Communauté et ses Etats membres.

Il est utile de rappeler sans cesse ces règles, qui sont les fondamentaux des négociations qui seront menées à Hong-Kong au mois de décembre prochain.

Ces règles doivent nous conduire, me semble-t-il, à adopter une double attitude de vigilance et de confiance à l'égard de la Commission : vigilance quant au respect de nos intérêts et quant à l'expression, le cas échéant, de nos désaccords ; confiance dans les capacités de négociation de la Commission européenne, qui dispose seule de la légitimité pour négocier au nom de tous. Ce n'est qu'à ce prix que le cycle de Doha pourra se conclure sur un succès.

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