J’en viens aux causes. Elles sont de différents ordres. J’en retiendrai quatre principalement : un retard d’investissement, qui est incontestable ; un fonctionnement mal coordonné ; des problèmes manifestes de gouvernance ; des dessertes en amont et en aval insuffisantes et souvent inadaptées. À partir de ce constat, je voudrais proposer des pistes de solutions qui découlent presque toujours de l’analyse des causes.
Le projet de loi propose de clarifier les compétences de nos ports : j’y souscris d’autant que nous devons respecter les directives européennes et les principes de fonctionnement qui en découlent.
Nos ports sont des établissements publics et ont, à ce titre, des prérogatives particulières en termes de responsabilités : tout d’abord, des responsabilités régaliennes pour assurer la sûreté et la sécurité par délégation de l’État, ensuite, des responsabilités d’aménagement nécessaires afin de permettre aux différents intervenants de développer leurs activités. Il appartient aux responsables du port d’en assurer la maîtrise d’œuvre et ils doivent y veiller dans la plus grande transparence.
Deux types d’activités sont développés : les vracs liquides ou solides, qui sont souvent des marchés captifs en raison de la proximité des entreprises de transformation, et les activités liées au développement de la conteneurisation qui, elle, peut passer d’un port à l’autre en fonction de l’attractivité du site portuaire. Dans les deux cas, les responsables du port doivent veiller à l’exercice d’une vraie concurrence, la susciter, voire l’organiser s’il n’y a pas assez d’opérateurs. Vous proposez de dissocier ce qui peut relever d’activités concurrentielles comme cela s’est fait ailleurs : nous ne pouvons que nous engager dans cette voie.
Le détournement de nombreux trafics s’explique, bien évidemment, par les incertitudes des armateurs quant à la fiabilité et l’efficacité de nos ports, c’est-à-dire quant aux délais qui leur seront imposés en matière de chargement ou de déchargement. Il est urgent de mettre en place l’unicité de commandement qui est un gage d’efficacité, comme cela se pratique dans tous les autres ports concurrents, afin de retrouver une crédibilité, et par conséquent la confiance des opérateurs. On peut comprendre que ce changement profond proposé aux différents personnels concernés suscite des inquiétudes, mais nous devons l’accomplir si nous voulons que nos ports reprennent leur développement. Certains de nos amendements ont pour objet de sécuriser ces personnels au-delà de ce que le texte prévoit déjà.
Un port ne peut être pleinement opérationnel que s’il a une grande autonomie de décision. C’est là aussi un impératif d’efficacité et de réactivité. Nos grands ports restent des ports d’État, mais de leur fonctionnement dépend le développement économique de chacun des hinterlands.
Les investissements qui sont engagés requièrent l’intervention des collectivités locales sous forme soit de concours financiers, soit de garanties : il est normal de mieux et plus impliquer les acteurs locaux dans les décisions, ce qui signifie qu’il faut déconcentrer la responsabilité. Un port doit pouvoir engager des dépenses dès lors qu’elles ont été approuvées par le conseil de surveillance, sans attendre l’aval de l’autorité de tutelle lorsque l’État n’est pas impliqué financièrement.
La gouvernance reposant sur un binôme composé du conseil de surveillance et de la direction générale, il est indispensable qu’il y ait une symbiose entre les deux parties. À cet égard, il paraîtrait normal que le futur directeur général expose, avant d’être nommé, son projet stratégique au conseil de surveillance et que sa nomination soit soumise à l’avis conforme de ce dernier.
En revanche, le directeur général doit disposer d’une grande marge de manœuvre tout à la fois dans la constitution de son équipe de direction et dans l’exercice de sa mission au quotidien. Cela implique qu’il puisse être remis en cause en cas de désaccord avec le conseil de surveillance, auquel il doit rendre des comptes.
Pour qu’il y ait une bonne cohérence de l’ensemble de l’activité portuaire, il est nécessaire – et c’est la responsabilité de l’État – que soit élaboré un schéma national, et ce sans tarder. Il me semble que, en aval, l’ensemble des partenaires locaux devraient s’engager dans la mise en place de structures de coordination pour assurer une bonne cohérence en matière de réalisation de dessertes, des investissements induits par le développement de l’activité portuaire, notamment en ce qui concerne l’implantation de zones d’activités liées à la logistique.
Voilà, monsieur le ministre, mes chers collègues, les réflexions que je souhaitais faire devant vous avant l’examen de ce projet de loi qui peut être déterminant pour l’avenir de nos ports.
Bref, c’est sur l’ensemble de la chaîne des activités maritimes qu’il nous faut agir, c’est-à-dire sur le programme d’orientation en matière de dessertes intermodales des ports – préfiguration d’un futur schéma national –, sur le recentrage des ports sur leurs missions de représentants de l’État et d’aménageurs, sur la mise en place de l’unicité de commandement, sur la gouvernance, sur une véritable autonomie de décision et d’engagement des investissements, sur le développement des dessertes et sur la mise en place de structures d’accompagnement des différents acteurs locaux.
Je souhaite que ce texte, enrichi par nos discussions et par nos propositions, permette de donner à nos ports une nouvelle dynamique génératrice de développement économique et donc d’emplois directs et induits, et qu’ainsi la France redevienne la grande puissance maritime qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être.