Intervention de Charles Josselin

Réunion du 20 mai 2008 à 16h00
Réforme portuaire — Discussion générale

Photo de Charles JosselinCharles Josselin :

S’agissant du titre II, la première question porte sur la limite jusqu’où aller en matière de générosité fiscale à l’égard des entreprises manutentionnaires. En effet, si les investissements ne sont pas au rendez-vous, une telle mesure créerait un effet d’aubaine injustifié. La seconde question concerne la capacité des collectivités locales à se priver de ressources fiscales qui sont pourtant censées les aider à financer leur part dans les investissements publics. Là encore, nous aurons l’occasion d’en reparler au cours du débat.

J’en viens au titre III, dont l’intitulé « Dispositions transitoires et finales » suscite des interrogations.

D’abord, il est pour le moins audacieux d’associer ce qui est provisoire à ce qui est définitif.

Surtout, le contenu des articles 4 à 13 aurait mérité un meilleur éclairage. Pourquoi ne pas l’intituler « Dispositions affectant le personnel et la propriété des outillages » ? En effet, c’est bien de cela qu’il s’agit. Vous admettrez que ce ne sont pas des questions subalternes, même si elles ne sont pas de même nature. Je le rappelle, le projet de loi concerne la cessation des activités d’opérateur jusqu’alors exercées par les ports autonomes au moyen d’outillages spécifiques, c’est-à-dire de personnels qui leur étaient propres.

Observons d’abord qu’il s’agit le plus souvent d’équipements lourds, notamment de grues ou de portiques, dont le rôle est considérable, surtout pour le chargement ou le déchargement des conteneurs.

Une telle mesure serait justifiée par le besoin d’unifier la chaîne de la manutention. Il y faudrait une unité de commandement.

Monsieur le secrétaire d’État, sur le terrain, le pragmatisme a souvent prévalu et la coordination entre autorités portuaires et manutentionnaires donne des résultats globalement satisfaisants. N’oublions pas la solution de mise à disposition des machines et des hommes, qui permet aux unes et aux autres de conserver leur statut. Dans les rares cas où elle a été appliquée, elle a également donné de bons résultats.

S’agissant des outillages et de leur cession, la question de la transparence et de la publicité de leur évaluation méritera évidemment d’être posée. Un amendement du groupe socialiste est prévu à cet effet.

C’est évidemment le devenir des personnels concernés par ce transfert qui constitue le point le plus sensible de votre réforme, monsieur le secrétaire d’État, c’est celui qui pose la question sociale. C’est elle qui occupe prioritairement le champ médiatique, et ce n’est pas nouveau. Si, par malheur, votre plan de relance échouait, les dockers et leurs syndicats auraient beau jeu de vous reprocher d’avoir utilisé l’ambitieux concept de « relance portuaire » pour masquer un acharnement idéologique guidé par la seule volonté de privatiser le segment encore public de la manutention.

Quoi qu’il en soit et puisque vous avez probablement les moyens parlementaires pour aller au bout de votre réforme, vous comprendrez que le groupe socialiste se batte pour obtenir, au bénéfice des personnels transférés, les meilleures garanties.

C’est ainsi qu’un amendement à l’article 10 prévoit de ne pas limiter la période pendant laquelle ces personnels qui se verraient licenciés par leur nouvel employeur pourraient réintégrer les effectifs du grand port autonome.

Auparavant, nous aurons examiné l’article 9. Nous saisirons cette occasion pour demander la négociation et l’adoption d’une convention commune à l’ensemble des travailleurs du secteur portuaire, qui devra notamment tenir compte de la pénibilité de certains emplois.

Un paragraphe du même article 9 fait courir le risque que le décret rendant obligatoires les dispositions de l’accord-cadre puisse exclure certaines clauses pourtant déjà négociées. Cette disposition nous paraît contraire aux règles du dialogue social. Nous en demanderons la suppression ; nous souhaitons en tout cas en débattre.

Enfin, un article additionnel nous a paru nécessaire pour parer au risque de monopole qu’exercerait une seule entreprise sur l’ensemble du territoire français – et le risque est réel.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la réforme de 1992 a été, pour le secrétaire d’État à la mer que j’étais, une tâche difficile - surtout, oserai-je dire, pour un socialiste.

J’espère qu’au terme de ce débat les opérateurs maritimes, y compris les représentants syndicaux des personnels concernés, auront pu vérifier la continuité de mon engagement en faveur de la filière portuaire française, mais aussi ma volonté de faire en sorte que la loi donne aux grands ports autonomes les moyens d’une meilleure compétitivité sans porter atteinte aux droits légitimes des personnels concernés par le transfert d’activité, qu’il s’agisse des garanties d’emploi ou de salaires.

Le Parlement a le droit, mieux le devoir, d’être informé de la mise en œuvre de cette réforme et de ses conséquences sur le plan économique mais aussi social.

Le rapport annuel d’information prévu par la loi de 1992 n’a jamais été produit. Il demeure plus que jamais nécessaire que le Parlement soit informé. À cet égard, nous souhaitons qu’un amendement présenté par nos collègues communistes soit adopté, mais je suis sûr que M. le rapporteur n’y fera pas opposition.

Le vote final du groupe socialiste dépendra bien évidemment du sort réservé à ses amendements, mais aussi des engagements crédibles que vous prendrez peut-être, monsieur le secrétaire d’État, à l’occasion de ce débat.

Nous partageons votre ambition : assurer la relance de la filière portuaire française en concentrant l’effort sur quelques grandes plates-formes susceptibles de participer à la nécessaire dynamisation de notre économie et de contribuer à l’aménagement structuré de notre territoire. Nous jugeons positive la réforme du statut des missions de la gouvernance du fonctionnement des futurs grands ports autonomes.

Nous croyons la question sociale soluble dans une application intelligente des dispositions du texte, surtout si nous les améliorons au cours de ce débat. Cependant, nous savons tous, monsieur le secrétaire d’État, que les performances des ports français dépendent d’abord d’un effort considérable en matière d’infrastructures terrestres et fluviales, effort qui aurait appelé d’autres formes d’engagement, et singulièrement cette loi programme à laquelle je faisais allusion précédemment.

En l’absence de ces garanties, mais ne voulant pas empêcher la nécessaire modernisation du fonctionnement des grands ports autonomes, le groupe socialiste s’abstiendra.

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