Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 20 mai 2008 à 16h00
Réforme portuaire — Discussion générale

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ces dernières années, l’évolution du transport maritime international, et plus particulièrement la forte expansion du trafic par conteneurs, a substantiellement modifié le paysage portuaire européen. Par ailleurs, l’élargissement de l’Union européenne déplace les flux de marchandises vers le centre de l’Europe.

Par sa position géographique et son histoire, la France dispose dans le domaine portuaire d’atouts non négligeables, sur ses façades occidentale comme méridionale. Pourtant, les principaux ports français ont continué de perdre des parts de marché, plus particulièrement dans le trafic de conteneurs.

De fait, si la France veut occuper une place significative dans les trafics de conteneurs au niveau européen, voire maintenir une économie portuaire riche directement ou indirectement en emplois, elle doit surmonter des handicaps qui lui sont propres et remplir un certain nombre de conditions, toutes nécessaires, aucune n’étant suffisante par elle-même. Il s’agit, en particulier : de la répartition nette entre ce qui est de la responsabilité de l’État et ce qui relève de la compétence des établissements portuaires ; de l’existence de grands terminaux capables de « traiter » une masse croissante de trafic dans un temps de plus en plus court ; de l’organisation de ces terminaux visant à conférer aux ports autonomes la charge des infrastructures et de la régulation de la place et à confier l’exploitation de ces dernières aux entreprises, comme c’est le cas des autres grands ports européens ; enfin, des dessertes performantes, notamment en matière ferroviaire et fluviale.

C’est dire s’il est urgent de réformer notre organisation portuaire, en particulier celle de nos ports autonomes. Depuis la loi de 1992, qui a constitué une première étape, comme l’ont rappelé les intervenants précédents, les avant-projets de loi de modernisation élaborés en 2001, puis en 2003, n’ont pas abouti. Nous sommes actuellement dans la situation paradoxale où, avec des atouts géographiques considérables, les ports français n’occupent plus une place maîtresse dans les flux commerciaux à destination de notre territoire national.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui en urgence apporte des réponses structurelles, qui me paraissent aptes à restaurer la compétitivité des ports français.

Tout d’abord, le projet de loi recentre les ports sur leurs missions de nature régalienne, ainsi que sur les missions d’aménageur et de gestionnaire de leur domaine, dont ils seront désormais propriétaires de plein droit. Ils pourront ainsi assurer une meilleure gestion de ce domaine et pourront mieux planifier le développement des infrastructures portuaires.

En outre, chaque grand port maritime s’inscrira plus clairement dans le développement de son territoire et pourra harmoniser son développement avec celui de la collectivité sur le territoire de laquelle il est implanté. À titre d’exemple, citons l’agglomération rouennaise, où l’activité portuaire représente plus de 22 000 emplois directs, indirects et induits, 30 000 en comptant les sites de Port-Jérôme et de Honfleur. Le chiffre d’affaires lié aux opérations commerciales des entreprises portuaires sur le fret chargé et déchargé atteint près de 1 milliard d’euros par an, ce qui offre une illustration du fort impact de l’activité portuaire sur l’ensemble de cette agglomération.

À l’avenir, avec le projet stratégique que chaque port devra adopter, les spécificités locales seront mieux prises en compte et les externalités positives du port se multiplieront.

En vue du recentrage des compétences, ce projet de loi vise à instaurer sur les terminaux un commandement unique pour les activités de manutention. À l’heure actuelle, la coordination des équipes est source de problèmes, car les entreprises de manutention n’ont pas la pleine maîtrise de leur cœur de métiers : la manutention verticale est l’apanage des portiqueurs et grutiers, qui sont salariés de droit privé du port autonome, tandis que la manutention horizontale est confiée aux dockers, salariés des entreprises de manutention.

Le commandement unique améliorera l’organisation des équipes et leur efficacité. Il devrait en résulter, notamment, des progrès en termes de productivité et de développement de l’investissement privé dans les ports français.

Toutefois, il faudra faire preuve d’une grande pédagogie pour bien expliquer les enjeux de la réforme, tout comme les garde-fous qui l’accompagnent. Les personnels concernés ont le souci légitime d’obtenir des garanties quant à leur avenir ; ils doivent être rassurés sur leurs perspectives de carrière, ainsi que sur les possibilités de retour qui leur sont offertes. C’est notamment le rôle du groupe de travail sur le dialogue social, présidé par M. Cousquer. Nous constatons, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez souhaité donner toute sa place à la concertation avec les professionnels concernés.

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