Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Gouvernement a une nouvelle fois déclaré l’urgence sur un projet de loi qui engage une réforme d’ampleur dans un secteur clef pour l’économie et l’emploi nationaux.
Or cette réforme visant à transformer les sept ports autonomes en grands ports maritimes, menée sans concertation effective avec les représentants des personnels, aura des conséquences économiques et sociales désastreuses pour le secteur, mais également pour les activités économiques et les emplois externes qui en dépendent.
En réalité, le Gouvernement entend une nouvelle fois réduire un peu plus les missions de service public de l’État et de ses établissements publics sans laisser au Parlement et à ses commissions permanentes le temps nécessaire pour recevoir une information exhaustive et éclairée, en particulier sur les conséquences de cette nouvelle privatisation.
De plus, monsieur le secrétaire d’État, la motivation de l’urgence que vous avez invoquée le 7 mai 2008, lors de votre audition par la commission des affaires économiques, ne nous semble pas de nature à justifier la mise en œuvre d’une procédure qui restreint les droits du Parlement.
En effet – je cite le Bulletin des commissions –, « s’agissant de la procédure d’urgence, le ministre a estimé qu’il convenait que cette réforme soit adoptée rapidement compte tenu du climat social qui l’entourait ».
En d’autres termes, le Gouvernement souhaite qu’on légifère à bref délai non pas pour que soit rapidement mise en œuvre une réforme jugée utile pour nos ports, mais pour faire passer en force une réforme pensée en dépit du bon sens et étouffer les justes revendications des personnels inquiets : cette précipitation sert les intérêts privés, au détriment de l’intérêt général. Oui, monsieur le secrétaire d’État, nous savons bien de quoi il retourne !
Cela en dit long sur la conception du Gouvernement quant aux rôles respectifs du débat parlementaire et de la concertation avec les partenaires sociaux !
En ce qui concerne la consultation des partenaires sociaux, je réitère ici l’opposition des sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen à préjuger un dispositif qui serait négocié avec eux après l’adoption du texte par le Parlement, comme vous venez de l’indiquer, monsieur le secrétaire d’État, en réponse à M. Bret voilà quelques instants. Cette démarche les mettrait de fait dans un rapport de force moins favorable, ce qui est déjà en soi inacceptable.
En raison de l’absence de justification valable de l’urgence, nous considérons qu’il convient de procéder à un travail plus approfondi au sein du Sénat sur le texte qui nous est proposé afin, notamment, d’alerter l’ensemble des sénateurs sur les dangers qu’il présente, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, de trop nombreuses dispositions renvoient de façon floue à des décrets d’application. Il est très louable de votre part de vous être engagé en commission à nous faire parvenir les projets de décret lors du débat en séance publique.
Cependant, même si nous cautionnions ce recours de plus en plus large aux textes réglementaires, nous ferions au moins remarquer que ces décrets, qui ne sont encore que des projets, peuvent changer et que l’information à leur sujet arrive un peu tard.
En tout état de cause, comme nous sommes farouchement opposés, au nom du respect des prérogatives du Parlement et de l’article 34 de la Constitution, à ces renvois de plus en plus fréquents au pouvoir réglementaire, nous nous contenterons de faire observer que, sur un certain nombre d’articles, en l’état actuel du texte, il est impossible de dire que le Parlement sait précisément ce qu’il vote ; j’y reviendrai.
Deuxièmement, le Président de la République a prétendu faire de l’évaluation des politiques publiques l’une de ses priorités. Il a même nommé un secrétaire d’État supplémentaire pour s’en charger, allant d’ailleurs ainsi à l’encontre de sa volonté de limiter le nombre des ministres.
Aujourd’hui, pourtant, il n’existe aucune évaluation réelle des réformes passées, notamment celle de 1992.
Vous comprendrez, monsieur le rapporteur, qu’il reste encore beaucoup de travail à faire en commission.