Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 27 octobre 2005 à 15h00
Position de l'union européenne dans les négociations au sein de l'organisation mondiale du commerce avant la conférence de hong-kong — Discussion d'une question européenne avec débat.

Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur :

L'Union européenne a réagi en faisant une contre-proposition. Sous réserve de la démonstration contraire, bien sûr, on peut dire que l'Union européenne a épuisé ses marges de manoeuvre en matière de soutiens internes en proposant une baisse de 70 % du plafond de la boîte orange, c'est-à-dire des soutiens les plus distorsifs.

Les discussions, aujourd'hui, se concentrent - c'est tout l'objet de la polémique dont la presse internationale se fait actuellement l'écho - sur l'accès au marché. Les Etats-Unis, le groupe de Cairns et le G20 - tous intérêts confondus, quoique différents ! - font pression sur l'Europe et réclament des réductions tarifaires très ambitieuses, ainsi qu'une limitation à 1 % des produits sensibles, c'est-à-dire les cent soixante produits auxquels M. Bizet a fait référence.

La Commission s'est mal engagée dans ces discussions. En proposant une formule de réduction linéaire, c'est-à-dire sans le mécanisme de pivot qui permet une certaine flexibilité, comportant seulement 8 % de produits sensibles, elle se prive dès le départ, nous semble-t-il, de toute marge de manoeuvre. Elle risque même, selon l'identification de ces produits sensibles, de déstabiliser des marchés agricoles de la PAC réformée.

La France est d'autant plus concernée que nos produits sensibles sont répartis sur une foultitude de lignes, contrairement à d'autres pays, notamment du Sud.

Avec l'appui de treize autres Etats membres qui ont accepté de signer un mémorandum, la France a demandé à la Commission de rester dans le cadre de son mandat. A la suite du conseil Affaires générales, la France a demandé à la Commission de prouver qu'elle restait dans le cadre de son mandat et qu'elle n'était pas en train de fragiliser la PAC.

Aujourd'hui, en dépit des réunions d'expertise qui ont eu lieu, la Commission ne nous a certainement pas convaincus du fait qu'elle était bien restée à l'intérieur de son mandat. Dans ces conditions, toute offre complémentaire de sa part me paraîtrait tout à fait inopportune, car elle ne pourrait aller qu'au-delà des propositions faites.

Vous avez mentionné les indications géographiques, notamment pour les vins et spiritueux, qui nous intéressent au premier chef.

La plupart de nos partenaires, hélas ! restent à ce jour très réticents sur les indications géographiques. Ce dossier n'avance donc pas particulièrement, et M. Bizet l'a souligné à juste titre.

Or il est essentiel d'obtenir des résultats sur ce sujet à Hong-Kong. Il serait en particulier opportun de pouvoir adopter le registre national qui, seul, serait garant de la protection d'un certain nombre de productions, notamment dans le domaine des vins et spiritueux. Une telle mesure répondrait aux interrogations de M. Emorine et de M. Girod.

En ce qui concerne les négociations sur les produits industriels, très clairement, aujourd'hui, les débats s'enlisent au détriment des pays développés, donc au détriment des intérêts des productions françaises.

Je note au passage qu'il est tout de même un peu étonnant, compte tenu de la place qu'ils occupent dans nos économies, de définir les produits industriels comme des produits non agricoles. Mais c'est la règle retenue pour les négociations NAMA, ou Non Agricultural Market Access.

Or la France a beaucoup à attendre des négociations NAMA. Les secteurs qui bénéficieraient d'une ouverture pour les produits industriels représentent aujourd'hui à peu près 55 % de l'emploi industriel total, soit 1, 7 million d'emplois et 181 milliards d'exportations, c'est-à-dire 68 % des exportations de nos produits industriels.

Or quel est notre objectif en la matière ? Il est clair que les pays en développement, en particulier les pays largement avancés dans leur développement tels que la Chine, le Brésil ou l'Inde, doivent accepter de diminuer significativement les barrières douanières - et les barrières non douanières, d'ailleurs ! - qu'ils érigent pour protéger leur marché.

Ces barrières douanières empêchent aujourd'hui nos industriels d'exporter leur production.

Dans le domaine de l'acier, si nos industriels souhaitent exporter vers l'Argentine, les droits de douane sont aujourd'hui de 35 %. Si nos industriels souhaitent exporter des 4 x 4 aux Etats-Unis, les droits de douane sont de 25 %. S'ils souhaitent exporter des véhicules automobiles ou des vins et spiritueux à destination de la Malaisie, les droits de douane y sont de 50 %. S'ils souhaitent exporter des vins et spiritueux à destination de l'Indonésie - certes, pays musulman où probablement nos exportations seraient assez minimes -, les droits de douane sont de 100 %.

Vous le voyez, il s'agit de droits de douane pour des pays émergents, mais aussi, dans un certain nombre de domaines très spécifiques, de pics tarifaires, comme au Etats-Unis, sur certains véhicules automobiles ou sur la céramique et le verre.

Malheureusement, l'Union européenne et les Etats-Unis, qui sont les principaux intéressés par une progression importante de la libéralisation dans ce domaine, ont du mal à présenter un front uni. Les stratégies adoptées ne sont pas les mêmes : les Etats-Unis favorisent une négociation ciblée sur certains secteurs, alors que l'Union européenne favorise une négociation générale.

La discussion, actuellement, porte sur la structure de la formule de réduction, laissant le degré d'ambition pour un stade ultérieur.

La France et l'Union européenne militent aujourd'hui en faveur d'une « formule suisse » que l'un d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, a fort bien décrite : réduire plus fortement les tarifs les plus élevés et plus faiblement les tarifs les moins élevés.

Le commissaire a présenté une proposition très intéressante qui conduirait à des droits de douane inférieurs à 10 % pour les pays développés et à 15 % pour les pays émergents, qui pourraient ainsi voir monter doucement en puissance leurs industries sans être totalement envahis par nos productions industrielles, comme ils peuvent le craindre.

D'après les dernières réunions NAMA qui se sont tenues à Genève, les principaux partenaires de l'Union européenne - les Etats-Unis, l'Inde, le Brésil et l'Australie - subordonnent tout progrès dans le domaine des produits industriels à l'avancement et la réalisation d'un accord dans le domaine agricole.

Je suis assez inquiète, je dois le dire, car le directeur responsable des négociations concernant les produits industriels a récemment indiqué que, à supposer qu'un accord aboutisse dans le domaine agricole, il serait probablement difficile de parvenir à un accord sur les produits industriels avant la conférence de Hong-Kong.

Concernant maintenant la négociation sur les services, elle n'a malheureusement que très peu progressé depuis 2003.

Comme l'ont souligné MM Haenel, Emorine et Deneux, les bénéfices à attendre d'une libéralisation du commerce sont considérables. Nous escomptons des engagements clairs de la part des pays développés et émergents, notamment pour ce qui concerne le secteur des télécommunications au Brésil et les services informatiques au Brésil, en Inde et en Chine.

Nos intérêts, aujourd'hui, sont concentrés sur ce que, dans le jargon, on appelle le « mode 3 », c'est-à-dire sur la possibilité d'établir et de développer des activités de services dans les autres pays.

Le mode 3 représente à peu près 50 % du commerce des services, et nous avons tout intérêt à nous engager très avant dans cette négociation. Songez que, aujourd'hui encore, le groupe Carrefour n'a pas le droit d'ouvrir une grande surface en Inde ; et des petits détaillants qui souhaiteraient, à titre individuel, ouvrir un magasin dans ce pays se heurteraient aux mêmes difficultés.

En ce qui concerne les activités qui relèvent, elles, du mode 4, nous devons à l'évidence rester très vigilants. Tout ce qui concerne la durée ou le contrôle des déplacements des salariés qui effectuent une prestation de service pour un prestataire situé à l'étranger doit relever du droit du pays d'accueil. En d'autres termes, si un travailleur étranger assure en France, pour une durée indéterminée, une prestation de service dans le cadre du quota prévu par le mode 4, c'est le droit français qui sera applicable. J'insiste sur ce point, car il convient de ne faire aucune confusion entre le mode 4 et le régime prévu par la directive Bolkestein.

Sept secteurs des services sont très importants pour la France : les services financiers et les télécommunications, les transports maritimes, les services environnementaux, la construction, la distribution et le transport aérien. Dans tous ces secteurs, nous avons des intérêts offensifs à faire valoir.

Certains orateurs ont évoqué la diversité culturelle et les services publics. Dans l'offre de services qu'elle a déposée, l'Union européenne n'a pas inclus - ce qui revient à dire qu'elle a exclu - ce qui correspondait aux services publics et à la diversité culturelle, donc notamment toutes les activités liées à l'audiovisuel. A cet égard, je me réjouis à mon tour de l'adhésion et du support massif qu'a reçus une proposition relative à la diversité culturelle qui a été largement soutenue par la France. Quel que soit le débat sur la validité juridique de cet accord, pour entrer en vigueur, il devra être ratifié par trente pays. J'espère que la France sera l'un des premiers Etats à procéder à cette ratification.

S'agissant des autres sujets, du quatrième pilier de la négociation en quelque sorte, il faut savoir que, si les négociations sur les règles restent en retrait, la facilitation des échanges a un peu progressé. Néanmoins, les questions relatives au développement, sur lesquelles je reviendrai, n'ont guère avancé, bien que le développement soit au coeur du cycle de Doha.

Monsieur Bizet, vous avez mentionné la vigilance et la confiance. Vous m'avez aussi attribué sans doute plus de vertus que je n'en ai. Je n'ai pas, par exemple, la faculté de négocier directement. En effet, les vues des vingt-cinq pays membres sont représentées par la Commission, en la personne du commissaire Mendelson.

Je crois beaucoup aux bienfaits de la vigilance et de la confiance. Il est sans doute temps d'encourager vivement et fermement à une réorientation de la négociation. Que M. Mendelson nous entende ou pas, il est de notre devoir de le lui rappeler.

En effet, aujourd'hui, l'Europe est vertueuse et ouverte ; elle n'a aucune raison d'adopter une position défensive.

Elle est vertueuse puisqu'elle a mis en oeuvre la réforme du régime des subventions et d'aides à l'agriculture. Parallèlement, nous instituons le découplage. Les Etats-Unis, pour leur part, et vous l'avez rappelé à juste titre, monsieur le sénateur, ont plus « recouplé » que « découplé ». Quant à leurs propositions, elles n'ont que la valeur de promesses et, comme toutes les promesses, elles n'engagent que ceux qui y croient !

L'Europe est également ouverte. L'Union européenne absorbe en effet 85 % des exportations de produits agricoles en provenance des pays d'Afrique et 65 % des exportations des pays les moins avancés. Le taux moyen des produits industriels y est de 4 %. Que ceux qui affirment que l'Europe est protectrice, fermée et égoïste s'appliquent à regarder les chiffres !

J'en viens à la question du mandat de négociation qui, sans être fondamentale, est aujourd'hui au coeur du débat.

Le mandat de négociation de la Commission européenne en matière agricole est la somme de diverses conclusions des conseils agricoles et des affaires générales. Je remercie M. Haenel d'avoir rappelé les fondements juridiques sur lesquels s'appuie la définition de ce mandat.

Le Conseil en l'espèce a fixé une limite très claire au mandat de la Commission à l'OMC : préserver la politique agricole commune telle qu'elle a été réformée en 2003.

Le conseil Affaires générales du 21 juillet 2003, confirmé par celui du 18 octobre dernier, au cours duquel la France a demandé que l'examen du mandat soit mis à l'ordre du jour, indique que la réforme de la PAC de 2003 fixe les limites du mandat de la négociation. Il prévoit également que la marge de manoeuvre qu'offre la réforme de la PAC ne pourra être exploitée qu'à la condition que les partenaires de l'OMC fassent des concessions équivalentes dans le domaine agricole. C'est le principe du parallélisme que j'évoquais tout à l'heure.

Dans un souci d'exhaustivité, j'ajoute que le mandat de négociation comporte également des éléments plus spécifiques.

S'agissant d'abord de l'accès au marché, l'objectif qui a été fixé dans la déclaration de Doha et dans l'accord-cadre d'août 2004 reste celui d'une « amélioration substantielle pour tous les produits ». Toutefois, le Conseil a demandé que la réduction tarifaire soit similaire à celle qui a été négociée dans le cycle de l'Uruguay. Vous pouvez donc constater que des paramètres très précis ont été fixés.

S'agissant ensuite des subventions aux exportations, le Conseil a demandé un parallélisme des engagements pour toutes les formes de soutien. En d'autres termes, les pays partenaires qui subventionnent leurs exportations doivent faire le même effort que ceux qui ont été consentis, sous forme de propositions, lors des réunions d'août 2004.

S'agissant enfin des soutiens internes, le conseil du 26 octobre 1999 et le conseil agricole du 21 novembre 2000 ont posé certaines conditions, notamment le maintien des notions de « boîte bleue » et de « boîte verte ».

Les plus anciennes conclusions du Conseil insistaient sur la reconnaissance des considérations non commerciales et sur le rôle de l'agriculture en tant que fournisseur de biens publics. Ces considérations ont progressivement disparu des conclusions du Conseil, sauf en ce qui concerne les indications géographiques.

Enfin, un traitement spécial et différencié, dit TSD, a été évoqué en faveur des pays les moins avancés. Les conseils de 1999, de 2001 et de 2003 prévoient de promouvoir les TSD, en particulier pour les pays les moins avancés. Ils proposent de réfléchir à la stabilité et à la prévisibilité des préférences commerciales et d'inciter les pays développés et les grands émergents à accorder des préférences commerciales aux pays les moins avancés.

J'en viens au troisième et dernier volet de mon propos, le développement. Il convient de remettre le développement au coeur du cycle de Doha.

Je ne remonterai pas jusqu'en 1945. Je rappellerai simplement que, lors du lancement du cycle de Doha, en 2001, certains d'entre vous s'en souviennent pour y avoir participé, les Etats - ils n'étaient d'ailleurs pas cent quarante-huit à l'époque - s'étaient engagés à placer le développement au coeur du cycle. Pourtant, les négociations sur le développement, donc le coeur du cycle, ne progressent pas. A sept semaines de la conférence de Hong-Kong, au cours de laquelle les grands principes devraient être définis, nous avons de sérieux motifs d'inquiétude.

Tout d'abord, de nombreux pays en développement sont inquiets, car ils n'ont pas la certitude de retirer des bénéfices du cycle en cours de négociation. En effet, les analyses les plus récentes montrent que les bénéfices de la libéralisation ne sont ni automatiques ni assurés à court terme et que certains pays en développement seront perdants.

La Banque mondiale, qui n'a pas toujours eu toutes les vertus, a accepté d'infléchir son discours s'agissant des bienfaits de la libéralisation. Elle a identifié des pays perdants à court terme : le Bangladesh, le Vietnam, le Mexique, les pays du Moyen-Orient - zone géographique un peu vaste qui mériterait d'être précisée -, ceux de l'Afrique du Nord et tous les pays d'Afrique sub-saharienne, c'est-à-dire les plus pauvres des plus pauvres.

De la même manière, le Fonds monétaire international, qui, lui non plus, n'a pas toujours eu toutes les vertus, a identifié six pays à revenus intermédiaires menacés par l'érosion des préférences, érosion consécutive à la réduction générale des droits de douanes. Il s'agit de l'île Maurice, pour le sucre, de Sainte-Lucie, pour la banane, de Belize, de Saint-Kitts-et-Nevis, du Guyana et des îles Fidji. On cite aussi parfois les Seychelles, pour la pêche, la Tanzanie, l'Ouganda, Madagascar et le Maroc.

En effet, les bénéfices attendus de la libéralisation prévue ne sont pas aussi clairs que l'on veut bien le dire, et ce en raison de la combinaison de quatre facteurs : premièrement, l'érosion des préférences tarifaires ; deuxièmement, la hausse des prix alimentaires, inéluctable puisque l'ouverture d'un certain nombre de marchés affectera les pays en développement qui sont des importateurs nets de produits alimentaires ; troisièmement, la faible capacité des pays les plus pauvres à adapter leur offre ; quatrièmement, enfin, les pertes de recettes douanières qui résulteront de l'abaissement des barrières douanières que nous évoquions tout à l'heure.

Les dossiers qui ont de l'intérêt pour les pays en développement ne progressent pas et restent bloqués dans la négociation. Tout se passe comme si les questions liées au développement étaient périphériques et auxiliaires.

Les débats sur les traitements spéciaux et différenciés n'ont pas progressé. Les négociations actuelles se concentrent sur les formules de réduction, renvoyant à plus tard le traitement des TSD.

En matière agricole, nous n'avons pas encore commencé à traiter les demandes des pays en développement relatives à un mécanisme de sauvegarde spéciale, au nom de la sécurité alimentaire et du développement rural.

Dans le même temps, l'examen des quatre-vingt-huit propositions visant à améliorer les mesures de TSD déjà existantes est aujourd'hui bloqué, en raison du refus des grands pays émergents - le Brésil, l'Inde, la Chine - d'accepter une distinction en fonction de leur niveau de développement entre eux et les pays les moins avancés. Pourquoi le feraient-ils ? Ils profitent d'avoir dans leur groupe les pays les moins avancés pour « tirer les marrons du feu », si je puis m'exprimer ainsi.

Certains pays, notamment parmi les plus développés, ont toujours autant de réticences à s'ouvrir davantage aux produits des pays les moins avancés.

La déclaration de Doha et l'accord-cadre du 1er août 2004 demandent pourtant aux pays développés et aux pays en développement qui sont « en mesure de le faire » d'adopter des mesures analogues à celles que l'Union européenne a décidées, connues sous la dénomination : « Tout sauf les armes ». Or on constate que pratiquement aucun de ces pays n'a accepté d'appliquer une mesure de ce type.

Les pays ACP insistent en vain sur l'érosion des préférences. Ce sujet ne progresse pas en raison de l'opposition des pays latino-américains.

Comme l'a souligné M. Emorine, la situation du marché du coton reste inquiétante. La perspective d'un règlement spécifique de ce problème à Hong-Kong est bien peu réaliste. Bien que condamnés à l'OMC, les Etats-Unis ne se sont pas engagés à discipliner leurs subventions. Cette situation, inquiétante au plus haut point, a conduit mon homologue malien à brandir, la semaine dernière, la menace d'un échec de la conférence de Hong-Kong, à défaut du règlement de la question du coton.

Enfin, la France regrette que la question de l'accès aux médicaments, à laquelle le Président de la République est très attaché, ne figure pas à l'ordre du jour de la conférence de Hong-Kong.

En effet, l'accord du 30 août 2003 n'est toujours pas transcrit dans l'accord sur l'accès des droits de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce, connu sous le nom d'accord ADPIC.

L'Union européenne, sur l'initiative de la France, va, je l'espère, transposer rapidement l'accord de 2003 en droit communautaire - ce sujet sera évoqué au Parlement européen le 17 novembre prochain -, ce qui permettra aux membres de l'Union européenne de répondre aux demandes des pays en développement pour la fourniture de médicaments dans les situations d'urgence et justifiées qui sont décrites dans l'accord de 2003.

Mes services sont mobilisés pour que la France soit en mesure de répondre à ces demandes dès que la réglementation européenne sera applicable. Nous souhaitons être à la pointe du mouvement qui vise à améliorer l'accès aux médicaments des pays les moins avancés.

Pour concrétiser les promesses du cycle de Doha pour le développement, nous devons réagir maintenant, avant la conférence de Hong-Kong. C'est pourquoi, comme je vous le disais, cette semaine sera probablement cruciale.

J'ai décidé - peut-être pour les raisons que vous avez évoquées, monsieur le sénateur - de m'engager personnellement sur le terrain. J'irai donc moi-même aux Etats-Unis et en Afrique au début du mois de novembre pour faire entendre la voix de la France sur ces questions liées au développement. Je le ferai dans des termes non ambigus, afin de clarifier la position de notre pays, notamment sur les questions agricoles, après la confusion alimentée, probablement à dessein, par tel ou tel organe.

J'aimerais croire que le débat ne se cantonnera plus à l'échelon européen et qu'il aura lieu en relation avec nos partenaires américains et d'autres. Toutefois, je crains que l'une des manoeuvres envisagées pour aboutir, de manière peut-être hâtive, ne consiste à diviser pour mieux régner. A cet égard, M. Dominique Bussereau et moi-même engageons tous nos efforts afin que le soutien que nous avions acquis, notamment sur le mémorandum agricole, et qui nous avait permis de rassembler les signatures de treize autres pays membres, ne soit pas défaillant. C'est un combat de tous les jours !

Pour conclure, je souhaite rappeler l'engagement de la France en faveur d'un accord équilibré et ambitieux, dans l'esprit de Doha. Il s'agit, en l'espèce, de promouvoir la libéralisation des marchés, d'encadrer la mondialisation par des règles équitables et loyales, de préserver une agriculture multifonctionnelle et, surtout, de veiller à l'intégration des pays en développement dans le commerce mondial. En aidant ces pays, nous nous aidons nous-mêmes ! Les problèmes d'immigration que vous avez évoqués sont aussi au coeur du débat sur le développement.

Dans ce combat - j'allais dire dans cette bataille, mais il est vrai que, là où il y a du commerce, les moeurs sont plus douces ! -, la France n'est pas seule. Elle est soutenue par un certain nombre de pays européens et même de pays situés au-delà de l'Europe avec lesquels nous devons continuer, sans défaillir, à multiplier les échanges, bâtir des alliances, pour, ensemble, être plus forts. Tel est le combat que nous menons et que nous continuerons à mener.

Tous les pays européens sont aujourd'hui conscients de l'importance des enjeux du cycle de Doha, des négociations de Hong-Kong. J'espère qu'ils sauront de même reconnaître l'impérieuse nécessité de respecter les termes d'un mandat et de revenir devant les membres du Conseil s'il devait y avoir une modification quelconque des paramètres sur lesquels s'engage la négociation.

Un succès des négociations de l'OMC à Hong-Kong, avant l'expiration du cycle de Doha, ne sera pas seulement d'ordre commercial. Il donnera aussi raison à ceux qui croient en un système multilatéral plus juste, à ceux qui pensent que cent quarante-huit pays peuvent encore s'accorder pour régler ensemble les problèmes nés de la mondialisation des échanges, pour répondre ensemble aux défis d'un monde inéluctablement globalisé, sans pour autant renoncer à leurs valeurs et à leur identité, et, enfin, à ceux qui s'insurgent contre la fatalité d'un monde replié sur lui-même - c'est effectivement le risque - ou qui refusent de céder à la tentation de conclure des accords bilatéraux, dans lesquels, par hypothèse, le plus faible subit la loi du plus fort.

Ces risques de repli sur soi et de bilatéralisation, nous souhaitons les éviter. « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, c'est la liberté qui opprime et la loi qui libère » : c'est inspirés de cette belle citation du dominicain Lacordaire que nous continuerons à mener la bataille du multilatéral, la bataille de l'OMC !

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