Intervention de Charles Josselin

Réunion du 20 mai 2008 à 21h30
Réforme portuaire — Article 1er

Photo de Charles JosselinCharles Josselin :

Aujourd’hui 20 mai, c’est la journée européenne de la mer. Il ne s’agit pas de la seule raison qui inspire cet amendement. Pourtant, il y a une relation.

Nous proposons, par cet amendement, de compléter le I du texte proposé pour l’article L. 101-3 du code des ports maritimes par un alinéa qui ajoute, parmi les missions dévolues aux grands ports maritimes, l’organisation des services portuaires d’intérêt économique général que sont l’organisation des services de transport et de manutention indispensables à l’activité portuaire à l’intérieur de leur circonscription.

En réalité, contrairement à ce qu’une lecture trop rapide pourrait laisser accroire, cet amendement vise à renforcer encore la clarté dans le partage des missions et du rôle de chacun – autorité portuaire et entreprises.

On peut d’ailleurs, à cette occasion, regretter que cette réforme n’ait pas, dès le départ, pris en compte ce concept de mission de service d’intérêt économique général, qui aurait introduit un concept de délégation de service pouvant être très utile pour le cas où certaines activités offertes ne trouveraient pas preneur dans certains ports.

Je sais bien que les filiales prévues par le projet de loi sont censées jouer ce rôle, mais il n’empêche que la précision est utile.

Il s’agit donc pour nous de faire reconnaître qu’il existe des « services portuaires de base » qui peuvent être considérés comme services d’intérêt économique général au sens européen du terme – j’y insiste – et que l’existence de ces services aurait pu justifier que la puissance publique imagine une réforme lui permettant de déléguer la gestion tout en conservant le contrôle de la mise en œuvre. Cette notion aurait pu probablement être explorée.

En commission, monsieur le rapporteur, vous avez justement rappelé que ces services portuaires faisaient déjà l’objet d’une longue énumération. Pourtant, il nous semble qu’avec la définition que nous proposons, « l’organisation des services de transport et de manutention indispensables à l’activité portuaire », nous pouvons déjà retrouver, par exemple, la question de l’organisation du service du transport ferroviaire – nous en parlerons tout à l’heure – dont la gestion incombe à la SNCF jusqu’à la fin de l’année. Que va-t-il se passer ensuite ? La question est ouverte.

Nous souhaitons, avec les services « de base » d’un grand port, évoquer, par exemple, les « motifs d’intérêt national » – il en est question dans le texte – susceptibles de conduire à la création de filiales.

Au 1° du texte proposé pour l’article L. 103-2 du code des ports maritimes, sont évoqués des services de manutention « accessoires ». N’est-on pas là en train de tourner autour de la question du périmètre des services pouvant donner lieu à des obligations de service public ?

Notre amendement s’appuie sur une jurisprudence européenne : en ajoutant aux missions des ports détaillées dans le I du texte proposé pour l’article L. 101-3 du code des ports maritimes ces missions d’organisation, nous ne faisons qu’ouvrir la possibilité aux ports de procéder en régie ou par délégation de service public pour la gestion des services essentiels.

Ce service d’intérêt économique général, au sens de l’article 86 du traité de Rome, désigne les activités de services, marchands ou non, considérés comme étant d’intérêt général par les autorités publiques et soumis pour cette raison à des obligations spécifiques. Partout en Europe, la définition des contours de ces services d’intérêt économique général fait débat, peut-être plus en France qu’ailleurs, où la notion de service public a aussi une autre histoire.

Mais revenons aux ports.

La Cour de justice des Communautés européennes a déjà eu à se poser la question. Elle a considéré, par deux fois, en 1991 puis en 1997, que les opérations portuaires d’embarquement, de débarquement, de transbordement, de dépôt et de mouvement en général des marchandises ou de tout matériel dans le port ne revêtent pas nécessairement un intérêt économique général qui présente des caractères spécifiques par rapport à celui que revêtent d’autres activités économiques.

En revanche, la même Cour a estimé, par exemple, que les opérations de lamanage revêtent un intérêt économique général qui présente des caractères spécifiques par rapport à celui que revêtent d’autres activités économiques et qui est susceptible de les faire entrer dans le champ d’application de l’article 86, paragraphe 2, du traité ; elles peuvent donc être considérées comme service d’intérêt économique général.

La Cour a également estimé que peut relever de la notion de service d’intérêt économique général le maintien de la navigabilité d’une voie d’eau importante. Outre les opérations d’amarrage stricto sensu qui s’appliquent à tous les types de navires, les services spécialisés de lamanage participent à la sécurité portuaire, à la lutte contre les pollutions, et rendent divers services aux navires, tels que fourniture ou complément d’équipage, chef de manœuvre ou branchement des navires citernes. On pourrait parler aussi de la mise à disposition du matériel nautique pour expertise ou travaux sous-marins.

Bref, au sens très large du terme, vous conviendrez avec moi que certains de ces services sont assurés dans nos ports par des personnels portuaires et des personnels de manutention ou vice versa.

La réforme proposée nie, en quelque sorte, l’existence d’un intérêt général sur le port, et, en conséquence, nous nous contentons de livrer aux grands groupes armateurs manutentionnaires les clés de toute une série de services qui devraient pourtant demeurer sous le contrôle de la puissance publique : l’entretien des accès, le dragage, une partie du remorquage, l’installation de digues flottantes, la sécurité de la gestion des terminaux pétroliers et gaziers, qui conditionne, dans une large mesure, l’approvisionnement énergétique de notre pays.

En conclusion, l’introduction de cette notion d’intérêt économique général me paraît rappeler le besoin pour la puissance publique de contrôler un certain nombre de missions essentielles mais elle offre aussi, dans le cadre de la loi, la possibilité de mettre plus largement en pratique le principe de la délégation, qui, je le répète, sera peut-être très utile s’il n’y a pas preneur dans le cadre des autres procédures envisagées.

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