Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 13 septembre 2006 à 21h30
Prévention de la délinquance — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

En 2002, vous aviez promis aux Français d'en finir avec la criminalité et les violences urbaines. Or, au regard des chiffres et des événements récents, votre bilan est finalement très contestable ; mon collègue Jean-Claude Peyronnet l'a d'ailleurs parfaitement démontré tout à l'heure. C'est précisément pour cette raison que vous vous apprêtez, pour la sixième fois en quatre ans, à étendre l'arsenal répressif !

De prévention il n'est que peu question dans ce texte.

En effet, une véritable politique de prévention nécessite une approche globale. Elle se doit d'agir sur toutes les dimensions de ce phénomène social complexe qu'est la délinquance. De ce point de vue, la lutte contre les exclusions, la prévention sociale et l'éducation sont tout aussi nécessaires que la dissuasion et la sanction.

Une véritable politique de prévention de la délinquance, c'est une politique qui, à la fois, combat les comportements violents et agir sur les causes sociales de la violence. Or vous faites exactement le contraire : la quasi-totalité des dispositifs que le présent projet de loi vise à mettre en place sont réactifs, au lieu de viser les problèmes « à la racine ».

Ce projet de loi fabriqué en total décalage avec les acteurs de la prévention donne d'ailleurs l'impression d'imputer aux éducateurs et la justice des mineurs la responsabilité des échecs rencontrés.

Pourtant, le véritable responsable, c'est bien le Gouvernement ! Depuis quatre ans, celui-ci ne cesse de démanteler les institutions et les associations de prévention en réduisant leurs budgets.

Si la commission des affaires sociales a souhaité se saisir pour avis de ce projet de loi, c'est qu'un nombre non négligeable d'articles concerne le champ sanitaire et social. Mais c'est pour mieux le passer, si vous me permettez l'expression, à la « moulinette sécuritaire » !

Car c'est bien de cela qu'il s'agit, par exemple, lorsqu'il est question des hospitalisations sans consentement. Les articles que vous proposez sur le sujet n'ont pas leur place dans ce projet de loi. Ils sont tout simplement inacceptables parce qu'ils font l'amalgame entre les délinquants et les personnes souffrant de troubles mentaux, alors même que la corrélation entre criminalité et troubles mentaux n'est pas démontrée et qu'elle laisse sceptiques les professionnels de la psychiatrie.

Toutes les études existant sur ce sujet le démontrent : le risque de passage à l'acte violent des personnes présentant une maladie mentale est sensiblement identique à celui du reste de la population. Selon ces mêmes travaux, il faut surtout prendre en considération les éléments de désocialisation et de précarisation. En effet, ceux-ci multiplient le risque de passage à l'acte par dix. Ce n'est pas moi qui le dis : cela figure dans le très officiel rapport de la commission santé-justice publié en juillet 2005.

Le présent projet de loi ne vise qu'à stigmatiser une fois de plus une partie de la population et à instrumentaliser la psychiatrie et l'ensemble du champ sanitaire, aussi bien ses acteurs que ses structures, à des fins de contrôle social.

De telles dispositions mettent gravement en danger tout le travail mené depuis des décennies par les associations et les professionnels en faveur de l'intégration des personnes présentant des problèmes de santé mentale. Une société évoluée ne doit plus confondre soins psychiatriques et enfermement, malades et délinquants, hôpital et prison.

La loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation, qui détermine le régime juridique des hospitalisations sans consentement, repose sur un équilibre entre santé, liberté et sécurité. C'est un équilibre fragile. J'en conviens, cela explique certaines faiblesses du dispositif, qui ont d'ailleurs été relevées par de multiples rapports. Je pense notamment à un rapport réalisé par l'inspection générale de la police nationale et par l'inspection générale de la gendarmerie nationale au mois de mai 2004, ainsi qu'à un autre, publié en mai 2005, émanant de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des services judiciaires.

Or, dans ce projet de loi, seules les observations du premier de ces rapports ont été prises en compte, ce qui ne nous surprend d'ailleurs guère.

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